Attaques contre la presse en 2010: Le Zimbabwe

Principaux Développements
• La presse obtient des acquis considérables avec l’octroi de licences à cinq publications.
• La police, des loyalistes du ZANU-PF harcèlent, agressent les journalistes indépendants.


Statistique Cle
Aucune licence de radiodiffusion délivrée aux organes de presse privés depuis 2001

Pour la première fois en sept ans, les organismes de régulation des médias, sous le contrôle de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF) au pouvoir, ont accordé cinq licences à des publications privées, ouvrant ainsi une brèche pour la liberté de la presse dans ce pays longtemps opprimé. Cependant, le harcèlement de la police, l’intransigeance des autorités concernant l’octroi de licences à des radiodiffuseurs privés, et la réticence du gouvernement à poursuivre les réformes juridiques ont fait en sorte que cette brèche reste une simple fissure.

ATTAQUES CONTRE LA PRESSE EN 2010
Préface
Introduction
Analyse sur L’Internet
Analyse Afrique
Afrique du Sud
Angola
Cameroun
Ethiopie
Nigeria
RDC
Rwanda
Somalie
Ouganda
Zimbabwe
En bref

Les luttes intestines ont continué à miner le gouvernement d’unité nationale au sein duquel le ZANU-PF partage le pouvoir avec l’opposition menée par le Mouvement pour le changement démocratique (MDC). Le président Robert Mugabe a promis d’organiser des élections présidentielles et législatives en mi-2011 pour « mettre fin » à la fragile coalition avec le MDC, a-t-il annoncé à la radio d’Etat en novembre. Il s’est engagé à poursuivre le processus électoral, même si les réformes constitutionnelles ne sont pas achevées, comme requis par l’accord de partage du pouvoir signé par les deux parties en septembre 2008. Les parties avaient provisoirement accepté d’organiser un référendum en 2011 sur une révision constitutionnelle, pour ensuite organiser des élections. L’annonce de Mugabe a mis les deux parties sur une trajectoire de collision potentielle deux ans seulement après que l’élection présidentielle contestée de 2008 a incité le ZANU-PF à mener une campagne de violence, de harcèlement et d’emprisonnement contre les partisans de l’opposition et la presse.

La presse a eu des acquis supplémentaires au cours de l’année. La Commission des médias du Zimbabwe, le nouvel organe de régulation créé en février, a délivré des licences en mai à cinq publications, dont le quotidien indépendant Daily News, que le gouvernement avait arbitrairement fermé en 2003 en dépit des objections des tribunaux. Les licences ont également été délivrées aux éditeurs d’un nouveau quotidien indépendant, NewsDay, au ZANU-PF pour une nouvelle publication politique; au Congrès des syndicats du Zimbabwe pour un mensuel syndical, et aux éditeurs du Financial Gazette pour un nouveau titre, The Daily Gazette.

“We view this as a first step to media freedom,” said Trevor Ncube, publisher of NewsDay, which hit Harare newsstands amid great fanfare in June. “So even though it is a piecemeal achievement, it is still welcomed.” Ncube’s company also publishes two independent Zimbabwean weeklies and a South African weekly. The other new licensees, facing financial hurdles, had yet to publish by late year.

« Nous considérons cela comme une première étape vers la liberté des médias », a déclaré Trevor Ncube, éditeur de NewsDay, qui a commencé à paraitre avec éclat à Harare en juin. « Donc, même si c’est un acquis par bribes, c’est toujours le bienvenu ». L’entreprise de Ncube publie également deux hebdomadaires indépendants zimbabwéens et un quotidien sud-africain. Les autres nouvelles publications, confrontées à des obstacles financiers, n’avaient pas encore commencé à paraitre à la fin de l’année.

Le Commission des médias du Zimbabwe, créée dans le cadre de l’accord de partage du pouvoir, a remplacé la tristement célèbre Commission d’information et des médias, qui avait supervisé la fermeture de plusieurs publications privées au début des années 2000. La nouvelle commission comprend des représentants des médias privés, offrant ainsi l’espoir d’une plus grande indépendance.

La délivrance de nouvelles licences pourrait soulager le paysage médiatique étroitement contrôlé qui ne comprenait depuis plusieurs années qu’une petite poignée d’hebdomadaires indépendants et aucune station de radiodiffusion privée. Cependant, les mêmes lois draconiennes longtemps utilisées pour censurer et contrôler les publications privées sont restées dans les textes, plus particulièrement la Loi pénale (portant codification et réforme du code pénal), qui criminalise la publication d’informations considérées comme préjudiciables à l’État ou offensant le président. Les peines de prison prévues peuvent atteindre 20 ans.

Une nouvelle loi qui était en train d’être examinée par le Parlement à la fin de l’année risque d’entraver la publication de documents gouvernementaux. Ce projet de loi, un amendement aux lois sur le droit d’auteur du pays, permettrait au gouvernement de décider dans quelle mesure des documents fondamentaux tels que les statuts et décisions de justice peuvent être republiés, selon des médias. « Vous verrez ses usages. Si des lois électorales sont introduites pour les élections de l’année prochaine, nous ne serons pas en mesure de les publier, quoi qu’elles puissent être difficiles à accepter », a dit au CPJ un journaliste local qui a parlé sous couvert de l’anonymat.

Bien que le harcèlement des journalistes ait diminué depuis les jours sombres de l’élection présidentielle contestée de 2008, les journalistes indépendants étaient encore ciblés par la police et des militants du ZANU-PF. Un cas patent est celui du photojournaliste indépendant, Andrison Manyere, qui a été placé en détention au moins à trois reprises par la police au cours de l’année. En janvier, la police de la capitale, Harare, l’a détenu pendant six heures après qu’il a couvert une marche en faveur des droits des femmes, il a été libéré sans inculpation. En mars, Manyere a encore été détenu par la police pour avoir pris, en dehors du tribunal de première instance de Harare, des photos de deux hommes accusés d’un complot contre le gouvernement. Il a été libéré le lendemain après paiement d’une amende sous une accusation de mauvaise conduite, a rapporté l’association Avocats du Zimbabwe pour les droits de l’homme (ZLHR). Et en octobre, la police l’a détenu pour la troisième fois, pendant une nuit en compagnie du journaliste indépendant Nkosana Dhlamini, après leur tentative de couvrir une réunion sur d’éventuels changements constitutionnels, Manyere a déclaré au CPJ. De jeunes militants du ZANU-PF ont eu une altercation avec Dhlamini, croyant qu’il faisait des reportages pour un organe de presse américain, et Manyere a commencé à filmer la scène. « La police est arrivée uniquement pour confisquer mon appareil photo et me menotter avec mon confrère », a déclaré Manyere au CPJ.

Les journalistes qui collaborent avec des médias basés à l’étranger, notamment les organes de presse internationaux et ceux dirigés par des journalistes en exil, sont entravés et harcelés dans l’exercice de leur profession.

Stanley Kwenda, un collaborateur de l’hebdomadaire The Zimbabwean, dirigé par des journalistes en exil, a dit qu’il s’est enfui du pays en janvier après avoir reçu un appel menaçant d’une personne se présentant comme Chrispen Makedenge, commissaire divisionnaire de la police nationale. La personne qui l’a appelé a déclaré que Kwenda « allait mourir avant la fin de la semaine ». Le rédacteur en chef de The Zimbabwean, Wilf Mbanga, a déclaré au CPJ que Kwenda avait écrit un article récent au sujet de la mort en 2009 de l’épouse de Makedenge. Ce dernier n’a pas répondu aux demandes du CPJ pour des commentaires.

Au moins 49 journalistes zimbabwéens étaient en exil lorsque le CPJ terminait son étude mondiale en juin 2010, ce qui fait du Zimbabwe le quatrième pays avec le nombre le plus important de journalistes en exil, derrière l’Ethiopie, la Somalie et l’Irak. De nombreux Zimbabwéens en exil ont continué de faire des reportages sur les des sujets d’actualité dans leur pays. The Zimbabwean, qui est édité à Londres et en Afrique du Sud et distribué au Zimbabwe, est l’un de ces nombreux organes de presse. En novembre, la police zimbabwéenne a émis un mandat d’arrêt contre Mbanga en rapport avec un article de 2008 ayant affirmé que des fonctionnaires de haut rang avaient comploté l’assassinat d’un fonctionnaire de la commission électorale. La police a dit que l’article contenait des informations « préjudiciables à l’État ». Mbanga a déclaré que bien que The Zimbabwean avait fait des reportages sur cet assassinat, il n’a pas publié l’article décrit par la police. Bien que Mbanga, basé à Londres, ne risquait pas une arrestation immédiate, le mandat serait un obstacle à son retour au Zimbabwe.

Les distributeurs de The Zimbabwean ont été aussi ciblés. En février, peu de temps après la publication d’un article à la Une décrivant les luttes intestines dans le ZANU-PF, la police a détenu deux représentants de la société de distribution du journal pendant trois heures et les a brièvement accusés en vertu de la Loi pénale (portant codification et réforme du code pénal), ont dit des journalistes locaux. La police a finalement levée ces accusations.

Les autorités ont également tenté d’entraver les émissions de la station SW Radio, dirigé par des journalistes en exil basés au Royaume-Uni. Pendant deux jours en septembre, les émissions en ondes courtes du bulletin d’informations «Newsreel» de SW Radio ont été brouillées, selon des auditeurs de la station. Le ministre des Technologies de l’Information and de la Communication, Nelson Chamisa, a dit qu’il n’était au courant d’un quelconque brouillage de ces émissions par le gouvernement, a rapporté la radio SW, bien que le gouvernement ait largement reconnu des brouillages dans le passé.

Le gouvernement a réduit les droits d’agrément exorbitants imposés aux correspondants étrangers et aux journalistes locaux travaillant pour des médias étrangers en vertu de la loi draconienne sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (AIPPA). En mai, les autorités ont réduit les droits d’agréments pour les correspondants étrangers de 10.000 à 2.500 dollars américains à, et ceux des journalistes locaux de 4.000 à 120 dollars américains.

Bien que la Loi relative aux services de radiodiffusion permette aux organismes de régulation de délivrer des licences aux stations de radiodiffusion privées, aucune licence n’a été approuvée depuis la promulgation de cette loi en 2001. « Depuis maintenant cinq ans, Radio Dialogue s’entretient avec le gouvernement sur la question de l’octroi de licences aux radios communautaires », a écrit Peter Khumalo, président la station communautaire Radio Dialogue, qui sollicite cette licence, dans une lettre officielle au gouvernement au début de l’année. « Il ya eu beaucoup de discussions, mais aucun progrès dans la mise en œuvre de l’accord [de partage du pouvoir] en ce qui concerne le service de radiodiffusion. Nous perdons confiance en la volonté du gouvernement de coalition ou sa capacité à parachever la libération de notre nation en libérant la radiodiffusion», a-t-il ajouté.

L’Autorité zimbabwéenne de l’audiovisuel, qui est l’organe public de régulation de l’audiovisuel, a été dirigée par Tafataona Mahoso, un loyaliste du ZANU-PF. Mahoso était à la tête de l’ancien Conseil des médias et de l’information et le fer de lance de la fermeture en 2004 des hebdomadaires privés The Tribune et Weekend Tribune. En mai, l’Autorité de l’audiovisuel a délivré une licence à la station d’Etat, Zimbabwe Broadcasting Corporation, pour le lancement d’une deuxième station de télévision, Channel 2, a rapporté le quotidien progouvernemental, The Herald.

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