Les 10 pays les plus censurés
Les 10 pays les plus censurés
Les gouvernements répressifs utilisent des mesures de censure et de surveillance numériques sophistiquées en plus de méthodes plus traditionnelles pour bâillonner les médias indépendants. Un rapport spécial du Comité pour la protection des journalistes.
L’Érythrée est le pays qui exerce la plus forte censure au monde selon une liste dressée par le Comité de protection des journalistes. Cette liste est basée sur les recherches du CPJ consacrées à l’utilisation de tactiques allant de l’emprisonnement et de lois répressives à la surveillance des journalistes et aux restrictions d’accès à Internet et aux réseaux sociaux.
Aux termes de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, chacun a le droit de chercher et de recevoir des informations et d’exprimer des opinions. Les dix pays énumérés dans la présente liste font fi des normes internationales en interdisant ou en restreignant sévèrement les médias indépendants et en réduisant les journalistes au silence par l’intimidation en recourant à l’emprisonnement, à la surveillance numérique et physique, et à d’autres formes de harcèlement. L’autocensure est très répandue.
Dans les trois pays en tête de liste – l’Érythrée, la Corée du Nord et le Turkménistan – les médias servent de porte-parole à l’État ; tout journalisme indépendant est pratiqué à partir de lieux d’exil. Les quelques journalistes étrangers admis dans ces pays sont surveillés de près.
D’autres pays sur la liste appliquent une combinaison de tactiques grossières telles que le harcèlement ou la détention arbitraire ainsi qu’une surveillance sophistiquée et le piratage informatique ciblé. L’Arabie Saoudite, la Chine, le Vietnam et l’Iran sont passés maîtres dans deux variétés particulières de censure, à savoir l’emprisonnement et le harcèlement des journalistes et de leur famille, tout en se livrant à la surveillance numérique et à la censure d’Internet et des réseaux sociaux.
La liste ne tient compte que des pays où le gouvernement exerce un contrôle étroit sur les médias. La situation de la liberté de la presse et de l’exercice du journalisme dans des États tels que la Syrie, le Yémen, and la Somalie est extrêmement difficile, mais pas nécessairement attribuable à la seule censure exercée par l’État. D’autres facteurs, tels que les conflits violents, l’insuffisance d’infrastructures et le rôle d’acteurs non étatiques créent également des conditions dangereuses pour la presse.
1. Érythrée
Leadership : le Président Isaias Afewerki, au pouvoir depuis 1993.
Comment la censure fonctionne : Le gouvernement a fermé tous les médias indépendants en 2001. L’Érythrée est le pire geôlier de journalistes en Afrique sub-saharienne, avec au moins 16 journalistes derrières les barreaux au 1er décembre 2018 ; la plupart sont en prison depuis la répression de 2001, et aucun n’a été jugé jusqu’à présent. Selon le groupe de liberté d’expression Article 19, la Loi sur la presse de 1996 comprend une exigence selon laquelle les médias doivent promouvoir les « objectifs nationaux ». L’État maintient un monopole légal sur les médias audiovisuels, et les journalistes travaillant pour les médias d’État suivent la ligne éditoriale du gouvernement de peur de représailles. Des sources alternatives d’information telles qu’Internet ou les diffusions par satellite à partir de stations de radio en exil peuvent faire l’objet de restrictions par le biais de brouillage des signaux et par la qualité médiocre de l’Internet contrôlé par l’État, selon DW Akademie. La pénétration d’Internet est extrêmement faible, soit un peu plus de 1 % de la population, d’après l’Union international des télécommunications des Nations unies. Les utilisateurs sont obligés de se tourner vers les cafés Internet, où ils sont surveillés sans difficulté. Un rapport de mars 2019 émis par la Collaboration sur la politique internationale des TIC en Afrique orientale et australe (CIPESA) suggère que l’État autoritaire est probablement tellement « brutal ou totalitaire » que les mesures déjà en place pour contrôler les sites Internet « rendent superflues les interruptions d’Internet ouvertement déclarées ». Toutefois, le 15 mai 2019, la BBC a signalé la fermeture des médias sociaux en Érythrée à l’approche des célébrations du Jour de l’Indépendance. Lors de l’ouverture de la frontière avec l’Éthiopie à la mi-2018, quelques journalistes étrangers ont reçu une accréditation spéciale pour visiter l’Érythrée, selon The Economist, mais l’accès a été étroitement contrôlé.
Point sombre : Il se peut que jusqu’à sept journalistes soient morts en détention, selon des reportages que le CPJ n’a pas pu vérifier à cause du climat de peur qui règne en Érythrée et du contrôle strict exercé par l’État. Le gouvernement a refusé toute demande d’information concrète sur le sort des journalistes incarcérés. En juin 2019, plus d’une centaine de journalistes, d’universitaires et d’activistes africains de premier rang ont écrit une lettre ouverte à Afewerki demandant à visiter les journalistes et activistes détenus depuis longtemps. Cette lettre a été catégoriquement rejetée et qualifiée d’« inappropriée » par le ministère de l’Information érythréen.
2. Corée du Nord
Leadership : Kim Jong-un, successeur de son père, Kim Jong-il, décédé en 2011.
Comment la censure fonctionne : L’article 67 de la constitution du pays prévoit la liberté de la presse, mais la quasi-totalité du contenu des journaux, périodiques et radiodiffuseurs nord-coréens provient de l’Agence centrale de presse coréenne officielle (KCNA), qui porte principalement sur les déclarations et activités du leadership politique. La KCNA, qui est très limitée dans sa couverture des actualités étrangères, a rapporté extensivement la brève visite du Président des États-Unis Donald Trump en Corée du Nord en juin 2019, et l’a accueillie comme un « événement étonnant », selon un reportage de la BBC. Associated Press et Agence France-Presse disposent de petits bureaux, mais des correspondants internationaux se sont vu refuser l’entrée ou ont été détenus et expulsés. L’accès à l’Internet mondial est réservé à l’élite politique, mais certaines écoles et institutions d’État ont accès à un intranet étroitement contrôlé appelé Kwangmyong, selon un reportage d’InterMedia, les principales sources d’informations indépendantes pour la majorité des Nord-Coréens sont des signaux de télévision et de radio piratés et des DVD étrangers introduits en contrebande. Depuis que Kim Jong-un a accédé au pouvoir, les autorités ont intensifié le recours à des mécanismes de blocage de signaux radio et à des dispositifs de détection radio avancés pour empêcher les gens de partager des informations, d’après The Diplomat. En mars 2019, on comptait au moins quatre millions de Nords-Coréens abonnés à Koryolink, le principal réseau mobile nord-coréen, selon le quotidien sud-coréen Le Hankyoreh, qui cite Statistics Korea ; toutefois, les abonnés ne peuvent accéder à des contenus hors de la Corée du Nord.
Point faible : En septembre 2017, un tribunal nord-coréen a condamné à mort par contumace deux journalistes sud-coréens et leurs éditeurs pour « insulte à la dignité du pays ». Son Hyo-rim de Dong-A Ilbo et Yang Ji-ho du Chosun Ilbo ont interviewé les auteurs de « North Korea Confidential », un livre paru en 2015 décrivant en détail la vie ordinaire des nord-coréens, et ont écrit une critique du livre pour leurs journaux.
3. Turkménistan
Leadership : le Président Gurbanguly Berdymukhamedov, au pouvoir depuis 2006.
Comment la censure fonctionne : Berdymukhamedov exerce un contrôle absolu sur tous les domaines de la vie au Turkménistan, y compris les médias, dont il use pour promouvoir le culte de sa personnalité. Son régime réprime les voix indépendantes en gardant des journalistes en détention et en les jetant en prison et – selon Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) financée par le Congrès des États-Unis – en forçant d’autres à fuir le pays. Tous les médias appartiennent au gouvernement ou sont sévèrement contrôlés par lui. Une poignée de médias indépendants ciblant le Turkménistan, tels que Khronika Turkmenistana (Chroniques du Turkménistan), opèrent en exil, et toute personne cherchant à accéder à ce site Web est susceptible d’être interrogée par les autorités, selon OpenDemocracy. Les correspondants travaillant pour le service Turkmène de RFE/RL utilisent des pseudonymes et certains d’entre eux ont été incarcérés, agressés et se sont vu interdire de voyager. Seuls 21 % environ de la population du pays ont accès à Internet, d’après l’Union international des télécommunications des Nations unies. Le régime bloque les publications internationales en ligne et interdit l’utilisation de RPV et d’autres logiciels préservant l’anonymat, selon l’Indice de durabilité des médias d’IREX 2017. L’accès pour les médias étrangers est rare ; à l’approche des Jeux asiatiques des sports en salle et des arts martiaux en 2017, les autorités ont annulé l’accréditation de plusieurs journalistes britanniques, d’après le Guardian. RFE/RL a rapporté en février 2019 que les autorités « se sont activement penchées sur la technologie de surveillance occidentale ».
Point faible : En mars 2019, la journaliste indépendante Soltan Achilova, âgée de 69 ans, qui contribue à Khronika Turkmenistana et qui a contribué précédemment au service Turkmène de RFE/RL, a été empêchée de prendre un vol international. Achilova, qui commente la vie quotidienne au Turkménistan, a déjà été détenue par la police, agressée physiquement et menacée en raison de son travail de journaliste.
4. L’Arabie Saoudite
Leadership : le Roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, au pouvoir depuis 2015 ; le Prince héritier Mohammed ben Salmane, au pouvoir depuis 2017.
Comment la censure fonction : Sous le règne de Mohammed ben Salmane, l’environnement déjà répressif pour la presse en Arabie Saoudite a connu une forte détérioration. Des lois antiterroristes et sur la cybercriminalité, ainsi que des tribunaux spécialisés laissent libre cours aux autorités pour emprisonner les journalistes et blogueurs qui s’écarteraient du discours progouvernemental ; au 1er décembre 2018, 16 journalistes se trouvaient derrière les barreaux. Les autorités saoudiennes ont détenu au moins neuf autres journalistes seulement pendant la première moitié de 2019. Au moins quatre des journalistes détenus au cours de la répression de ben Salmane ont été maltraités et torturés dans des prisons saoudiennes, selon des évaluations médicales préparées pour le Roi Salmane et divulguées au journal The Guardian. Aux termes d’un règlement de 2011, les sites Web, les blogues et toute personne affichant des informations ou des commentaires en ligne doivent être munis d’un permis délivré par le ministère de la Culture et de l’Information. Les autorités ont étendu le contrôle des contenus numériques, où l’utilisation de la cybersurveillance est omniprésente, selon le Washington Post. D’après le New York Times et d’autres sources, les autorités utilisent des technologies de surveillance et des armées de trolls et de bots pour empêcher la couverture médiatique et la discussion de sujets sensibles, y compris la guerre au Yémen, ainsi que pour censément surveiller des journalistes saoudiens dissidents. Les autorités saoudiennes bloquent les sites Web qu’ils jugent répréhensibles, ainsi que l’accès aux fournisseurs de RPV qui permettraient de contourner les blocages, selon le rapport de Freedom House Freedom on the Net. Il arrive que des correspondants étrangers rendent compte à partir de l’Arabie Saoudite, mais les autorités se montrent capricieuses dans l’octroi des visas d’entrée et les reporters internationaux sont souvent soumis à des restrictions dans leurs déplacements, selon la Columbia Journalism Review.
Point sombre : En octobre 2018, des agents saoudiens – dont plusieurs liés à ben Salmane – ont assassiné brutalement le chroniqueur du Washington Post et critique du gouvernement saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat D’Arabie Saoudite à Istanbul, Turquie, après l’y avoir attiré sous le prétexte de papiers à régler. Un rapport des Nations unies de juin 2019 qualifiait le meurtre d’« exécution préméditée » dont le gouvernement saoudien « est responsable » et appelait à une enquête sur le rôle de ben Salmane.
5. Chine
Leadership : le Président Xi Jinping, en exercice depuis 2013.
Comment la censure fonctionne : La Chine a l’appareil de censure le plus perfectionné au monde. Depuis presque deux décennies, le pays compte parmi les geôliers les plus sévères du monde pour les journalistes, avec au moins 47 derrière les barreaux au 1er décembre 2018. Les médias tant étatiques que privés sont placés sous la surveillance des autorités, et ceux qui ne suivent pas les directives du Parti communiste chinois sont suspendus ou autrement pénalisés, d’après des articles de presse. Depuis 2017, aucun site Web ni réseau social ne peut fournir un service d’informations sur Internet sans l’autorisation de l’Administration du Cyberespace de Chine. L’accès aux moteurs de recherche, aux sites Web et aux plateformes de réseaux sociaux est bloqué aux internautes par la « Grande Muraille pare-feu » de Chine. En mars 2018, le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information a annoncé de nouveaux règlements interdisant les RPE non autorisés, sur lesquels comptent les internautes pour contourner le pare-feu. Les autorités surveillent les réseaux sociaux internes à l’aide de programmes de surveillance et de professionnels spécialement formés à cette tâche. Les plateformes de réseaux sociaux étrangères telles que Twitter, Facebook et YouTube sont interdites ; elles sont accessibles via des RPE, mais les opérations de censure ont été étendues jusqu’à inclure des visites de porte-à-porte pour ordonner aux gens d’effacer leurs tweets, d’après le Washington Post. Les journalistes internationaux travaillant en Chine doivent composer avec une surveillance tant numérique qu’humaine et s’attendre à des retards dans l’octroi des visas sinon à des refus. En août 2018, la Hong Kong Journalists Association a déclaré que la liberté de la presse avait détérioré dans le territoire depuis l’instauration de la politique d’« un pays », avec pour résultat les médias qui s’autocensurent de plus en plus en l’absence de lois appropriées pour sauvegarder la liberté de l’information.
Point sombre : dans la région du Xinjiang, dans le nord-ouest du pays, où les autorités ont détenu jusqu’à trois millions de musulmans Ouïgours et Türk dans des prétendus camps de rééducation, la surveillance et la censure sont largement répandues. Les journalistes travaillant dans la région risquent l’emprisonnement en couvrant les actualités quotidiennes, sous des accusations arbitraires comme, par exemple, d’être un responsable « hypocrite » du Parti. Le Club des correspondants étrangers en Chine a déclaré en janvier 2019 que beaucoup de ses membres qui voyagent dans la région sont pris en filature et surveillés.
6. Vietnam
Leadership : le Secrétaire général du Parti communiste du Vietnam et Président de la République, Nguyên Phu Trong, au pouvoir depuis 2018.
Comment la censure fonctionne : Le gouvernement mené par le Parti communiste détient et contrôle toute la presse écrite et les organismes de radiotélédiffusion au Vietnam. Une série de lois et de décrets répressifs limite sévèrement toute critique des médias du gouvernement à parti unique, de ses politiques et de ses performances. La Loi sur la Presse de 2016 dispose que la presse doit servir de voix au parti, aux organismes du parti et aux agences de l’État. La censure est mise en application par voie de directives émises par le gouvernement aux rédacteurs des journaux, de la radio et de la télévision, déterminant quels sujets sont à mettre en exergue ou à omettre. Aucun organe de presse indépendant, non étatique n’est autorisé à s’installer au Vietnam à l’exception du Redemptorist News géré par l’Église catholique et des bureaux d’information étrangers dont les reporters sont étroitement surveillés et soumis à des restrictions de déplacement. Les journalistes étrangers qui voyagent avec un visa de journaliste sont tenus d’engager les services d’un gardien officiel qui les suit partout. Une nouvelle loi sur la cybersécurité entrée en vigueur le 1er janvier 2019 confère aux autorités des pouvoirs exorbitants pour censurer les contenus en ligne ; elle comporte aussi des dispositions obligeant les entreprises de technologie à divulguer les données personnelles des utilisateurs et de supprimer des contenus jugés répréhensibles par les autorités, d’après Reuters. Cette loi étend le Décret 72, une ordonnance de 2013 qui assurait à l’État un pouvoir très large pour censurer les blogues et les réseaux sociaux ; les fournisseurs de services Internet qui diffusent des contenus interdits risquent des amendes et la fermeture, d’après l’Electronic Frontier Foundation. Les sujets censurés comprennent les droits humains et les activités de dissidents politiques. La censure passe par le filtrage et la surveillance, y compris par une véritable division de guerre électronique de 10 000 personnes, gérée par l’armée, appelée « Force 47 » et chargée de s’attaquer aux « idées erronées », selon le Financial Times. Les journalistes indépendants et les blogueurs qui font des reportages critiques sur des sujets sensibles sont confrontés au harcèlement et à la détention pour des crimes contre l’État ; ils étaient au moins 11 derrière les barreaux au 1er décembre 2018.
Point faible : Un blogueur travaillant pour Radio Free Asia Truong Duy Nhat, connu pour ses exposés critiques sur le parti communiste, a disparu en Thaïlande en janvier 2019. D’après les bruits qui courent, on craignait qu’il ait été enlevé par des agents vietnamiens. Il a réapparu en mars à la prison T-16 de Hanoi, où il était détenu sans avoir été inculpé, d’après des articles de presse.
7. Iran
Leadership : l’Ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême depuis 1989 ; Hassan Rouhani, Président depuis 2013.
Comment la censure fonctionne : Le gouvernement de l’Iran emprisonne des journalistes, bloque les sites Web et entretient un climat de peur par le harcèlement et la surveillance, y compris des familles des journalistes. Les médias internes doivent se soumettre à un contrôle étroit du gouvernement. Tous les journalistes travaillant en Iran doivent obtenir une accréditation officielle ; les permis sont régulièrement suspendus ou révoqués. Les bureaux étrangers sont permis mais opèrent sous une surveillance intense et constante ; les correspondants liés à des médias internationaux ont vu suspendre leur permis de travail pendant de longues périodes et, dans certains cas, de manière définitive. Les autorités arrêtent les journalistes qui couvrent des sujets jugés sensibles, y compris la corruption et les manifestations locales, et leur imposent de lourdes peines de prison. Le gouvernement réprime la communication en ligne en espionnant les journalistes locaux et internationaux, en brouillant les diffusions de télévision par satellite et en bloquant des millions de sites Web et les principales plateformes de médias sociaux, d’après le Centre pour les droits humains en Iran et Radio Farda, financée par le Congrès des États-Unis. Lors des manifestations anti-gouvernementales dans tout le pays, fin 2017 et début 2018, les autorités ont ralenti et fermé l’Internet et les réseaux sociaux, d’après Newsweek. Elles ont interdit les outils de contournement de la censure et ont recouru à des campagnes de piratage et de « trolling » en ciblant les reporters locaux et internationaux, a révélé Radio Farda. Le Conseil national iranien du cyberespace a interdit Twitter, Facebook et YouTube – ainsi que les applications de messagerie Telegram et WhatsApp – mais ils sont accessibles via des RPV, d’après Bloomberg.
Point sombre : En janvier 2019, les autorités judiciaires iraniennes ont condamné Yashar Soltani à cinq ans de prison pour crimes contre l’État suite à la publication d’une série d’articles où il révélait des cas de corruption présumée dans des transactions foncières à Téhéran. Soltani travaillait pour Memari News, le site Web indépendant désormais disparu qui était consacré exclusivement à l’architecture et aux affaires urbaines.
8. Guinée équatoriale
Leadership : le Président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, au pouvoir depuis 1979 ; c’est le chef d’État africain depuis le plus longtemps au pouvoir.
Comment la censure fonctionne : Le gouvernement maintient un contrôle très serré sur la manière dont les journalistes opèrent en Guinée équatoriale ainsi que sur le contenu de leurs reportages. Tous les organismes de radiotélédiffusion appartiennent à l’État, à l’exception de RTV-Asonga, un réseau qui appartient au fils du Président, Teodoro Nguema Obiang, qui est aussi le Vice-président du pays. Des diffuseurs locaux et internationaux se sont vu interdire de couvrir des sujets jugés nuisibles à l’image du pays ou aux proches du Président. S’il existe des journaux privés, les journalistes n’en travaillent pas moins sous menace de persécution pour tout reportage considéré comme étant critique envers le Président, sa famille ou le gouvernement en général, et tendent donc fréquemment à s’autocensurer, d’après un rapport de Civicus de juin 2019. Les sites Web des médias étrangers et de l’opposition politique comptent parmi ceux qui sont régulièrement bloqués, selon un mémoire soumis par la société civile à l’Examen périodique universel des Nations Unies en octobre 2018. La Loi sur la presse, l’édition et les médias audiovisuels de 1997 restreint l’activité journalistique, allant jusqu’à une censure officielle préalable à la publication ; la diffamation et l’atteinte à l’honneur restent des infractions pénales aux termes du code pénal, d’après Civicus et le rapport Freedom of the Press de Freedom House. En novembre 2017, Internet a été fermé le jour des élections législatives et municipales, et Facebook était fermé depuis environ trois semaines avant le scrutin, selon des articles de presse et le groupe de société civile EG Justice.
Point sombre : En septembre 2017, le caricaturiste Ramón Nsé Esono Ebalé – qui vivait en exil – a été arrêté par les autorités de la Guinée équatoriale alors qu’il était dans le pays pour renouveler son passeport. Il a été interrogé au sujet de ses dessins et d’un blogue contenant des commentaires critiques à l’égard du Président, et mis en prison pour six mois sous une fausse accusation de blanchiment d’argent et de contrefaçon. Après sa libération en mars 2018, les autorités ont refusé de renouveler son passeport pendant plusieurs mois, l’empêchant ainsi de rentrer chez lui et de rejoindre son épouse et son enfant au Salvador.
9. Bélarus
Leadership : le Président Alexander Lukashenko, au pouvoir depuis 1994 ; c’est le chef d’État européen depuis le plus longtemps au pouvoir.
Comment la censure fonctionne : Les autorités du Bélarus exercice un contrôle quasi absolu sur les médias ; les quelques journalistes indépendants et blogueurs qui se trouvent au Bélarus doivent faire face au harcèlement et à la détention. L’État vise systématiquement les médias et les individus influents, souvent de manière très visible, en arrêtant des journalistes, en faisant des raids dans les salles de rédaction, et en lançant des enquêtes criminelles à la suite de reportages. Au cours des dernières années, le gouvernement a bloqué des sites Web d’actualités indépendants, dont Charter 97, fondé par Natalya Radina, une journaliste vivant désormais en exil. Au fur et à mesure que le gouvernement entrave les médias indépendants, davantage de Bélarussiens se tournent vers les réseaux sociaux. Dans le cadre de ses récents efforts législatifs pour resserrer son emprise sur les médias numériques, le gouvernement a approuvé en 2018 un projet de loi relatif aux « fausses informations » et a adopté des amendements à la Loi sur les médias de masse qui renforcent le contrôle sur les sites Web d’actualités et les réseaux sociaux. Le gouvernement détient l’autorité de surveiller les fournisseurs de services internet (FSI), de fixer les normes de sécurité de l’information, d’exercer une surveillance numérique sur les citoyens et de gérer les domaines de premier niveau du Belarus, d’après le rapport Freedom on the Net de Freedom House.
Point sombre : En mars 2019, Maryna Zolatava, rédactrice en chef du site d’information indépendant Tut.by, a été jugée coupable d’avoir accédé, à l’aide des codes d’accès d’un tiers, à un site d’information géré par l’État. Elle s’est vu imposer une amende de 7 650 roubles bélarussiens (3 600 dollars US).
10. Cuba
Leadership : le Président Miguel Díaz-Canel, qui a succédé à Raúl Castro en 2018.
Comment la censure fonctionne : Malgré quelques améliorations au cours des dernières années – y compris l’extension de l’accès à l’Internet mobile et au Wi-Fi – Cuba détient encore le record du climat le plus restrictif des Amériques vis-à-vis de la presse. La presse écrite et les organismes de radiotélédiffusion sont entièrement contrôlés par l’État communiste à parti unique et sont obligés par la loi de « se conformer aux objectifs de la société socialiste ». Un référendum portant sur des modifications constitutionnelles, approuvé en février 2019, fut une occasion manquée dans la mesure où il n’incluait aucun assouplissement des restrictions des médias. Cuba a déployé l’accès à Internet en 2017 et des offres de données mobiles en 2018, mais les services sont excessivement coûteux pour la majorité des Cubains, avec le gigaoctet de données à environ 30 dollars US, l’équivalent du salaire mensuel moyen en 2017. Bien qu’Internet ait ouvert un espace permettant un minimum d’information critique, le fournisseur de services étatique, ETECSA, a reçu l’ordre de bloquer les contenus répréhensibles et a restreint l’accès à certains blogues et plateformes d’information jugés critiques envers le régime, d’après un rapport de l’Observatoire ouvert des interférences réseau, qui recueille des données relatifs aux manipulations illicites des réseaux. Certains journalistes indépendants et des blogueurs utilisent des sites Web hébergés à l’étranger. Le gouvernement cible les journalistes critiques par le harcèlement, la surveillance physique ou en ligne, les détentions à court terme, les décentes à leur domicile, et des saisies de matériel. La couverture des catastrophes naturelles est un point névralgique : les autorités ont détenu de nombreux journalistes qui rendaient compte des conséquences d’ouragans qui ont frappé l’île en octobre 2016 et septembre 2017. Les visas des journalistes internationaux sont octroyés sélectivement par les fonctionnaires, selon le rapport Freedom of the Press de Freedom House.
Point sombre : En avril 2019, des agents de police ont détenu Roberto Jesús Quiñones, un contributeur au site Web d’information CubaNet, devant le tribunal municipal de Guantánamo, où il couvrait un procès ; ils l’ont battu pendant son transport au poste de police de Guantánamo. Quiñones, qui a fait l’objet de harcèlements par le passé et n’a pas le droit de quitter le pays, a été détenu à plusieurs reprises, d’après CubaNet.
Méthodologie: La liste des 10 pays les plus censurés évalue la censure directe et indirecte pratiquée par l’État, sur la base des recherches du CPJ et d’après l’expertise du personnel de l’organisation. Les pays sont évalués conformément à une série de critères, notamment :
- Absence et/ou restriction des médias privés ou indépendants
- Lois pénales sur la diffamation ; sanctions pénales pour la diffusion de fausses informations
- Blocage de sites Web
- Brouillage des émissions étrangères
- Blocage des correspondants étrangers
- Surveillance des journalistes par les autorités
- Restrictions visant les déplacements des journalistes
- Exigences relatives aux licences/autorisations pour pratiquer le journalisme
- Limitation des enregistrements et des diffusions électroniques
- Campagnes ciblées de piratage informatique ou de « trolling »