New York, 24 Septembre, 2007—Un journaliste chevronné nigérien et correspondant de la chaîne française Radio France Internationale (RFI), Moussa Kaka, qui s’est distingué par sa couverture exclusive de sept mois de rébellion armée au nord du Niger, a été emprisonné aujourd’hui après quatre jours de détention par la police pour avoir été accusé d’aider les rebelles, ont déclaré les journalistes locaux.
Dans une déclaration officielle vendredi à la télévision, le procureur de la cour d’appel de Niamey, Adama Harouna, a accusé M. Kaka d’être « de connivence » avec les rebelles Touareg et de compromettre « l’intérêt supérieur du Niger », citant des conversations entre le journaliste et les dirigeants des rebelles.
Ces accusations incluent des allégations selon lesquelles le journaliste aurait negotié des modalités de paiement avec le leader des rebelles, Agali Alambo, pour la prise d’images et de photos.
En effet, M. Kaka avait fait des interviews exclusives et pris des photos qui ont été réimprimées en juillet dernier dans les journaux à Niamey.
«Moussa Kaka a été plusieurs fois harcelé par le gouvernement nigérien pour la couverture qu’il fait sur le conflit Touareg », a déclaré le directeur exécutif du CPJ, Joel Simon.
« Le gouvernement nigérien a porté plusieurs graves accusations selon lesquelles M. Kaka et les rebelles conspiraient d’échanger de l’argent, et qu’il est aussi complice dans la rébellion Touareg. Les autorités nigériennes doivent prouver ces accusations ou alors les retirer immédiatement. M. Kaka ne devrait, dans aucune circonstance, être retenu en prison », a-t-il ajouté.
Appelant M. Kaka « bandit »— un terme utilisé par le gouvernement pour designer les rebelles— « déguisé en journaliste », le porte-parole du gouvernement, Ben Omar Mohamed, a déclaré au CPJ que ces accusations n’étaient pas liées au journalisme.
M. Kaka, directeur général de la chaîne privée émettant sur l’étendue du territoire nationale, Radio Saraounya, et aussi correspondent de RFI, a été arrêté jeudi dernier dans les locaux de Saraounya par la police nigérienne qui a aussi perquisitionné sa résidence, et saisi le draft d’un rapport qu’il avait envoyé à RFI, selon sa femme, Jamila Souley, directrice de la station de Saraounya à Niamey.
Un jour après l’arrestation de M. Kaka, la police a aussi perquisitionné ses bureaux et confisqué son ordinateur personnel, selon Boubacar Diallo, président de l’association nationale des éditeurs de la presse indépendante (ANEPI).
M. Kaka a été escorté cet après-midi par des gendarmes pour son déferrement devant le tribunal de la capitale nigérienne, Niamey, où plus de 20 journalistes de la presse étrangère et locale s’étaient réunis depuis le matin, a dit au CPJ le correspondant de Reuters, Abdoulaye Massalatchi.
M. Kaka a été plus tard transféré à la prison de Niamey puisque son déferrement a été reporté jusqu’à mardi prochain, a dit M. Massalatchi.
Moussa Kaka, connu pour sa couverture exclusive de plusieurs rebellions Touaregs depuis les années 1990, avait été auparavant emprisonné en2004, et il a récemment été la cible de menaces de mort de la part du gouvernement nigérien à cause de son travail.
Les autorités nigériennes ont déclaré le mois dernier un état d’alerte de trois mois autour de l’ancienne ville commerciale du nord du Sahara, Agadez, accordant ainsi aux forces de sécurité le plein pouvoir d’arrestation et détention en réponse aux attaques des combattants rebelles perpétrées depuis février dernier, rapportent les média qui soulignent qu’aux moins 45 militaires du gouvernement ont été tués et des dizaines d’autres enlevés lors de ces attaques.
La couverture médiatique des attaques perpétrées par les rebelles cette année a poussé les autorités nigériennes à suspendre RFI et un journal privé, et à interdire les débats en direct sur la rébellion, d’après des recherches du CPJ.
Cependant les rebelles continuent de faire des déclarations dans les médias, par téléphone satellite, et à travers leurs représentants en Europe ainsi que leur Site Web.
Selon Boubacar Diallo, six groupes de presse locaux ont conjointement condamné l’arrestation de M. Kaka.