Vingt ans après les massacres, le Rwanda est stable mais ses médias sont soumis à des restrictions
Le gouvernement rwandais a progressé à grands pas pour ramener la stabilité dans le pays depuis le génocide de 1994 qui a coûté la vie à 800 000 personnes, mais les progrès pour accorder plus de liberté à la presse sont lents. Si le contrôle étatique des médias s’est assoupli, de nombreux journalistes craignent toujours que les réglementations ne soient pas suffisantes pour mettre un terme au harcèlement et aux menaces, et le manque d’investissement nuit à leur réputation professionnelle. Rapport spécial du Comité pour la protection des journalistes, par Anton Harber
La presse rwandaise est régie à la fois par la censure et l’autocensure et de nombreux journalistes se méfient des mesures récentes prises par le gouvernement pour assouplir les restrictions et permettre une plus grande liberté des médias dans ce petit pays du centre-est de l’Afrique.
Certaines informations semblent indiquer que des éléments influents au sein de l’armée et des autorités chargées de la sécurité n’ont pas adhéré aux réformes hésitantes des médias adoptées par le gouvernement du président Paul Kagame ces dernières années. Les journalistes et les fonctionnaires font état de menaces et d’un harcèlement constants, et doutent par conséquent qu’ils seront en mesure de tirer parti des réformes juridiques.
Il ressort des entretiens avec plus de 25 journalistes, rédacteurs en chef, avocats et fonctionnaires depuis le mois de mai que beaucoup d’entre eux craignent toujours de tester les limites des libertés nouvellement acquises, particulièrement du fait que le gouvernement continue d’agir impitoyablement contre les critiques et les figures d’opposition dans le pays et à l’étranger.
Lit-on encore dans le rapport
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Alors que le Rwanda commémore le 20e anniversaire du génocide, qui a coûté la vie à 800 000 personnes au moins, et fait face à des conflits le long de sa frontière avec la République démocratique du Congo, certains journalistes affirment qu’ils en sont arrivés à accepter la censure comme nécessaire pour éviter de voir revenir les luttes ethniques qui ont déchiré le pays au début des années 1990. Mais le contrôle est maintenu sur ceux qui ne pratiquent pas l’autocensure par le biais de lois imposant des sanctions sévères en cas d’insulte à l’encontre d’un fonctionnaire et par une intolérance continue pour l’opposition, ce qui rend risqué le journalisme critique et d’investigation. Si la loi sur les médias a été modifiée récemment pour permettre plus de liberté, le code pénal du pays (article 234) comporte toujours une peine d’emprisonnement pouvant atteindre un an pour avoir insulté « par des mots, des gestes, des menaces, des écrits ou des dessins » un fonctionnaire ou la police, des sanctions doublées si l’insulte se produit au tribunal ou devant le Parlement. Les insultes à l’encontre du président sont passibles d’une peine atteignant jusqu’à cinq d’emprisonnement et celles à l’encontre d’un citoyen ordinaire, jusqu’à deux mois. Cela signifie que de nombreux journalistes ne fonctionnent et ne survivent qu’en acceptant des règles tacites sur des sujets tabous – comme les activités de l’armée et la critique à l’encontre du président – et en travaillant conformément à des paramètres stricts.
Lorsqu’il m’a parlé à Kigali en mai, Fred Muvunyi, président de la Commission rwandaise des médias pour l’autorégulation de la presse, a commenté la situation, plaçant sa main juste au-dessus de la table pour illustrer ses propos : « Nous en sommes toujours là en bas lorsqu’il s’agit de permettre aux journalistes de fonctionner. L’autocensure coule comme le sang dans les artères et les veines. Il n’y a pas de censure [directe], mais les journalistes ne font pas certaines choses car ils ne sont pas certains des conséquences. Notre profession n’est pas valorisée. »
Cette combinaison d’autocensure censure et de censure imposée limite considérablement l’émergence des médias critiques et indépendants nécessaires pour établir une démocratie véritable et créer l’ouverture et la transparence prévues dans la Constitution. À l’article 34, la liberté de la presse et d’information est garantie, tant qu’elle ne nuit pas à l’ordre public et aux bonnes mœurs. On a pu observer un assouplissement du contrôle sur les médias en ligne et les débats radiophoniques, en particulier en kinyarwandais, la langue dominante, mais il existe toujours des restrictions – assorties de sanction sévères – pour les journalistes calculant mal les limites tacites, vagues, et apparemment arbitraires de ce qu’ils rapportent. D’après les journalistes avec lesquels je me suis entretenu, une longue liste de détentions, de menaces et de procès depuis ces vingt dernières années témoigne des risques qui pèsent sur ceux qui s’exposent à la colère du gouvernement.
Un ancien soldat devenu journaliste indépendant nommé Robert Mugabe a affirmé que son blog, publié sur le site Web d’informations indépendant Great Lakes Voice, a été plusieurs fois suspendu et qu’il a fait l’objet de menaces. Lorsque je l’ai rencontré en mai, Mugabe m’a raconté que son site avait été suspendu et qu’il avait été averti par des contacts de l’armée qu’il devait quitter le pays. Il ne l’a pas fait.
« Mon site a été fermé dix fois et ensuite ils ont juste supprimé mon adresse IP. On m’a emmené cinq fois dans une prison secrète et questionné pendant des heures, m’a-t-il dit. Alors j’ai dû négocier avec eux, et nous sommes parvenus à un compromis. Ayant certaines sources au sein de l’armée, ils me préviennent lorsqu’ils ont des problèmes, et quand la pression monte [comme lors d’un évènement international à Kigali] je ferme mon site pour alléger les tensions. »
Il existe une sensibilité particulière à propos des médias au Rwanda en raison du rôle clé que certaines stations radios et journaux ont joué lors des préparatifs des massacres de 1994, lorsqu’un gouvernement dominé par une majorité hutu a organisé le génocide de la minorité tutsi et des Hutus modérés. « Sur le terrain, les journalistes se censurent à cause de notre passé historique, explique Maurice Munyentwari, conseiller juridique du Haut conseil des médias, un organe de supervision. « Les lois sont libres, mais nous n’avons pas de journalisme critique ou d’investigation. C’est de l’autocensure. Personne n’est arrêté pour avoir publié un rapport. »
Cependant, les lois ne sont qu’en partie libres, et certains éléments de preuve mènent à penser que les journalistes sont toujours menacés et emprisonnés pour leur travail.
Stella Ford Mugabo, ministre rwandaise des affaires du Conseil des ministres, a accusé réception d’une demande du Comité pour la protection des journalistes de commenter les conclusions de ce rapport. Ni Mugabo ni le bureau du porte-parole du gouvernement n’ont répondu directement à la demande du CPJ à la date de publication. Cependant, le CPJ a reçu une réponse de Gerald Mbanda, directeur des médias et de la communication auprès d’un organe public, l’Office rwandais de gouvernance (RGB), qui a nié que les journalistes du pays étaient régis par la censure. Il a déclaré au CPJ que ces affirmations étaient « fausses et improbables ». D’après lui, « Les allégations de menaces de la part de l’armée et des autorités chargées de la sécurité sont inouïes car ces institutions n’ont aucun lien avec les médias ». Et d’ajouter : « Aucun journaliste n’est actuellement détenu au Rwanda en rapport à ses fonctions ».
Au cours d’interviews et de discours, Kagame a fait connaître ses points de vue sur les médias, qu’il a qualifiés d’irresponsables, laissant entendre que des contrôles très stricts sont nécessaires pour préserver l’unité nationale et empêcher un retour des violences ethniques.
Kagame a également été contrarié par des rapports critiques dans la presse internationale, laissant entendre qu’ils expriment deux poids, deux mesures de la part du monde développé et que la liberté de la presse ouvrait la porte à reportages incitant au génocide. Il a nié que le Rwanda s’oppose à la liberté d’expression. Certains des journalistes plus conservateurs à qui j’ai parlé et ceux plus proches du gouvernement étaient souvent d’avis que des contraintes sont nécessaires à la stabilité sociale requise pour le développement économique.
Déjà avant le génocide de 1994, il n’y avait pas de grande tradition de journalisme indépendant au Rwanda. Le premier journal du pays fut Kinyamateka, une publication catholique créée en 1933 et imprimée en kinyarwandais. Il était proche du gouvernement au même titre que la radio publique Radio Rwanda, démarrée en 1963, m’a expliqué l’historien des médias Paul Mbaraga, de l’Ecole de journalisme et de communication à l’université du Rwanda. L’une des premières publications indépendantes était Kanguka (réveille-toi !), lancée en 1988 par Vincent Rwabukwisi, une personnalité que Mbaraga décrit comme l’un des héros largement méconnus du journalisme rwandais indépendant. Mbaraga m’a affirmé que le Kanguka était le « journal le plus critique que le Rwanda ait jamais connu ».
Comme dans beaucoup de pays africains, les années 1990 ont amené une évolution vers le système multipartite et l’ouverture de l’espace médiatique. La première loi sur la presse en 1991 établissait le droit de publier ou de diffuser et elle a mené à ce que Mbaraga appelle « l’âge d’or » de la presse rwandaise, avec une vague de création de petits journaux, la plupart liés aux partis politiques émergents, beaucoup d’entre eux étant des projets amateurs, mal financés, et constitués d’une seule personne. En 1991, on comptait jusqu’à 60 journaux ; un an plus tard à peine, ce nombre avait chuté à environ 30, a-t-il ajouté.
L’âge d’or s’est rapidement terni. Le FPR, qui s’était mobilisé en exil contre la discrimination imposée par le gouvernement majoritairement hutu, a envahi le pays en 1990. Cela a exacerbé les tensions et beaucoup de journalistes ont été visés pour avoir prétendument soutenu les envahisseurs. « Les journaux ont été saisis par les autorités. De 1990 à 1992, plus de quarante journalistes ont été arbitrairement arrêtés, détenus ou traduits en justice. La plupart étaient accusés de soutenir le FPR », affirme une évaluation de 2003 publiée par l’organisation de presse à but non lucratif International Media Support et rédigée par Ines Mpambara, ancienne co-directrice de l’Ecole de journalisme du Rwanda et actuellement chef de cabinet à la présidence, et Monique Alexis, consultante auprès de l’IMS.
Un groupe d’extrémistes hutus connu sous le nom Hutu Power soutenait Hassan Ngeze, initiateur de Kangura (réveillez-les). Il est devenu le premier de ce que Mbaraga appelle les « médias incendiaires ». Étant l’un des cinq ou six journaux extrémistes apparus à cette période, il publia en 1990 les tristement célèbres « 10 Commandements hutus », qui appelaient entre autres à l’extermination de tous les « collaborateurs ». Ces publications étaient indissociables du projet génocidaire qui a abouti aux massacres de 1994. En 2003, le tribunal pénal international pour le Rwanda mis en place par l’ONU a condamné Ngeze à la prison à vie, peine ensuite réduite à 35 ans d’emprisonnement par une cour d’appel, après avoir été reconnu coupable de s’être servi des médias pour inciter au génocide et le mettre en œuvre, d’après le tribunal.
Cependant, les journaux étaient petits et la radio publique dominait. La loi de 1991 permettait la diffusion ouverte, mais en réalité seule une station, la Radio-télévision libre des Mille Collines (RTLM) était autorisée, et elle était aux mains des partisans du gouvernement. En 1994, Radio Rwanda et la RTLM ont pris au mot l’appel au génocide et adopté un langage dur, traitant les Tutsis de « cafards » et de « serpents ». Le tribunal de l’ONU qui a condamné Ngeze a également conclu que les émissions de la RTLM avaient « appelé explicitement à l’extermination du groupe ethnique des Tutsis ». En 2003, Jean-Bosco Barayagwiza, de la RTLM, a été condamné à 35 ans d’emprisonnement, peine réduite en appel à 32 ans en 2007, et l’un des fondateurs de la station, Ferdinand Nahimana, a été condamné à une peine d’emprisonnement à vie, par la suite réduite à 30 ans, pour avoir incité à des actes génocidaires. Barayagwiza est mort en prison au Bénin en 2010. Nahimana et Ngeze purgent leur peine au Mali.
Lorsque les forces armées du FPR se sont emparées du pouvoir, mettant fin aux massacres, les médias, comme une grande partie des infrastructures du Rwanda, avaient été ravagés par les violences. Les chiffres du MHC indiquent que plus de 50 journalistes furent tués dans le génocide, notamment Rwabukwisi ; d’autres fuirent, quelques uns furent emprisonnés, et les imprimeries furent détruites. Selon les recherches du CPJ, 15 journalistes furent tués directement en raison de leur profession pendant le génocide. Le CPJ effectue des recherches indépendantes sur tous les cas de journalistes assassinés et ne définit comme « confirmés » que ceux pour lesquels il peut établir un lien direct avec le travail de journaliste. L’organisation a documenté cinq autres meurtres à la même période pour lesquels le lien avec les activités professionnelles était possible mais ne pouvait pas être clairement établi. Il classe ces derniers cas comme « non confirmé ». D’autres organisations affichent des chiffres plus élevés qui incluent les cas où les recherches du CPJ n’ont pas permis d’établir le lien avec la pratique du journalisme.
Durant les mois qui ont suivi le massacre, les journalistes qui avaient dirigé une station du FPR alors qu’ils étaient exilés ont redémarré Radio Rwanda avec un conseil d’administration dominé par l’armée et la mission de promouvoir la nouvelle politique d’unité et de réconciliation. Depuis, la radiodiffusion a pris de l’essor et le Rwanda a maintenant plus de 30 stations de radio et cinq chaînes de télévision. L’une des chaînes de télévision et huit des stations de radio sont dirigées par le radiodiffuseur public, ce qui laisse aux mains du secteur privé au moins 22 stations de radio et quatre chaînes de télévision, m’a expliqué Arthur Asiimwe, directeur général du radiodiffuseur public qui est l’agence rwandaise de radiodiffusion.
De nombreux petits journaux ont recommencé à émerger après 1994. Une douzaine d’hebdomadaires ou de journaux occasionnels existaient, souvent des entreprises individuelles, et la plupart ne vendant pas plus de 4 000 exemplaires. Même si la loi de 1991 qui avait ouvert l’espace médiatique leur donnait une marge de manœuvre, en réalité le gouvernement militaire gardait un contrôle étroit, m’ont confié les journalistes avec qui je me suis entretenu. La critique des dirigeants du FPR était limitée, et tout ce qui pouvait être considéré de près ou de loin comme du « divisionnisme » ou la promotion d’un conflit ethnique était traité sévèrement. Pour les journalistes, cette période a été marquée par du harcèlement, des arrestations fréquentes, et parfois des emprisonnements. D’après l’organisation International Media Support, « des journalistes des médias publics, en particulier de Radio Rwanda, ont été arrêtés, accusés de participer au génocide. Des journalistes étrangers ont également fait l’objet de menaces… La presse privée évitait les sujets sensibles. Mais la pression et les menaces ont continué. Plus de journalistes se sont exilés. Beaucoup de publications privées ont disparu. »
Une nouvelle Constitution a été mise en œuvre en 2003 et les élections ont ramené au pouvoir le FPR. Bien que plusieurs partis et dirigeants de l’opposition n’aient pas été autorisés à se présenter car ils étaient accusés de complicité de génocide ou d’attiser un conflit ethnique, on ne pouvait guère mettre en doute la popularité de Kagame car il avait amené la stabilité et remporté 95 pour cent des voix lors de l’élection présidentielle. Une nouvelle loi de la presse (Loi 18/2002 régissant la presse) a été introduite en 2002, incriminant « la publication de fausses nouvelles, diffamations et injures », en particulier concernant le président et d’autres responsables de l’État ; la violation de la vie privée ; et l’omission « d’informations essentielles », sans définition de cette expression. Elle limite également la publication des décisions du parlement et d’autres autorités si ces informations n’ont pas été diffusées officiellement.
En cas d’infraction, les directeurs de publication, les rédacteurs en chef, les imprimeurs, et les distributeurs s’exposent tous à des poursuites aux termes de l’article 88 de la loi de la presse, ce qui a entraîné des refus d’imprimer ou de distribuer des publications. Cette loi établit également le Haut Conseil de la Presse, plus tard renommé le Haut Conseil des Médias (MHC), un organisme de régulation dont la majorité des membres sont désignés par le gouvernement. Le Conseil était alors en charge des licences de radio et télédiffusion et des accréditations nécessaires pour travailler en tant que journaliste. En arrière-plan, le Code pénal, qui juge la propagation de l’idéologie génocidaire et le divisionnisme comme des infractions criminelles, était pesant. Selon l’évaluation du MHC en 2011, ces définitions « n’étaient pas claires et pourraient inclure un nombre infini d’expressions ». Ceci avait pour effet de rendre certains sujets hors limites, particulièrement les allégations à l’encontre de l’armée et les rapports sur des discriminations ethniques ou régionales.
En 2010, à l’approche d’une autre élection, une nouvelle période difficile pour les médias s’est amorcée. Des sentences de 17 et 7 ans respectivement ont été prononcées contre Agnès Uwimana, rédactrice en chef du journal semestriel Umurabyo en kinyarwandais, et son adjointe, Saidati Mukakibibi. Elles ont été arrêtées en 2010 et condamnées un an plus tard pour « publication de mensonges » et « atteinte à la sécurité de l’État », selon certains rapports ainsi que les recherches du CPJ. Elles ont également été reconnues coupables de diffamation à l’encontre du président et d’incitation à la division ethnique. En appel, les accusations plus graves de diffamation et de minimisation du génocide de 1994 ont été abandonnées contre Uwimana, et sa peine a été réduite à quatre ans. Celle de Mukakibibi a été réduite à trois ans.
Deux journaux — Umuseso et Umuvugizi — ont été suspendus en 2010 et Jean-Léonard Rugambage, le rédacteur en chef intérimaire du journal indépendant Umuvugizi, a été abattu devant son domicile à Kigali, selon des recherches du CPJ. Bien que deux hommes aient été reconnus coupables de son meurtre, disant qu’il s’agissait d’une vengeance pour le génocide de 1994, les journalistes sont sceptiques à l’égard de leur condamnation. Les journalistes locaux qui ont communiqué avec le CPJ suite à sa mort ont affirmé que Rugambage se préparait à s’exiler après avoir confié à ses amis et ses collègues qu’il était suivi et qu’il avait reçu des menaces téléphoniques. Il était le dernier journaliste d’Umuvugizi encore au Rwanda après la suspension du journal avant les élections. En 2012, Epaphrodite Habarugira, présentateur à Radio Huguka, une station communautaire de la deuxième plus grande ville du Rwanda, Gitarama, a été détenu pendant trois mois pour avoir minimisé le génocide et propagé l’idéologie du génocide lorsqu’il aurait apparemment confondu les termes « victimes » et « rescapés » en lisant un communiqué sur les cérémonies de commémoration du génocide. La Cour l’a par la suite acquitté des accusations. Idriss Gasana Byiringiro, reporter politique pour l’hebdomadaire privé Chronicles, a été arrêté sous prétexte d’avoir fourni de fausses informations. Les semaines précédentes, il avait reçu des SMS d’intimidation et une lettre de menaces non signée, a déclaré Christopher Kayumba, conseiller principal au journal Chronicles, au CPJ en 2012.
Pendant cette période, les médias publics, écrits et audiovisuels sont restés fermement contrôlés sous les commandes d’un directeur désigné par le cabinet, servant également de porte-parole du bureau du président.
Les réformes juridiques annoncent l’autorégulation des médias
Une évaluation remarquablement franche publiée par le MHC en 2011 a marqué le début d’un changement d’attitude. Elle citait une série d’obstacles au journalisme : le manque d’accès à l’information ; le blocage des journalistes par des fonctionnaires hostiles et nerveux ; la notion de « journalisme responsable » utilisée pour freiner les reportages critiques ; l’environnement économique défavorable ; et la dépendance à l’égard de la publicité étatique. Cet organe officiel a écrit que l’idéologie du gouvernement se rapprochait d’une « vue libérale de la liberté d’expression », mais que « la culture politique du contrôle ainsi que l’intolérance de certains fonctionnaires de l’État à l’égard des points de vue différents semblent perdurer ». Il concluait : « Pour jouir d’une plus grande liberté des médias, c’est cette culture qui doit changer. »
Le rapport du MHC a déclenché une vague de réformes. Une loi sur l’accès à l’information oblige désormais les ministères à fournir des informations à la presse ; elle a mis en place un ombudsman permettant aux journalistes de faire appel s’ils ne peuvent pas se procurer des informations ; et elle a établi des sanctions contre toute personne dissimulant des informations sans raison valable. La loi sur l’accès à l’information a été mise à l’épreuve lorsque Muvunyi, qui travaillait en tant que journaliste à l’époque, ne parvenait pas à se renseigner sur les dépenses du ministère des Sports et de la Culture pour des entraîneurs de football en 2013, et avait menacé de porter l’affaire devant le tribunal, m’a-t-il confié. Grâce à une fuite d’informations, il avait révélé que le gouvernement avait dépensé plus d’un million de dollars pour des entraîneurs étrangers sur une période de cinq ans, un montant qui avait choqué le public frustré par le manque de réussite de leur équipe nationale. Le ministère a par la suite rendu publics les détails de ses dépenses, ce que l’expert en journalisme Christopher Kayumba a décrit comme « une affaire emblématique qui créera un précédent… Le ministère sait maintenant qu’il est obligé de fournir ces informations ».
En 2013, une nouvelle loi de régulation des médias a établi un degré de protection, levé plusieurs restrictions, et relâché le contrôle direct du gouvernement. Elle a instauré pour les citoyens un « droit de réponse », de rectification et de correction. Les journalistes définiraient leurs propres normes professionnelles, les photographes n’auraient plus besoin de licence, et le pouvoir du MHC de suspendre et de mettre un terme aux publications lui a été retiré. Une loi de 2009 avait déjà levé l’interdiction contre « les méthodes illégales employées aux fins de se procurer des informations ou de les diffuser », « l’omission d’informations essentielles », et « la déformation des idées ».
Plus important encore, la supervision directe du gouvernement a été remplacée par une forme d’autorégulation. Le rôle du MHC se limite désormais à formuler les politiques et à faire pression sur le gouvernement pour promulguer des lois ; à surveiller et promouvoir la liberté de la presse ; et à renforcer les capacités. Cette nouvelle loi ouvrait la voie à un mécanisme d’autorégulation, et quelques mois après son entrée en vigueur, en septembre 2013, les journalistes se sont réunis pour lancer la Commission rwandaise des médias (RMC), adopter son code de conduite et élire sept commissaires.
« Je peux dire qu’il existe une volonté politique de jeter les bases de la liberté des médias, m’a affirmé Munyentwari, conseiller juridique du MHC. Il reste toujours certaines difficultés, mais dans l’ensemble il y a une volonté politique. Nous avons des lois flexibles, et n’importe qui peut publier un site Web par exemple. Et nous avons des lois sur l’accès à l’information – nous sommes l’un des rares pays africains à en avoir. Et les journalistes se réglementent eux-mêmes maintenant – c’est quelque chose de positif. »
Le Rwanda est l’un des 11 pays africains disposant de lois sur l’accès à l’information, selon un rapport de 2013 publié par l’Initiative du Commonwealth pour les droits de l’homme.
Le MHC est maintenant une opération réduite, qui n’occupe que quelques petits bureaux dans un local délabré et somnolant. Ses derniers sondages sur les médias et l’audience datent de 2009 et il en prévoit un nouveau dans un avenir proche. Il surveille les médias et ses rapports sont disponibles sur son site Web, notamment le suivi de la façon dont la presse a couvert l’anniversaire du génocide.
La RMC a reçu ses meubles et son matériel du gouvernement, et le financement de ses activités d’un fonds de développement de l’ONU ainsi que d’autres donateurs internationaux. Les médias locaux apportent une petite contribution. Les commissaires sont des journalistes, des universitaires et des représentants de la société civile qui ne perçoivent un salaire que pour les réunions ou les auditions. La commission a pour mandat de faire respecter la déontologie des médias ; de promouvoir la liberté de la presse ; et de s’exprimer au nom des médias. Elle est disponible pour conseiller les journalistes sur les situations nécessitant de présenter des excuses ou d’effectuer une correction. Les publications et les diffuseurs doivent s’enregistrer, mais l’accréditation des journalistes est volontaire. « Nous sommes un organe d’autorégulation reposant sur la volonté des professionnels des médias, alors ils s’y conforment. D’après la loi, toute personne qui n’est pas satisfaite de nos décisions peut présenter sa cause devant le tribunal, mais nous avons traité une vingtaine de cas et personne ne s’est plaint au-delà de notre commission », m’a expliqué Muvunyi.
Il est important de mettre une certaine distance entre le gouvernement et l’autorité d’octroi de licence aux médias et aux journalistes. Concernant les diffuseurs, la RMC effectue des recommandations auprès de l’Autorité rwandaise de régulation des services d’utilité publique, qui émet, retient ou retire les licences. Toute personne souhaitant démarrer un journal doit prouver être en possession d’un plan d’entreprise, du financement et des compétences nécessaires pour diriger une activité professionnelle dans le cadre de la demande. Concernant les sites Web, l’enregistrement est volontaire mais plusieurs ont choisi de se joindre au processus d’autorégulation.
Le passage à l’accréditation volontaire des journalistes est une évolution, du moins dans la forme, passant du contrôle juridique de qui pouvait pratiquer en tant que journaliste, à un système de carte de presse contrôlé par les pairs. Il n’y a aucune conséquence directe si aucune demande d’accréditation n’est faite, mais dans la pratique il est difficile de fonctionner sans la carte de presse. L’accréditation confère l’accès à des conférences de presse officielles, qui, dans un pays où l’influence du gouvernement est omniprésente et où le secteur de la société civile est limité, constituent les principales sources d’information. Les représentants de la RMC affirment que cela est nécessaire pour confronter ce qu’ils considèrent comme le problème des médias rwandais : le manque de professionnalisme.
Des initiatives journalistiques véreuses ou des entreprises de presse d’un seule personne m’ont été décrites à plusieurs reprises comme inconscientes et potentiellement dangereuses, en particulier au regard du passé chargé de conflits ethniques. « Il y a des journaux où une seule personne est le propriétaire, le rédacteur en chef et le responsable du marketing. C’est différent pour The New Times ou la radio ou la télévision, où ils sont bien structurés et où ils minimisent les erreurs. Mais sans bonnes structures, les journaux tombent dans la brèche », estime Muvunyi. « Les organisations internationales critiquant le passé du Rwanda en matière de droits de l’homme ou de liberté de la presse ne prennent pas cela en compte et imposent des normes étrangères au pays ». Il a aussi évoqué les cas de journalistes citant des représentants officiels auxquels ils n’avaient jamais parlé, ou des présentateurs de débats télévisés proférant des accusations graves sans offrir de « droit de réponse ».
Les règles de l’accréditation incluent des barrières à la pratique de base du journalisme. Une accréditation peut être retirée temporairement en cas de « violation grave et délibérée des dispositions de la loi sur les médias ou du code de déontologie journalistique » et elle peut être retirée définitivement si un journaliste est reconnu coupable d’un crime, notamment de divisionnisme ou de discrimination. Pour obtenir l’accréditation, à renouveler tous les trois ans, les journalistes doivent présenter un CV, un certificat de police et des copies de leur diplôme de journaliste.
Selon les recherches du CPJ dans le monde, exiger une accréditation officielle peut faire l’objet d’abus de la part des autorités pour étouffer la presse et nier l’accès aux informations et la liberté d’expression. Tous les journalistes avec qui je me suis entretenu étaient d’avis qu’il était presque impossible de travailler sans accréditation.
Mbanda, de l’Office rwandais de gouvernance (RGB), a nié que les journalistes n’étaient pas autorisés à travailler sans carte de presse et a expliqué que beaucoup n’en possédaient pas. Il a affirmé : « La RMC conseille aux journalistes de détenir une carte de presse pour leur permettre de travailler de façon ordonnée car certains escrocs pourraient se faire passer pour des journalistes. » Il a également ajouté qu’il était « difficile d’imaginer » que la RMC abuserait d’un système qu’elle a mis en place elle-même.
En dépit des mesures prises pour assouplir les restrictions des médias, le Code pénal continue à prévoir des peines de prison en cas de diffamation et de divisionnisme ou de discrimination, des crimes dont la définition reste vague. La définition floue de divisionnisme – propagation de toute idée fondée sur « des caractéristiques ethniques, régionales, raciales, religieuses, de langue ou tout autre élément discriminatoire » – signifie qu’elle peut facilement faire l’objet d’abus à l’encontre des journalistes critiques. La diffamation est souvent utilisée en Afrique pour s’en prendre aux journalistes qui formulent des critiques à l’égard des autorités, et l’Union africaine, dont le Rwanda est un État membre, a appelé à retirer de telles lois de la législation.
L’autocensure perdure
Certaines autorités semblent ne même pas accepter ces réformes limitées. Ceux qui soutiennent les réformes des médias et qui participent aux nouvelles structures doutent que l’armée respecte l’esprit de la loi. Muvunyi est optimiste, mais il a cité des incidents où la RMC a dû intervenir pour protéger des journalistes. Au cours des huit mois depuis la formation de la RMC, la commission est intervenue à cinq reprises pour convaincre la police de relâcher les journalistes arrêtés et de remettre leurs cas à l’organe d’autorégulation. Dans l’un de ces cas, Stanley Gatera, rédacteur en chef du journal privé Umusingi, a été arrêté en avril 2014 et accusé de corruption. Maintenant exilé, Gatera m’a confié que la police l’avait accusé d’avoir menacé d’écrire au sujet d’un propriétaire de débit de boisson n’ayant pas marqué le 20e anniversaire du génocide s’il ne payait pas à Gatera un pot-de-vin. Selon le groupe pour la liberté d’expression Article 19, Gatera a été arrêté par des policiers en civil et accusé de tentative d’extorsion après qu’une personne non identifiée lui avait remis une enveloppe dans un café. Il a été relâché suite à l’intervention de la RMC. Forcé de mettre fin à ses publications en 2012 et ayant passé un an en prison pour divisionnisme et discrimination sexuelle, Gatera nia les allégations de corruption et m’expliqua qu’on l’avait piégé suite à une interview qu’il avait accordée à la chaîne de télévision Al-Jazeera sur la liberté des médias. Après sa libération, averti par des contacts au sein de la police qu’on allait le tuer, Gatera a fui, m’a-t-il confié. Il avait repris le journal Umusingi lorsque son fondateur, Nelson Gatsimbazi, avait fui en 2011 après avoir été accusé de promouvoir le divisionnisme dans son journal.
Dans un autre cas, Jeannette Mukamana et Rose Nishimwe, de la station de radio de campus Radio Salus, ont été arrêtées en mai 2014 après avoir diffusé un contenu jugé offensant par les autorités. « Nous avons négocié et elles ont été relâchées. La police n’avait pas matière à action. Ils ont simplement déclaré qu’elles avaient enfreint le code pénal en insultant le président… C’est un signe d’intimidation », a martelé Muvunyi. L’affaire a été résolue ; Mukamana, journaliste, et Nishimwe, étudiante en journalisme qui effectuait un stage à la station, ont été réintégrées à leur poste, a-t-il dit.
Aux yeux de certains, ces cas sont la preuve que les réformes ont un effet et que la RMC joue son rôle, mais ils révèlent également que le harcèlement et les menaces se poursuivent. Les membres de la RMC ont reconnu qu’un haut degré d’autocensure demeure, bien qu’ils considèrent cela comme un héritage du passé. Beaucoup de journalistes à qui j’ai parlé l’attribuent à une crainte continue du harcèlement, des menaces et des arrestations. L’un d’eux, le journaliste indépendant Mugabe, m’a raconté avoir été interrogé dans les prisons secrètes. Kigali a deux types de prison : les officielles et « d’autres dans des lieux de détention clandestins », a-t-il précisé. C’est dans l’un de ces derniers « qu’ils m’ont interrogé pendant des jours, et ils ont répandu un mensonge parmi les journalistes, leur faisant croire que je travaillais pour eux, une stratégie pour instiller la méfiance. Lorsqu’ils vous relâchent, ils vous disent que vous devez vous taire ou vous mourrez », m’a-t-il dit. Le gouvernement n’a pas répondu à la demande du CPJ de commenter ces affirmations mais Mbanda, du RGB, a nié l’existence de prisons secrètes dans le pays. « Les allégations de prisons secrètes et de détentions sont un langage que nous retrouvons chez les dissidents rwandais, sans preuves à l’appui », a-t-il dit au CPJ. « Le Rwanda est un pays qui respecte l’État de droit et ces allégations sont perçues comme des tentatives de ternir l’image du pays et de ses dirigeants. »
Une série de « disparitions » – des cas d’individus disparus qui refont surface des semaines plus tard en garde à vue, a été rapportée cette année. Ces cas ont été signalés par le Département d’État américain, qui a déclaré en juin que certains étaient détenus au secret jusqu’à deux mois, selon les informations. La porte-parole du Département d’État Marie Harf a appelé le gouvernement rwandais à justifier de la disparition de douzaines de personnes enlevées de force ou portées disparues depuis le mois de mars. Le Département d’État a cité des « rapports crédibles » sur des menaces proférées à l’encontre des journalistes et la suspension d’une tribune téléphonique à la radio, bien que le CPJ n’ait pas été en mesure de confirmer ces informations de manière indépendante.
L’une de ces personnes disparues, Cassien Ntamuhanga, a comparu devant le tribunal une semaine après son enlèvement. Ntamuhanga, directeur de la station radio confessionnelle Amazing Grace, axée sur des questions religieuses et sociales, avait disparu le 7 avril, et d’après la police, avait été arrêté le 14 avril, affirment certaines informations. Il a été inculpé avec trois autres pour atteinte à la sécurité de l’État, complicité de terrorisme et trahison. Ils étaient accusés de collaborer avec le parti d’opposition, le Congrès national rwandais, et le FDLR, un groupe rebelle en République démocratique du Congo, pour comploter un renversement du gouvernement. En octobre, le procès était toujours en cours selon les informations. Des journalistes locaux ont affirmé au CPJ qu’ils étaient surpris de l’arrestation de Ntamuhanga car celui-ci n’était pas considéré comme critique à l’encontre du gouvernement. Ils ont également dit qu’ils n’ont pu identifier aucun point sensible dans son travail qui aurait pu mener à son arrestation.
Ces incidents se sont déroulés sur un fond de répression des figures d’opposition. En 2012, Bernard Ntaganda, le fondateur du parti de l’opposition PS-Imberakuri qui avait été arrêté dans le cadre d’une opération coup-de-poing pré-électorale en 2010, a été condamné à une peine de quatre ans pour atteinte à la sécurité nationale et divisionnisme. Vers la même époque, Victoire Ingabire, le dirigeant du parti d’opposition FDU-Inkingi, avait été accusé de collaboration avec des groupes armés de la République démocratique du Congo, de propagation de l’idéologie génocidaire et de divisionnisme. Andre Kagwa Rwisereka, vice-président du Parti démocratique vert, a été assassiné en juillet 2010. Sa famille a accusé le gouvernement rwandais de complicité. Le gouvernement a nié toute implication, selon ces informations. Personne n’a été reconnu coupable du meurtre. En 2010 également, l’Abbé Emile Nsengiyumva a reçu une peine de 18 mois pour incitation à la désobéissance civile après avoir dénoncé les politiques gouvernementales.
Certaines des figures de l’opposition qui ont quitté le Rwanda n’ont pas trouvé la sécurité dans l’exil. En 2010, l’ancien chef d’état-major militaire Kayumba Nyamwasa, qui s’était brouillé avec le gouvernement et vivait en Afrique du Sud, a survécu à une fusillade à Johannesburg. Une deuxième attaque contre lui et sa famille a échoué dans un lieu de détention clandestin en mars 2014. Quatre hommes, dont le rwandais Amani Uriwane, ont été reconnus coupables de la première attaque en août 2014 ; le magistrat sud-africain a déclaré qu’ils avaient été payés pour le faire « par un certain groupe de gens au Rwanda » aux motivations politiques, selon les informations. Lorsque Patrick Karegeya, l’ancien chef des renseignements alors en exil, a été retrouvé étranglé dans un hôtel en Afrique du Sud le 1er janvier 2014, la présidence rwandaise avait dénié toute implication et publié un tweet sur le compte officiel du président déclarant : « Président #Kagame : Ceux qui critiquent le #Rwanda savent jusqu’où ils vont pour protéger leur propre nation. » Les autorités sud-africaines ont déporté quatre diplomates rwandais, les accusant de complicité dans les attaques et déclarant qu’ils avaient « abusé de leurs privilèges diplomatiques ».
La réponse du gouvernement rwandais face à ces attaques a été de qualifier les personnes visées de traîtres et de nier toute implication. Quoi qu’il en soit, ces cas découragent les journalistes exilés et ceux qui souhaiteraient s’exiler pour éviter le harcèlement dans leur pays.
Pour comprendre les questions liées aux médias au Rwanda, il faut prendre en compte le contexte plus général, pense Mugabe. « Vous ne pouvez pas parler de journalisme dans ce pays de manière isolée. C’est la façon dont la société est organisée ici : un gouvernement fort, aucune opposition légitime, pas de société civile. Le gouvernement ne veut pas du journalisme, il veut seulement l’engagement des journalistes en sa faveur. »
Les questions économiques ont également un impact sur les médias. Asiimwe, le directeur général du radiodiffuseur public, explique : « Le plus grand problème dans notre pays c’est que les médias n’ont pas été gérés correctement. Les gens n’investissent pas [dans les médias] comme dans une entreprise, alors il n’y a pas d’investisseurs sérieux. L’économie est encore de taille modeste, les recettes publicitaires sont limitées, alors les gens se lancent pour la survie d’un jour sans plan d’entreprise clair pour établir une entreprise sérieuse et crédible. » Et d’ajouter : « Pendant longtemps, les médias étaient le dépotoir des ratés. Même si vous étiez plombier, vous pouviez démarrer un journal sans connaître la loi, sans avoir de compréhension élémentaire. La plupart des journaux étaient dirigés par des gens qui avaient abandonné leurs études. »
Muvunyi a soutenu qu’il y avait peu de journalisme d’investigation car peu en avaient les moyens. « Certains essaient, mais… ils n’ont pas assez de fonds pour le faire… La pauvreté contribue au manque de reportages d’enquête. »
La situation financière rend les médias vulnérables à la pression politique. L’essentiel de la publicité potentielle provient du gouvernement, et ces publicités apparaissent rarement dans les journaux indépendants. Le Noble Journalist Data Project, dirigé par Sally Stapleton, journaliste américaine et fondatrice du Great Lakes Media Institute, a enquêté en 2014 sur les propriétaires de médias et a trouvé que les conditions de travail étaient mauvaises. Les entretiens réalisés avec 100 journalistes ont montré que 43 pour cent gagnaient moins de 293 $ par mois, à peine assez pour louer une maison dans la capitale sans accès aux services publics de base. Le sondage a également indiqué que 43 pour cent disaient recevoir parfois leurs salaires en retard à cause des contraintes financières rencontrées par les employeurs.
L’un des effets majeurs de la pratique de payer les reporters pour assister à des évènements – appelée giti, « arbre » en kinyarwandais, ou « journalisme à enveloppe brune » – est répandu. Un responsable du site Web populaire privé Kigali Today, qui a travaillé dans les relations publiques et qui ne souhaite pas être nommé par crainte de représailles, m’a dit ceci : « A cause du manque de qualité ou d’éducation, vous avez des gens qui viennent dans votre bureau pour vous menacer d’écrire des choses négatives si vous ne payez pas. C’est monnaie courante. »
Même lorsque les journalistes ne sont pas en recherche de « frais de transport », les compagnies et les organisations leur en donnent. « Il y a un budget pour cela : les ONG, les ministères, certaines compagnies donnent aux journalistes de l’argent pour le transport », dit-il. Désormais, il paye le transport à ses journalistes et leur demande de ne pas accepter d’enveloppes brunes. Est-ce que cela s’est arrêté ? « Comment le saurais-je ? Nous avons eu une réunion générale du personnel et certains ont dit qu’ils avaient accepté l’argent. Je leur ai dit que si cela se reproduisait, ils seraient immédiatement renvoyés. Mais je soupçonne qu’ils le font », dit-il.
Margaret Jjuuko et Joseph Njuguna, professeurs à l’université du Rwanda, ont déclaré que le phénomène de l’enveloppe brune est difficile à éviter lorsque les médias ne peuvent pas rémunérer leur personnel convenablement. « Les journalistes sont très pauvres, alors parfois des gens payent pour que leur sujet soit couvert. Il faut mettre en place des contrats et des salaires dignes de ce nom pour arrêter cela », dit Jjuuko.
Le radiodiffuseur public, de loin la plus grande organisation médiatique du pays, essaye de faire face à ce problème. Asiimwe a déclaré augmenter les salaires, payer les frais de transport et mettre un frein « aux enveloppes brunes ». « [Quand j’ai commencé ici il y a un an], certains journalistes débutants gagnaient 250 dollars. Maintenant ils gagnent 500 dollars. Les directeurs gagnent 2000 dollars. Les gens sont intelligents, motivés, créatifs et ne traînent plus les pieds », a-t-il affirmé. Il a ajouté qu’une politique stricte était désormais en place faisant de l’acceptation d’enveloppes brunes une raison de licenciement immédiat.
Ceci fait partie d’un mouvement pour secouer le radiodiffuseur public, qui perd du terrain face à l’avancée des médias privés. En 2014, deux journaux de l’État, La Nouvelle relève et Imvaho Nshya, ont déjà été privatisés.
Asiimwe travaille dans un bureau relativement luxueux mais dans un bâtiment délabré. Dans la même rue, un bâtiment de 15 millions de dollars, équipé de matériel de pointe, est en construction pour le quartier général du radio-diffuseur public. Asiimwe, assis sous un énorme portrait de Kagame, fait partie d’une nouvelle génération élevée comme pionnière d’une ère de changement. « L’évolution [d’un radio-diffuseur national] vers un radio-diffuseur public a commencé il y a un an. Nous avons à présent un nouveau conseil d’administration, choisi par un panel de sélection de cinq personnes et soumis au cabinet pour approbation. Nous avons réécrit nos statuts et notre règlement interne. … La prochaine étape est de changer le contenu. Comment cela reflète-t-il ce que les gens disent et ce qu’ils ont besoin de savoir ? Cela prend du temps. Nous essayons de nous rapprocher du public et de voir comment il vit. »
« Nous nous considérons comme un pont, un intermédiaire entre le gouvernement et les citoyens. Nous devons montrer ce que le gouvernement fait pour le pays et nous pencher sur l’impact que cela a dans la vie de la population. C’est ce que nous commençons à faire. »
Il a ajouté : « Notre information est passée d’articles portant sur le gouvernement à des articles privilégiant l’intérêt humain, en plus de quelques histoires de corruption. Quand je suis arrivé il y a à peine un an, l’institution avait pour culture de servir de porte-parole du gouvernement. De nombreux fonctionnaires du gouvernement pensent toujours que c’est ce que nous sommes, mais globalement nous nous transformons pour devenir un radio-diffuseur public. Cela se passe bien. Le gouvernement fait preuve de beaucoup de bonne volonté. »
Ignatius Kabagambe, un ancien journaliste qui travaille maintenant pour l’organe public appelé l’Office rwandais de la gouvernance, s’inquiète de la qualité du journalisme en raison de la situation économique du secteur, mais il affirme que le gouvernement commence à traiter ce problème. « La situation est très mauvaise. Puisqu’il s’agit d’un pays pauvre, les dépenses d’argent et les efforts de formation et d’investissement n’étaient pas placés en tête de liste. Les médias n’étaient pas perçus comme un domaine prioritaire pour la création de richesse et la réalisation des objectifs, » a-t-il déclaré. « Le rythme de l’élaboration des réformes des médias était extrêmement lent les dix premières années, mais il s’est accéléré ces trois dernières années, et c’est là qu’on a commencé à observer un réel engagement du gouvernement. »
Ceci comprend l’amélioration des formations en journalisme à l’université du Rwanda, qui est entrée en partenariat avec l’école canadienne de journalisme et de communication de l’Université Carleton afin d’offrir des expériences plus variées aux étudiants. Bien que ce partenariat soutenu par le gouvernement ait maintenant pris fin, des maîtres de conférence de Carleton se sont rendus au Rwanda et les meilleurs diplômés rwandais ont pu passer un certain temps au Canada.
L’éditeur d’un petit journal kinyarwandais indépendant, qui a demandé à rester dans l’anonymat par crainte de représailles, a affirmé qu’il n’y avait aucun progrès, et que les conditions restaient strictes. « Nous n’avions pas beaucoup de liberté mais nous y travaillons. Il s’agit d’un problème important, mais il est possible d’y remédier. » Il a cependant déclaré que les officiels du gouvernement exerçaient toujours des pressions sur les journalistes, avant d’ajouter : « À peine un article imprimé qu’ils vous appellent pour vous interroger. Du coup vous commencez à vous autocensurer. Nous ne sommes pas les médias de l’opposition, mais parfois ils nous harcèlent parce qu’ils disent que c’est ce que nous sommes. »
« Nous connaissons les règles du jeu. Donc nous les suivons. Nous savons ce que nous ne pouvons pas publier car si nous voulons survivre comme professionnels des médias, nous devons nous conformer aux règles. Si je ne suis pas les règles, je deviens un réfugié, alors il faut que je les suive. »
En effet, les journalistes les plus critiques sont nombreux à avoir quitté le pays. Entre 2001 et 2011, le CPJ a recensé 18 cas de journalistes rwandais partis en exil.
Selon de nombreux journalistes qui sont restés au Rwanda, leurs collègues qui ont choisi l’exil ont exagéré leur situation auprès des organisations internationales pour se faire accepter comme réfugiés. Muvunyi a affirmé que certains de ces journalistes voulaient décrocher « un visa facile pour aller en Europe. Ils voulaient une vie meilleure. » Il y a eu des cas sincères, a-t-il admis, mais il y a aussi eu ceux qui n’étaient pas de vraies victimes de harcèlement. L’hésitation de beaucoup d’exilés à témoigner rend difficile la distinction entre les deux. Au cours des cinq dernières années, le programme d’aide aux journalistes du CPJ a aidé plusieurs journalistes exilés rwandais à couvrir leurs frais de logement et d’autres besoins vitaux comme la nourriture, les soins de santé ainsi que le suivi psychologique, et il leur a défendu leurs requêtes auprès des Nations Unies et des pays d’accueil. Le programme évalue toutes les demandes d’aide en effectuant des recherches sur les origines des journalistes et sur la déclaration selon laquelle ils sont persécutés.
Les recherches du CPJ, y compris des entretiens avec ceux qui ont fui, révèlent que la peur persiste longtemps après que les journalistes ont quitté le pays. Des cas comme le meurtre du journaliste exilé Charles Ingabire, tué en décembre 2011 à Kampala, Ouganda, où il avait commencé un journal après sa fuite du Rwanda, n’ont fait qu’augmenter cette peur. Certains exilés ont dit au CPJ que, suite à la mort d’Ingabire, ils ont renforcé leurs mesures de sécurité et que plusieurs ont quitté leur logement.
Le gouvernement n’a pas répondu à une demande de commenter les allégations selon lesquelles des officiels appelleraient les journalistes au sujet d’articles importants, mais Mbanda, du RGB, a déclaré : « Il n’existe pas un antagonisme connu entre les journalistes et les politiciens rwandais. » Il a expliqué qu’en tant que membres de la société, les politiciens avaient le droit de demander des précisions et il a mis en doute que cela « constituait [une] menace » à l’encontre des journalistes.
En réponse à une demande de commentaires sur les conclusions présentées dans ce rapport, Mbanda a déconseillé de se fier aux informations de « dissidents vivant hors du pays ou d’individus mécontents qui s’opposent au gouvernement ». Il a confirmé au CPJ : « L’environnement des médias au Rwanda permet aux journalistes de travailler librement », et il a ajouté que les médias étaient en croissance et bénéficiaient d’investissements étrangers.
Les journalistes estiment souvent que beaucoup d’observateurs internationaux ne tiennent compte que des journaux en anglais lors des débats sur les médias rwandais. Au sein des médias kinyarwandais, surtout des émissions de radio, les journalistes s’accordent pour dire qu’il leur est parfois plus facile de parler franchement dans la langue locale, même si les journaux sont publiés dans les deux langues. Et la prolifération d’émissions de radio avec une tribune téléphonique permet des débats qui n’auraient pas été tolérés auparavant. Kagame a déclaré que les journalistes critiques entretiennent les critiques internationales, ce qui réduit les perspectives économiques du pays. Des journalistes avec lesquels je me suis entretenu considèrent que les reportages et les débats dans la langue locale sont moins susceptibles d’être remarqués par les médias internationaux ou de potentiels investisseurs étrangers.
Afin d’obtenir un aperçu de certains journaux en kinyarwandais, en juin j’ai regroupé 24 articles tirés de 6 journaux ; cette recherche a confirmé le point de vue que la presse en langue locale publie des informations critiques, même si elles ne sont souvent présentées que comme de simples opinions. Cependant, aucune des articles ne traitait de sujets tabous du type de ceux qui avaient auparavant créé des problèmes pour les journalistes, comme les critiques formulées à l’encontre de l’armée ou du président.
Internet est une autre source active d’information au Rwanda, où les activités des bloggeurs et des médias sociaux n’ont fait qu’augmenter. Les sites populaires, qui n’emploient pas moins de 55 journalistes permanents, comprennent Igihe et Kigali Today. Ce dernier, un média privé qui est aussi une source pour le contenu de 40 autres sites, fonctionne comme une agence d’information et a récemment ouvert une station de radio. L’un de ces directeurs, qui a demandé à rester dans l’anonymat par crainte de rétorsions de la part du gouvernement, a déclaré que le site fonctionnait selon des paramètres précis. « Certains sujets sont sensibles : les questions de sécurité nationale, les histoires qui touchent au président ou les articles révisionnistes sur le génocide. Nous pouvons les aborder, mais nous devons être prudents sur la façon dont nous les traitons ou les écrivons. Nous pensons avoir le droit de couvrir tous les sujets mais nous avons aussi des responsabilités. Ainsi, quand nous rencontrons des sujets sensibles, nous nous réunissons pour discuter de l’approche convenable », a-t-il dit.
L’accès internet est limité, ce qui peut expliquer l’attitude plus permissive des autorités à son égard. Le MHC a affirmé en 2011 que seulement 5% du pays disposait d’une connexion ADSL ou haut-débit, tandis que la connexion internet mobile s’élevait à 40%. Ceci montre que le Rwanda suit probablement la voie de nombreux pays africains en passant directement à l’accès internet mobile à l’heure où les smartphones deviennent plus abordables.
Critiques du président ou interdits militaires
Les journalistes avec lesquels je me suis entretenu sont restés clairs sur le fait que certains sujets étaient très risqués et qu’ils avaient donc tendance à les éviter, comme les activités de l’armée rwandaise en RDC voisine. Kinshasa a accusé le Rwanda de soutenir les groupes de rebelles et de s’engager dans des combats frontaliers, en plus de présumées atrocités commises par ses soldats. Le Rwanda a nié les accusations. Le président lui aussi est hors d’atteinte. Comme le disait un journaliste expérimenté qui a insisté pour rester dans l’anonymat par crainte de répercussions : « Notre président n’est pas juste un président, notre président est comme Dieu. Les informations contre le président sont sacrées, personne ne peut le toucher. »
Il existe un récit officiel et simplifié du génocide de 1994, à savoir que les Hutus au pouvoir tuaient les Tutsis, et tout point de vue différent, comme reconnaître que beaucoup de Hutus ont aussi été tués, risque de tomber sous le coup de la loi aux termes vagues contre la minimisation du génocide. En 2012 lors de son suivi de la couverture médiatique de l’anniversaire du génocide, le MHC a critiqué la BBC pour avoir diffusé « un reportage polémique qui propose une version négationniste ou révisionniste du génocide ». Selon les recherches du CPJ, le documentaire de la BBC2, Rwanda’s Untold Story (L’histoire inédite du Rwanda), diffusé en octobre 2014 et qui remettait en question la version officielle du génocide, a créé la polémique et conduit à la suspension des émissions de la BBC en kinyarwandais, même si le pouvoir de traiter les plaintes revient à la RMC. Cette mesure a rappelé de manière vive la façon dont le gouvernement réagit face à de points de vue différents.
L’approche du gouvernement pour faire face aux conflits ethniques est de supprimer toute discussion sur l’ethnicité ou la discrimination, par la prohibition du divisionnisme et la promotion de la nécessité d’un Rwanda uni. Aux questions sur les allégations de harcèlement et d’intimidation, Munyentwari a répondu : « Cela peut arriver, mais il ne s’agit pas d’une tendance générale. » Il a ajouté : « Il existe des cas d’intimidation, mais il est très difficile d’identifier les individus responsables. »
Et les journalistes en prison ? « Nous avons un journaliste en prison [Uwimana, relaxé depuis cet entretien]. En ce qui concerne les autres, leur emprisonnement n’a rien à voir avec leur travail médiatique, a-t-il déclaré. S’il s’agit d’une question de sécurité nationale, la police doit s’en mêler. »
Le directeur de la RMC Muvunyi a expliqué : « Nous sommes toujours dans une culture où d’autres décident de ce qui doit paraître ou non. Nous faisons de notre mieux et parfois nous réussissons. Quand un journaliste est arrêté, nous faisons pression sur la police, nous demandons pourquoi et nous essayons de le faire relâcher. Nous avons permis des libérations. Nous avons négocié pour eux et nous avons rendu des affaires publiques. »
Il a ajouté : « Par exemple, le gouvernement peut ne pas être satisfait d’une émission de débat, il appelle alors le propriétaire et lui fait savoir qu’il n’est pas satisfait, puis nous voyons cette émission s’arrêter ou changer. Lorsque nous entendons parler d’un tel phénomène, nous menons l’enquête, nous rencontrons les personnes concernées. »
La RMC fait reculer les harcèlements et les menaces aux journalistes, mais tant que ces interventions continuent, la peur, renforcée par le souvenir de répressions sévères contre les médias, sera prédominante et les réformes officielles pour ouvrir les perspectives des médias n’existeront que sur le papier. La liberté de la presse au Rwanda ne pourra pas être renforcée tans que des mesures ne seront pas prises pour mettre un terme aux actions des autorités chargées de la sécurité et que de nouvelles réformes lèvent les restrictions qui subsistent.
Anton Harber est professeur Caxton de journalisme à l’université de Witwatersrand à Johannesburg, président de l’Institut pour la liberté d’expression, et chroniqueur régulier du quotidien sud-africain Business Day. Fondateur et corédacteur du journal anti-apartheid Weekly Mail (maintenant appelé Mail & Guardian), il est aussi l’auteur de « Diepsloot », qui a gagné le Prix Recht Malan en 2012 dans la catégorie non-romanesque, et de « The Gorilla in the Room » (Un Gorille dans la pièce). Il a coédité les ouvrages « What is Left Unsaid: Reporting the South African HIV Epidemic » (Ce qu’il reste à dire : Rapport sur l’épidémie sud-africaine du VIH); « Troublemakers: The best of SA’s investigative journalism » (Fauteurs de trouble : Le meilleur du journalisme d’enquête sud-africain) ; ainsi que les deux premières éditions de « The A-Z of South African Politics ».
Recommandations du CPJ
Au gouvernement rwandais
- Abroger les lois sur la diffamation et les insultes, conformément aux recommandations de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et aux principes juridiques internationaux.
- Aligner sur les normes internationales la loi de 2008 sur l’idéologie génocidaire ainsi que les autres lois apparentées concernant le « divisionnisme », attribuer une définition précise à ce crime, et permettre aux journalistes de faire leur travail librement et d’un œil critique.
- Veiller à ce que les processus d’accréditation des membres des médias ne soient pas discriminatoires à l’encontre des journalistes critiques et que tous les journalistes puissent assister aux évènements officiels.
- En tant qu’organe d’autorégulation dévoué à la protection des journalistes, la Commission rwandaise des médias doit enquêter sur les déclarations de harcèlement des journalistes, et lorsque cela est nécessaire, en référer au gouvernement pour prendre des mesures complémentaires.
- Le gouvernement doit enquêter sur les attaques visant les journalistes et engager des poursuites en la matière, et il doit répondre de manière appropriée aux menaces et aux attaques.
- Consolider le financement et les structures de gouvernance du radiodiffuseur public afin d’assurer qu’il fonctionne en tant que service indépendant et d’encourager les informations qui servent l’intérêt public.
- En tant que l’un des treize pays africains possédant des lois sur la liberté d’information, permettre aux journalistes d’avoir accès aux informations et d’enquêter librement afin qu’ils puissent remplir leur rôle vital de surveillance.
À la communauté internationale
- Considérer la situation de la liberté de la presse rwandaise dans le contexte d’accords multilatéraux et bilatéraux, incluant les relations d’aide. Élaborer des points de repère spécifiques et promouvoir sans cesse l’amélioration des conditions de la liberté de presse.
- Continuer d’appuyer la formation professionnelle des médias et l’accompagnement des rédacteurs en chef, éditeurs et journalistes en mettant l’accent sur le rôle des médias dans une société démocratique.
- Garantir qu’une formation de qualité soit disponible pour les travailleurs indépendants, les petits opérateurs privés et les médias communautaires.
- Encourager et procurer des formations pratiques en journalisme d’enquête au Rwanda et étudier les mécanismes qui assureront que le journalisme d’enquête soit approfondi, bénéficie d’un appui, et soit durable.
- Assurer la liaison avec le Haut Conseil des médias et procurer un appui à la formation de la police et de l’armée sur le rôle et les droits des journalistes indépendants dans une société démocratique.
À l’Union européenne
- Conformément à ses politiques internes, l’Union européenne doit faire de la liberté de la presse un baromètre et un pilier des droits de l’homme en la plaçant au centre de ses relations avec le Rwanda, et elle doit appeler le gouvernement rwandais à respecter pleinement ses obligations internationales. Elles incluent l’Accord de partenariat de Cotonou en 2000, le Cadre stratégique et le plan d’action de l’UE pour les droits de l’homme et la démocratie de 2012, ainsi que les Recommandations de l’UE (droits de l’homme) de 2014 relatives à la liberté d’expression en ligne et hors ligne.
- L’UE doit avoir recours à tous les instruments financiers appropriés, en particulier l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme, afin d’apporter son soutien aux médias et aux journalistes sous pression. En cas d’attaque systématique de la presse et de violations de la liberté de presse, l’UE doit tirer parti de l’éventail d’instruments à sa disposition, notamment des condamnations ou des sanctions.