Indice mondial de l’impunité en 2016
Publié le 27 octobre 2016
Dans son dernier Indice mondial de l’impunité, qui met en lumière les pays où les assassins de journalistes échappent à la justice, le CPJ a trouvé que parmi les taux d’impunité les plus élevés pour les meurtres de journalistes figurent ceux que l’on peut attribuer aux exécutions commises par des groupes islamistes. Le pays en tête du classement depuis deux ans est la Somalie, où le groupe militant al-Shabaab est soupçonné d’être impliqué dans la majorité des meurtres de personnel des médias, suivie par l’Irak et la Syrie, où des membres du groupe militant État islamique a assassiné au moins six journalistes au cours de la dernière année.
Des groupes extrémistes ont également visé à plusieurs reprises, avec impunité, des journalistes en Afghanistan, au Bangladesh, au Nigeria et au Pakistan, qui figurent tous dans l’indice pour au moins la deuxième année consécutive.
En même temps, des violences perpétrées à l’encontre de journalistes par des groupes criminels et des responsables locaux ont permis à l’impunité de resserrer son emprise en Amérique latine, où le Brésil et le Mexique ont avancé chacun de deux places dans l’indice de cette année.
Le Sri Lanka, où les violences contre les journalistes ont reculé depuis la fin d’une guerre civile longue de plusieurs décennies, a disparu de la liste pour la première fois depuis que le CPJ a commencé à compiler l’indice en 2008.
L’indice de l’impunité, publié annuellement pour marquer la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes, le 2 novembre, calcule le nombre de meurtres de journalistes non élucidés par rapport à la population de chaque pays. Dans cette édition, le CPJ a examiné les meurtres de journalistes qui se sont produits dans chaque pays du monde entre le 1er septembre 2006 et le 31 août 2016. L’indice n’inclut que les pays ayant enregistré cinq cas non élucidés ou plus. Cette année, treize pays ont atteint ce seuil, par rapport à quatorze l’an dernier. Les cas sont considérés comme non élucidés lorsqu’aucune condamnation n’a été prononcée ; les cas où certains auteurs mais pas tous sont amenés devant la justice sont classés comme une impunité partiale et ne sont pas inclus au compte du seuil de cinq cas. Les cas où les suspects sont tués pendant l’arrestation sont également classés comme une impunité partiale.
Si les militants extrémistes sont responsables du plus grand nombre d’attentats contre les journalistes depuis quelques années, ils ne sont pas les seuls à s’en tirer impunis ; de même, les zones de conflit ne sont pas le seul théâtre de l’impunité.
Les Philippines occupent la quatrième place dans l’indice en raison de la non-poursuite des auteurs du massacre de Maguindanao en 2009 où 32 journalistes et professionnels des médias ont été tués. Hormis les Philippines, le Mexique et le Brésil, des groupes criminels et des responsables du gouvernement comptent également parmi les principaux suspects dans les meurtres de journalistes en Russie et en Inde. Chacun de ces pays, à l’exception du Brésil, figure dans l’indice depuis sa création.
Le CPJ n’a enregistré que quatre meurtres non élucidés au Sri Lanka pour la dernière période de dix ans, d’où l’élimination de ce pays de l’indice. Dans le marasme politique actuel, aucun journaliste n’y a été assassiné en lien direct avec son activité professionnelle depuis que le rédacteur en chef Lasantha Wickramatunga a été tué en 2009. La justice n’a été rendue dans aucun cas de meurtre – malgré la promesse du Président Maithripala Sirisena de réenquêter sur d’anciens meurtres – mais le cas de Wickramatunga a marqué une infime avancée cette année avec une seule arrestation et l’exhumation du corps du rédacteur en chef aux fins d’une nouvelle autopsie.
L’impunité est largement reconnue comme l’une des plus grandes menaces qui pèsent sur la liberté de la presse ; aussi la pression internationale pour la combattre s’est intensifiée au cours des dernières années. Certains États, y compris plusieurs des contrevenants récidivistes figurant dans cet indice, commencent à répondre à cette pression. Six pays classés dans l’indice – le Bangladesh, le Brésil, le Pakistan, les Philippines, la Russie et la Somalie – ont condamné des auteurs de meurtres de journalistes au cours de l’année dernière, ce qui représente une augmentation par rapport aux trois pays recensés dans l’édition précédente.
Autre évolution positive : davantage de pays classés dans l’indice de cette année ont participé au mécanisme de reddition de comptes de l’UNESCO en matière d’impunité, lequel demande – en vue du rapport biennal de l’UNESCO sur la sécurité des journalistes – des informations concernant l’état des enquêtes sur des journalistes assassinés. Au cours des années précédentes, la moitié des pays répertoriés dans l’indice ignoraient ce processus. Cette année, seulement trois États sur les treize pays répertoriés – l’Inde, le Sud-Soudan et la Syrie – n’ont pas répondu.
Entre autres constats tirés des données du CPJ sur les journalistes assassinés, on peut relever les suivants :
- Les données combinées des treize pays répertoriés dans l’indice représentent 80 pour cent des meurtres non élucidés qui ont eu lieu dans le monde pendant la période de dix ans expirant le 31 août 2016.
- Huit des treize pays répertoriés dans l’Indice de l’impunité y ont figuré chaque année depuis que le CPJ a commencé son analyse annuelle en 2008, ce qui démontre à quel point l’impunité est enracinée dans certaines nations.
- Malgré leur bilan peu reluisant dans la réalisation de la justice, quatre pays répertoriés dans l’Indice de l’impunité – l’Inde, le Mexique, le Nigeria et les Philippines – siègent au Conseil gouverneur de la Communauté des Démocraties, une coalition consacrée à la défense et au renforcement des normes démocratiques.
- Au cours de la dernière décennie, des groupes politiques, y compris l’État islamique et d’autres organisations extrémistes, sont les auteurs présumés de plus de 40 pour cent des meurtres. Des responsables gouvernementaux et militaires sont considérés comme les principaux suspects dans près d’un quart des cas survenus pendant la même période.
- Environ 95 pour cent des victimes étaient des journalistes locaux. La majorité d’entre eux couvraient davantage l’actualité politique et la corruption dans leurs pays d’origine que n’importe quel autre secteur.
- Dans au moins 40 pour cent des cas, les victimes rapportaient avoir reçu des menaces avant d’être assassinés. Les menaces font rarement l’objet d’enquêtes par les autorités et une protection adéquate n’est assurée que dans un petit nombre de cas.
- Au cours des dix dernières années, environ 30 pour cent des journalistes exécutés ont d’abord été faits prisonniers, dont la majorité ont été torturés, amplifiant ainsi le message d’intimidation émis par les assassins à la communauté des médias.
- Pendant toute la décennie, justice n’a été rendue que dans 3 pour cent de l’ensemble des cas de meurtre, y compris dans la poursuite des « cerveaux » derrière ces crimes.
Pour une explication détaillée de la méthode de CPJ, cliquer ici.
L’Indice
1 La Somalie
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 24
Restés impunis : Groupes militants comme al-Shabaab.
Menacés de meurtre : Journalistes locaux qui couvrent l’actualité politique et la culture, et ceux qui travaillent pour les médias d’État.
Progrès : Depuis décembre 2015, des tribunaux militaires ont condamné des suspects liés à six meurtres de journalistes, dont cinq étaient attribués à un seul individu. Trois hommes ont été condamné à mort ; les autres à des peines de prison allant de 15 ans à la perpétuité. Par ailleurs, la Somalie a répondu pour la première fois à la demande de l’UNESCO concernant l’état d’avancement de la procédure judiciaire relative aux meurtres dans ce pays.
Entrave : Le recours à des tribunaux militaires et à la peine de mort dans les cas de meurtre a suscité des craintes chez les défenseurs des droits de l’homme concernant l’absence de procès en bonne et due forme et la sévérité des peines.
Cas illustratif : En avril 2015, deux hommes armés sont entrés par effraction dans la maison de Daud Ali Omar, producteur d’une station de radio pro-gouvernementale, et l’ont tué par balles ainsi que sa femme pendant qu’ils dormaient. Al-Shabaab est soupçonné d’avoir été derrière cette attaque, mais personne n’a été appréhendé. Le couple avait trois enfants.
2 L’Irak
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 71
Restés impunis : Le groupe militant État islamique, responsables gouvernementaux.
Menacés de meurtre : Journalistes locaux couvrant l’actualité politique, la guerre, la corruption et les droits de l’homme.
Progrès : En novembre 2015, le gouvernement s’est engagé à rouvrir des dossiers de crimes commis contre les journalistes et à suivre les attaques contre les médias en coordination avec la société civile.
Entrave : L’État islamique a enlevé et tué au moins six journalistes à Mossoul depuis que le groupe militant a saisi la ville en 2014.
Cas illustratif : En juin 2015, des combattants de l’État islamique ont enlevé Jalaa al-Abadi, un caméraman de Nineveh Reporters Network, groupe de journalistes basé principalement à Mossoul. Al-Badi a été tué par balle par les militants un mois plus tard ; ces derniers ont contacté sa famille pour qu’elle vienne ramasser ses restes.
3 La Syrie
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 17
Restés impunis : L’État islamique et d’autres groupes militants, les forces de sécurité.
Menacés de meurtre : Journalistes locaux et correspondants étrangers couvrant les droits de l’homme, la guerre et l’actualité politique.
Progrès : Aucun.
Entrave : Depuis la dernière édition de l’indice, le taux d’impunité de la Syrie a doublé puisqu’au moins six journalistes de plus ont été assassinés en toute impunité.
Cas illustratif : En octobre 2015, des militants du groupe État islamique ont enlevé Sami Jawdat Rabah, journaliste en ligne travaillant pour l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Une vidéo montrant son meurtre perpétré à l’aide d’un dispositif explosif a été diffusée au mois de juin suivant.
4 Les Philippines
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 41
Restés impunis : Responsables gouvernementaux.
Menacés de meurtre : Journalistes locaux opérant en dehors de la capitale et couvrant l’actualité politique, la corruption, les affaires et la criminalité.
Progrès : Deux condamnations ont été prononcées pendant l’année écoulée : un deuxième suspect a été condamné pour le meurtre de l’animateur d’une émission de radio Gerardo Ortega et un ancien maire a été jugé coupable d’homicide pour le meurtre en 2004 du journaliste Herson Hinolan. Dans le cas d’Ortega, deux anciens politiciens accusés d’avoir commandé l’assassinat ont été appréhendés en 2015 mais n’ont pas encore été jugés. L’un d’entre eux a été libéré sous caution en mai 2016.
Entrave : Le Président Rodrigo Duterte a fortement inquiété la communauté des médias peu après son élection cette année en prétendant publiquement que certains meurtres de journalistes étaient justifiés. Il a annoncé plus tard que son gouvernement créerait une « instance supérieure » consacrée à l’élucidation des meurtres.
Cas illustratif : La justice est complètement bloquée pour les 32 journalistes et professionnels des médias assassinés dans le massacre de Maguindanao en 2009. Aucun des plus de 80 accusés n’a été effectivement jugé au cours de la période de presque sept ans depuis que cette atrocité a eu lieu. Entretemps, au moins quatre témoins ont été assassinés et le cerveau présumé est décédé de mort naturelle.
5 Le Soudan du Sud
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 5
Restés impunis : Inconnus.
Menacés de meurtre : Journalistes locaux couvrant l’actualité politique et la guerre.
Progrès : Aucun.
Cas illustratif : En janvier 2015, cinq journalistes ont été attaqués à coups de fusil et de machette et puis mutilés par le feu dans une embuscade dans l’État de Bahr Al-Ghazal occidental. Les journalistes faisaient partie du convoi d’un homme politique.
6 Le Mexique
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 21
Restés impunis : Groupes criminels tels que des trafiquants de drogues.
Menacés de meurtre : Journalistes locaux couvrant la criminalité et la corruption dans les États dominés par des cartels.
Progrès : La police a arrêté trois personnes pour le meurtre du photographe Rubén Espinosa en juillet 2015 ; toutefois, quelques journalistes ont remis en question plusieurs aspects de l’enquête.
Entrave : Bien que le Mexique ait mis en place en 2013 une législation destinée à permettre aux autorités fédérales de poursuivre les crimes contre la liberté d’expression, personne n’a été interpellé dans le cadre du programme et au moins huit journalistes ont été assassinés en raison de leur travail depuis lors.
Cas illustratif : En août 2015, le photographe Espinosa a été trouvé mort ainsi que quatre femmes dans un appartement du Mexique. Toutes les victimes avaient reçu une balle dans la tête et manifestaient des signes de torture. Un an plus tard, personne n’a été condamné pour les meurtres.
7 L’Afghanistan
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 5
Restés impunis : Des groupes extrémistes tels que le Taliban, des groupes criminels, des résidents locaux.
Menacés de meurtre : Journalistes locaux et correspondants étrangers couvrant la guerre, l’actualité politique et les droits de l’homme.
Progrès : Le taux d’impunité de l’Afghanistan a baissé de manière constante chaque année puisqu’aucun journaliste n’a été visé en représailles directes à son travail depuis 2008, bien qu’au moins une douzaine de journalistes aient été tués dans des conflits ou au cours de missions dangereuses.
Entrave : Au cours de la dernière année, le Taliban a attaqué des journalistes avec des menaces et des agressions, y compris le bombardement de la station privée de Tolo TV en janvier 2016. Aucun journaliste n’est mort dans l’attaque, mais sept membres du personnel ont été tués.
Cas illustratif : Le journaliste et « fixer » local Ajmal Naqshbandi a été enlevé par des combattants du Taliban en même temps que le correspondant italien Daniele Mastrogiacomo en 2007. Mastrogiacomo a été libéré à la suite de négociations entreprises par le gouvernement italien. Naqshbandi a été décapité.
8 Le Pakistan
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 21
Restés impunis : Militants, agences militaires, services de renseignement, partis politiques, groupes criminels.
Menacés de meurtre : Journalistes locaux couvrant la guerre, l’actualité politique, la corruption et les droits de l’homme.
Progrès : En mars 2016, un tribunal a condamné un accusé à la réclusion à vie et à une amende pour avoir abattu par balle le chroniqueur judiciaire Ayub Khattak. Dans une autre affaire survenue au cours de la dernière décennie, à savoir le meurtre en 2011 du journaliste de télévision Wali Khan Babar, la justice a été partiellement rendue.
Entrave : Aucun suspect n’a été poursuivi suite aux attaques contre les journalistes renommés Namid Mir et Raza Rumi, aucune desquelles n’a été mortelle.
Cas illustratif : Le journaliste de télévision Shan Dahar a été abattu par balle le jour de l’An 2014 devant une pharmacie alors qu’il faisait un reportage sur la vente illégale de médicaments. Il est décédé après avoir attendu des soins pendant neuf heures. La police a commencé par rejeter l’affaire comme un incident de violence aléatoire, mais la famille du journaliste et des groupes de défense de la liberté de la presse ont insisté pour qu’une nouvelle enquête, qui tiendrait compte du travail de journaliste de Dahar comme motif, soit ouverte. En avril 2016, le dossier a été rouvert, mais aucun progrès n’a été noté à ce jour.
9 Le Brésil
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 15
Restés impunis : Responsables gouvernementaux, groupes criminels.
Menacés de meurtre : Journalistes couvrant l’actualité politique et la corruption en dehors des villes principales.
Progrès : Au cours des trois dernières années, des suspects ont été condamnés dans six cas, ce qui représente davantage de condamnations que dans tout autre pays où le CPJ a enregistré des meurtres de journalistes ; toutefois, justice n’a été pleinement faite que dans une seul cas.
Entrave : Le Brésil a avancé de deux places dans l’Indice de l’impunité cette année en raison de deux nouveaux meurtres de journalistes.
Cas illustratif : Le rédacteur João Miranda do Carmo, connu pour avoir critiqué des responsables de l’administration locale, a reçu des menaces à deux reprises – dans l’un des cas, sa voiture a été incendiée – avant que deux hommes ne se garent devant chez lui et ne l’abattent de sept balles en juillet 2016. Avant le meurtre, du Carmo avait informé la police des deux menaces qu’il avait reçues. Pour plus de la moitié des meurtres commis au Brésil et répertoriés dans cet indice, les victimes avaient reçu des menaces avant d’être assassinées.
10 La Russie
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 9
Restés impunis : Responsables gouvernementaux, groupes politiques.
Menacés de meurtre : Journalistes couvrant la corruption et les droits de l’homme.
Progrès : En mai 2016, deux hommes ont été condamnés à huit ans et à dix ans et demi de prison respectivement pour le meurtre en 2009 du rédacteur en chef adjoint Abdulmalik Akhmedilov au Daghestan. D’abord condamné en mars 2015, le duo a été acquitté par la cour suprême de la région et ensuite rejugé. Aucun cerveau n’a été poursuivi.
Entrave : En mai 2015, un tribunal de Moscou a clos la procédure contre le cerveau accusé d’avoir été derrière le meurtre du journaliste Igor Domnikov en 2000, en citant le délai de prescription.
Cas illustratif : Le mois d’octobre 2016 a marqué le dixième anniversaire de l’assassinat de la journaliste renommée Anna Politkovskaïa. Bien que la Russie ait condamné plusieurs personnes impliquées dans le meurtre par balles, les procureurs n’ont pas identifié les commanditaires du crime. Les reportages de Politkovskaïa dénonçaient les atteintes aux droits de l’homme en Tchétchénie.
11 Le Bangladesh
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 7
Restés impunis : Membres de groupes extrémistes et criminels.
Menacés de meurtre : Blogueurs laïcs, journalistes rendant compte du trafique de drogues.
Progrès : En décembre 2015, un tribunal à Dhaka a condamné huit personnes liées au meurtre du blogueur Ahmed Rajib Haider. Le cerveau présumé du meurtre, qui a été jugé par contumace, n’a pas été appréhendé.
Entrave : Malgré quelques arrestations, une seule affaire de meurtre survenue au cours de la dernière décennie a été instruite en bonne et due forme.
Cas illustratif : Washiqur Rahman Babu, qui critiquait des islamistes purs et durs sur son blogue, a été poignardé et tué à coups de couteaux et de couperets dans une rue très passante en plein Dhaka le 30 mars 2015. Des passants ont poursuivi et attrapé deux des agresseurs, mais personne n’a été poursuivi pour le crime.
12 Le Nigeria
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 5
Restés impunis : Le groupe extrémiste Boko Haram ; assaillants inconnus.
Menacés de meurtre : Journalistes locaux couvrant la guerre, l’actualité politique et les droits de l’homme.
Progrès : Pour la première fois, le Nigeria a répondu à la demande de l’UNESCO concernant l’état d’avancement de la procédure judiciaire relative aux meurtres dans ce pays.
Entrave : Le Nigeria n’a identifié et poursuivi les coupables d’aucun des meurtres survenus au cours des dix dernières années ni les auteurs d’attaques, parmi lesquels compteraient apparemment la police et les forces de sécurité.
Cas illustratif : En janvier 2012, Enenche Akogwu, un cameraman travaillant pour la chaîne de télévision indépendante Channels TV, interviewait des témoins d’une série d’attaques terroristes perpétrées par Boko Haram lorsque des hommes armés non identifiés l’ont abattu. Akogwu était aussi un collaborateur de Reuters.
13 L’Inde
Journalistes assassinés en toute impunité au cours de la dernière décennie : 13
Restés impunis : Groupes criminels et politiques ; responsables gouvernementaux.
Menacés de meurtre : Journalistes ruraux ou basés dans les petites villes qui font des reportages sur la corruption, la criminalité et l’actualité politique au niveau local.
Progrès : En 2015, le Conseil de la Presse indienne, un organe statutaire, a recommandé que le Bureau central d’enquête s’occupe des cas de meurtres de journalistes et que le Parlement adopte une nouvelle loi sur la sécurité des journalistes.
Entrave : Non seulement l’Inde n’a jamais élucidé aucun meurtre de journaliste, mais encore elle n’a jamais répondu à la demande de l’UNESCO concernant l’état d’avancement de la procédure judiciaire relative aux meurtres dans ce pays.
Cas illustratif : Le journaliste Jagendra Singh est décédé de ses brûlures à la suite d’une descente de police à son domicile en 2015. Il a vécu assez longtemps pour témoigner sur vidéo qu’un agent de police l’avait arrosé d’essence et avait mis le feu à la demande d’un ministre de l’administration locale. Personne n’a été poursuivi et les enquêtes sont au point mort, selon les recherches du CPJ.
Méthode
L’indice de l’impunité du CPJ calcule le pourcentage des meurtres de journalistes restés impunis par rapport à la population de chaque pays. Pour cet indice, le CPJ a fait une analyse des meurtres de journalistes qui se sont produits dans la période du 1er septembre 2006 au 31 août 2016, et qui demeurent non élucidés. Seuls les pays ayant enregistré au moins cinq cas non élucidés sont inclus dans cet indice.
Le CPJ définit le meurtre comme une attaque délibérée contre un journaliste particulier, en représailles au travail de la victime. Selon des recherches menées par le CPJ, les meurtres représentent près des deux tiers des décès liés au travail des journalistes. Cet indice n’inclut pas les cas de journalistes tués dans des combats ou au cours de missions dangereuses, telle que la couverture de manifestations de rue.
Les cas sont considérés comme impunis lorsqu’aucune condamnation n’a été obtenue. Les cas dans lesquels certains mais pas tous les suspects ont été condamnés sont considérés comme constituant une impunité partiale. Les cas dans lesquels les auteurs présumés ont été tués lors de leur appréhension sont également considérés comme constituant une impunité partiale. L’indice analyse uniquement les meurtres qui ont été perpétrés dans une impunité totale ; il n’inclut pas les cas où une justice partiale a été appliquée. Les données démographiques issues des Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale en 2015 ont été utilisées pour calculer le taux de chaque pays.
Tableau statistique
Classement | Pays | Cas non élucidés |
Population (en millions)* |
Taux | Évolution depuis 2015 |
---|---|---|---|---|---|
1 | La Somalie | 24 | 10,8 | 2,225 | -22% |
2 | L’Irak | 71 | 36,4 | 1,949 | -19% |
3 | La Syrie | 17 | 18,5 | 0,919 | +85% |
4 | Les Philippines | 41 | 100,7 | 0,407 | -8% |
5 | Le Soudan du Sud | 5 | 12,3 | 0,405 | -4% |
6 | Le Mexique | 21 | 127,0 | 0,165 | +9% |
7 | L’Afghanistan | 5 | 32,5 | 0,154 | -3% |
8 | Le Pakistan | 21 | 188,9 | 0,111 | -7% |
9 | Le Brézil | 15 | 207,8 | 0,072 | +36% |
10 | La Russie | 9 | 144,1 | 0,062 | -18% |
11 | Le Bangladesh | 7 | 161,0 | 0,043 | -1% |
12 | Le Nigeria | 5 | 182,2 | 0,027 | -2% |
13 | L’Inde | 13 | 1311,1 | 0,010 | +24% |
*Données démographiques 2015 Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale http://data.worldbank.org
L’Indice de l’impunité du CPJ est compilé dans le cadre de la Campagne mondiale contre l’impunité, qui est rendue possible grâce au généreux soutien de la Fondation Leon Levy.