New York, le 23 mai 2007—Les autorités de la ville d’exploitation diamantaire de Mbuji-Mayi, au centre de la République Démocratique du Congo (RDC), ont fermé dimanche une radio privée suite à des commentaires critiques visant le gouverneur de province. Ces propos avaient été diffusés sur deux émissions la semaine dernière, selon des journalistes locaux et l’organisation de défense de la liberté de la presse, Journaliste en Danger (JED).
La police a scellé les studios de la Radio-Télévision Debout Kasaï (RTDK), basée dans la province est du Kasaï, à 940 kilomètres au sud-est de la capitale Kinshasa, sur ordre du gouverneur Ngovi Kasanji et de la Haute Autorité des médias (HAM), selon les mêmes sources. La HAM a suspendu la station pour sept jours pour « outrages, menaces, et intimidations » envers les autorités, selon un communiqué de presse obtenu par le CPJ. La radio a rejeté ces allégations, et l’enquête du CPJ n’a trouvé aucun fondement pour les soutenir.
Le propre statut de la HAM est incertain. Le ministre de l’information Toussaint Tshilombo Send a déclaré la semaine dernière que la HAM, une agence publique créée sous l’ancien gouvernement de transition, était « à ce jour inexistante » et que ses mesures prises depuis l’élection du nouveau parlement cette année étaient « nulles et de nul effet », selon une déclaration officielle reprise dans la presse locale. La RDC a organisé des élections présidentielles et législatives historiques plus tôt cette année, concluant une période de transition commencée en 2002, après quatre ans de guerre civile. Les responsables de la HAM ont refusé de reconnaître les déclarations de Send, selon les reportages des médias locaux.
« La suspension de la RTDK contredit d’avantage les déclarations de l’état selon lesquelles la liberté de la presse est respectée en RDC, et apparemment va a l’encontre de l’autorité du nouveau gouvernement Congolais », a déclaré Joël Simon, directeur exécutif du CPJ. « Nous demandons aux autorités d’annuler immédiatement cette suspension. »
La suspension est liée à une émission radio du 15 mai et à une émission d’actualités télévisée du 16 mai, a déclaré le reporter de la RTDK Boniface Beya au CPJ. Dans l’émission de radio, le propriétaire de la RTDK Aguy Ilunga, un influent négociant en diamants, s’est plaint d’être la cible d’insultes venant de Kasanji, un négociant en diamants rival et propriétaire d’un média local, la Radiotélévision Océan Pacifique, selon JED et des journalistes locaux. En janvier dernier, Ilunga avait perdu les élections de gouverneur face à Kasanji, rappellent des journalistes. Dans l’émission télévisée, un téléspectateur anonyme avait par ailleurs critiqué l’autorité publique pour ne pas avoir tenu une promesse électorale concernant la fourniture d’eau potable, selon Beya.
La HAM a également accusé la radio de refuser de fournir les enregistrements des émissions. La HAM a réclamé les bandes sonores dans une lettre non datée obtenue par le CPJ, mais la correspondance n’est parvenue à la station que samedi, presque trois heures après la date limite, selon Beya.
Les autorités avaient déjà harcelé la RTDK auparavant. En mai 2005, le gouverneur d’alors avait fermé la station pendant deux jours durant des manifestations antigouvernementales. En juin 2003, des agents des renseignements avaient détenu un reporter de la RTDK pendant 13 heures suite à la diffusion des déclarations d’un leader rebelle local. Et en 2002, la radio avait été interdite pour avoir couvert l’actualité d’un leader de l’opposition.
La RTDK est le cinquième média congolais à être censuré cette année pour ces reportages, après les stations du média public Radio-Télévision Nationale Congolaise (RTNC) à Goma et à Butembo, et les stations privées Radio Liberté et Radio ODL, selon le CPJ.
Rappelons que ce mois-ci, le CPJ a nommé la RDC l’un des pays les plus rétrogrades au monde en matière de liberté de la presse.