New York, le 26 avril 2007—Les autorités du Burkina Faso doivent enquêter sur des menaces de mort proférées à l’encontre du journaliste et activiste Karim Sama, connu pour son franc-parler, a aujourd’hui déclaré le Comité pour la Protection de Journalistes. Sama a en effet reçu la semaine dernière un email anonyme l’avertissant qu’il « serait abattu » suite à ses propos critiquant le gouvernement burkinabais. Sama, animateur de deux programmes reggae très populaires sur la radio Ouaga FM de la capitale Ouagadougou, a confié qu’il avait reçu un email le 18 avril déclarant : « Juste pour t’inviter à arrêter des bêtises à la radio Ouaga FM. Il faut que tu saches que tu seras abbatu très bientôt et il n’y aura rien ». Le message continue, sous forme de phrases succinctes: « Nous avons abbatu Norbert Zongo, il n’y a rien eu. Toi aussi, ton tour n’est pas assez loin ».
Le meurtre non élucidé en 1998 de Zongo, éminent rédacteur qui enquêtait sur l’assassinat d’un chauffeur au service de la présidence, a jeté un froid dans le milieu de la presse locale. Sama est très engagé à réclamer la justice pour le meurtre de Zongo, selon des sources locales.|
L’email conseille à Sama de cesser ses critiques sur les ondes à l’encontre de la politique du Président Blaise Compaoré, qualifiant ce dernier de « bénédiction divine », selon une copie du message, obtenue par le CPJ. L’émission de Sama diffuse des chansons de reggae abordant des thèmes de justice sociale, et le journaliste accompagne ces chansons de commentaires critiques à l’égard des présumées injustices et corruptions du gouvernement burkinabais, ont confié des journalistes locaux au CPJ. Sama a affirmé qu’il avait auparavant reçu des menaces à la suite de commentaires non relatifs à l’affaire Zongo.
« Les ennemis de la liberté de la presse au Burkina Faso se sont clairement sentis galvanisés par l’échec du gouvernement à élucider l’abominable assassinat de Norbert Zongo, » a affirmé Joël Simon, le directeur exécutif du CPJ. « Les autorités doivent établir un climat de sécurité pour la presse, et cela comporte le devoir d’enquêter sur les moindres menaces et de finalement traduire en justice les meurtriers de Zongo.» Il n’y a pas eu de réaction officielle du gouvernement, mais Sama a déposé une plainte auprès de la police, selon Jean-Claude Meda, président de l’Association des Journalistes Burkinabais. Un responsable du Conseil Supérieur de la Communication, le régulateur gouvernemental des médias, a qualifié les menaces « d’inadmissibles » et a annoncé que le Conseil discuterai l’idée de publier ou non un communiqué sur le sujet. Le responsable a refusé de divulguer son nom.
La station de radio a suspendu le programme de Sama la semaine dernière par crainte pour sa sécurité, a annoncé son directeur Gniehoun Zakaria au CPJ. « Les menaces nous ont surpris; Sama a tenu un ton critique depuis des années maintenant, mais nous n’avons jamais reçu de plainte officielle de la part du gouvernement » précise-t-il. Sama a toutefois annoncé qu’il retournerait sur les ondes ce weekend.
Les groupes de presse locaux ont eux réagi, en faisant une déclaration commune condamnant les menaces. Celles-ci suivent de juste quatre jours la fin d’un forum international sur la liberté de l’expression à Ouagadougou, selon Abdoulaye Diallo, gestionnaire du Centre Nationale de la Presse Norbert Zongo. Sama, connu aussi comme chanteur sous le nom de Sams’K le Jah, s’est produit sur scène lors du concert de clôture du forum, a confié Diallo au CPJ. « Nous prenons ces menaces très au sérieux; le tragique précédent de Norbert Zongo nous y oblige », a-t-il ajouté.