Les 10 pays qui exercent la censure la plus forte

L’Érythrée et la Corée du Nord sont respectivement le premier et le deuxième pays qui exercent la censure la plus forte au monde, selon une liste dressée par le Comité de protection des journalistes énumérant les 10 pays où la presse est la plus limitée. La liste est basée sur des recherches consacrées à l’utilisation de tactiques allant de l’emprisonnement et de lois répressives au harcèlement des journalistes et aux restrictions d’accès à Internet.

Les 10 pays qui exercent la censure la plus forte

Voir une liste mise à jour des 10 pays les plus censurés sur https://cpj.org/fr/2019/09/les-10-pays-les-plus-censures.php

Tendances de la liberté de la presse : Les 10 pays qui exercent la censure la plus forte menacent les journalistes de peines de prison et restreignent l’accès à Internet afin de bâillonner la presse

L’Érythrée et la Corée du Nord sont respectivement le premier et le deuxième pays qui exercent la censure la plus forte au monde, selon une liste dressée par le Comité de protection des journalistes énumérant les 10 pays où la presse est la plus limitée. La liste est basée sur des recherches consacrées à l’utilisation de tactiques allant de l’emprisonnement et de lois répressives au harcèlement des journalistes et aux restrictions d’accès à Internet.

En Érythrée, le Président Isaias Afewerki a réussi à briser le journalisme indépendant, ce qui a créé un climat médiatique tellement oppressif que même les reporters travaillant pour les médias d’État vivent dans la crainte constante d’être arrêtés. La menace de l’emprisonnement a conduit de nombreux journalistes à choisir l’exil plutôt que de risquer d’être arrêtés. L’Érythrée est le premier geôlier de journalistes de l’Afrique, avec au moins 23 derrière les barreaux – dont aucun n’a été jugé par un tribunal ni même inculpé d’un crime.

Craignant des insurrections dans le sillage du printemps arabe, l’Érythrée a abandonné en 2011 son projet de mettre l’Internet mobile à la disposition de ces citoyens, limitant ainsi la possibilité d’accès à une information indépendante. Bien qu’Internet soit disponible, l’accès se fait au moyen de connexions lentes par ligne commutée, et moins d’un pour cent de la population est connecté, selon les chiffres de l’Union internationale des télécommunications des Nations unies. C’est également en Érythrée qu’il y a le chiffre le plus bas d’usagers de téléphones portables, avec seulement 5,6 pour cent de la population qui en possèdent un.

En Corée du Nord 9,7 pour cent de la population possèdent un téléphone portable, chiffre qui ne tient pas compte des appareils importés en contrebande de Chine. Au lieu de l’Internet mondial, auquel ont accès seuls quelques individus privilégiés puissants, certaines écoles et autres institutions ont accès à un intranet strictement contrôlé. Et malgré l’installation d’un bureau de l’Associated Press à Pyongyang en 2012, l’État a une telle emprise sur l’information qu’une bande d’actualités a été rééditée afin de supprimer des archives toute mention de l’oncle disgracié de Kim Jong-un après son exécution.

Les tactiques employées par l’Érythrée et la Corée du Nord se retrouvent à des degrés divers dans d’autres pays exerçant une forte censure. Afin de maintenir leur emprise sur le pouvoir, les régimes répressifs cumulent monopole des médias, harcèlement, espionnage, menaces d’emprisonnement et limitation d’entrée et de déplacements des journalistes dans leur pays.

L’emprisonnement est la forme d’intimidation et de harcèlement la plus efficace utilisée contre les journalistes. Sept des 10 pays exerçant la plus forte censure – l’Érythrée, l’Éthiopie, l’Azerbaïdjan, le Vietnam, l’Iran, la Chine et la Birmanie – comptent également parmi les 10 premiers geôliers du monde, selon le recensement carcéral annuel effectué par le CPJ.

Plus de la moitié des journalistes emprisonnés dans le monde sont accusés de crimes contre l’État, y compris en Chine, premier geôlier du monde et huitième pays exerçant la plus forte censure. Sur les 44 journalistes en prison – le nombre le plus élevé pour la Chine depuis que le CPJ a commencé son recensement annuel en 1990 – 29 étaient détenus pour crime contre l’État. D’autres pays qui se servent de ce chef d’accusation pour faire taire les voix critiques comprennent l’Arabie saoudite (troisième pays exerçant la plus forte censure), où la monarchie au pouvoir, non contente de réduire au silence toute dissension intérieure, s’est liguée avec d’autres gouvernements au sein du Conseil de Coopération du Golf pour s’assurer que toute critique des dirigeants dans un État membre sera traitée avec sévérité.

En Éthiopie – quatrième sur la liste des pays exerçant la plus forte censure – la menace d’emprisonnement a contribué à une forte augmentation du nombre de journalistes exilés. Les recherches du CPJ montrent que lors d’une vaste campagne de répression en 2014 sur les blogueurs et les publications indépendantes, plus de 30 journalistes ont été forcés de fuir. La loi antiterroriste de 2009, qui criminalise tout reportage susceptible, d’après les autorités, d’« encourager » ou d’« appuyer moralement » les groupes interdits, a été invoquée contre bon nombre des journalistes sur les 17 emprisonnés dans ce pays. Le Vietnam (sixième sur la liste) recourt à une vague loi contre « l’abus de la liberté démocratique » pour emprisonner les blogueurs, et la Birmanie (neuvième sur la liste) compte sur sa loi sur les secrets officiels de 1923 pour interdire les reportages critiques sur son armée.

L’accès à Internet est fortement restreint dans les pays sous régime communiste – Corée du Nord, Vietnam, Chine et Cuba. À Cuba (10ème pays exerçant la plus forte censure), seule une petite portion de la population a accès à Internet, malgré des investissements extérieurs pour connecter le pays. La Chine, malgré ses centaines de millions d’usagers d’Internet, entretient la « Grande Muraille électronique » (Great Firewall), mélange sophistiqué de censeurs humains et d’outils technologiques, pour bloquer les sites Web critiques et maîtriser les médias sociaux.

Dans les pays dotés d’une technologie de pointe comme la Chine, les restrictions d’Internet vont de pair avec la menace d’emprisonnement afin de garantir que les voix critiques ne prendront pas l’avantage en ligne. Trente-deux des 44 journalistes emprisonnés en Chine travaillaient en ligne.

En Azerbaïdjan (cinquième sur la liste des pays exerçant la plus forte censure), où il existe peu de médias traditionnels indépendants, les lois sur la diffamation criminelle ont été étendues pour inclure les médias sociaux et sont assorties d’une peine de six mois d’emprisonnement. L’Iran (septième sur la liste) a l’un des régimes de censure d’Internet les plus durs du monde, avec des millions de sites Web bloqués ; il occupe aussi le deuxième rang sur la liste des geôliers de journalistes, avec 30 derrière les barreaux. Les autorités iraniennes sont soupçonnées de mettre en place des versions truquées de sites populaires et de moteurs de recherche dans le cadre de leurs techniques de surveillance.

Le harcèlement par le gouvernement est une tactique employée dans au moins cinq des pays exerçant la plus forte censure, y compris en Azerbaïdjan, où des bureaux ont été fouillés, des annonceurs ont été menacés, et des accusations – telles que possession de drogue – ont été portées, par mesure de représailles, contre des journalistes. Au Vietnam, de nombreux blogueurs ont été mis sous surveillance dans une tentative de les empêcher d’assister à des événements d’actualité et d’en parler. En Iran, les autorités ont convoqué des parents proches de journalistes et leur ont annoncé qu’ils pouvaient perdre leur emploi et leur pension à cause du travail des journalistes. Et à Cuba, qui a réalisé quelques progrès, y compris la reprise des relations diplomatiques avec les États-Unis et la proposition de mettre fin au régime de Castro avant 2018, les quelques journalistes indépendants qui essaient de couvrir l’actualité dans le pays sont toujours soumis au harcèlement et à la détention de courte durée.

La restriction des déplacements des journalistes et l’exclusion des correspondants étrangers sont d’autres tactiques fréquentes employées par les gouvernements censeurs. En Érythrée, le dernier reporter international accrédité a été expulsé en 2007, et les quelques reporters étrangers invités de temps en temps à interviewer le président sont étroitement surveillés ; en Chine, des correspondants étrangers ont été soumis à des retards arbitraires relatifs à leur demande de visa.

Quatre nations fortement censurées qui ont manqué de peu d’être incluses sur la liste sont le Belarus, la Guinée équatoriale, l’Ouzbékistan et le Turkménistan. Tous les quatre ont peu ou pas de médias indépendants et sont tellement fermés que même l’obtention d’information concernant les conditions de travail des journalistes peut s’avérer difficile.

La liste des pays pratiquant la censure la plus forte ne concerne que ceux où c’est le gouvernement qui contrôle étroitement les médias. Dans certains pays, notamment la Syrie, les conditions sont extrêmement dangereuses et des journalistes ont été enlevés, retenus en otage et tués, certains d’entre eux par des forces loyales au Président Bashar al-Assad mais d’autres par des groupes de militants tels que l’État islamique.

La liste des 10 pays exerçant la censure la plus forte est basée sur les recherches du CPJ, ainsi que sur l’expertise du personnel de l’organisation. Les pays sont mesurés à l’aide d’une série de repères de référence, y compris l’absence de médias privés ou indépendants, le blocage des sites Web, les limitations d’enregistrement et de diffusion électroniques, les exigences relatives aux licences/autorisations pour pratiquer le journalisme, les restrictions visant les déplacements des journalistes, la surveillance des journalistes par les autorités, le brouillage des émissions étrangères et le blocage des correspondants étrangers.

1. Érythrée

Leadership : le Président Isaias Afewerki, au pouvoir depuis 1993.

Comment la censure fonctionne : Seuls les médias d’État sont autorisés à diffuser l’actualité ; le dernier correspondant international accrédité a été expulsé en 2007. Même ceux qui travaillent pour la presse d’État fortement censurée vivent dans la crainte constante d’être arrêtés à la suite d’un reportage perçu comme étant critique envers le parti au pouvoir, ou pour avoir été soupçonnés d’avoir divulgué des informations à l’étranger. Les derniers médias privés ont été suspendus et leurs journalistes ont été emprisonnés en 2001. Nombre d’entre eux sont encore derrière les barreaux : l’Érythrée a le plus grand nombre de journalistes en prison de toute l’Afrique. Aucune de ces détentions n’a fini au tribunal et la crainte de l’arrestation a forcé des douzaines de journalistes à s’exiler. Les exilés essaient de fournir un accès aux sites Web d’actualités en ligne indépendants et aux émissions de radio, mais les possibilités sont limitées en raison du brouillage des signaux et du contrôle étroit en ligne exercé par l’unique compagnie de télécommunications étatique, EriTel. Toute communication mobile doit passer par EriTel, et tous les fournisseurs de services Internet doivent se servir de cette passerelle contrôlée par le gouvernement. L’accès à Internet est extrêmement limité et disponible seulement au moyen de connexions lentes par ligne commutée. Moins d’un pour cent de la population est connecté selon les chiffres de l’Union internationale des télécommunications des Nations unies

Point sombre : Cinq journalistes indépendants arrêtés en 2001 sont peut-être morts en prison, selon des exilés récents. Face à l’accès limité à l’information en Érythrée, le CPJ ne peut confirmer indépendamment ces décès et continue à inventorier les journalistes concernés dans son recensement carcéral comme moyen de tenir le gouvernement responsable de leur sort.

2. Corée du Nord

Leadership : Kim Jong-un, qui a succédé à son père, Kim Jong-il, décédé en décembre 2011.

Comment la censure fonctionne : L’article 53 de la constitution du pays appelle à la liberté de la presse, mais même avec l’installation d’un bureau de l’Associated Press – qui emploie des Nord-Coréens et est situé au siège de l’Agence centrale de presse coréenne, gérée par l’État – et la présence d’un petit corps de presse étranger originaire de pays politiquement proches, l’accès aux sources d’information indépendantes est l’extrêmement limité. La quasi-totalité des contenus des 12 journaux principaux de la Corée du Nord, de ses 20 revues et de ses radiodiffuseurs proviennent de l’Agence centrale de presse coréenne officielle, qui se concentre sur les déclarations et activités des dirigeants politiques. Internet est réservé à l’élite politique, mais certaines écoles et institutions d’État ont accès à un intranet étroitement contrôlé appelé Kwangmyong, selon l’AP. Les Nord-Coréens à la recherche d’informations indépendantes se sont tournés vers des signaux de télévision et de radio piratés et des DVD étrangers introduits en contrebande, notamment le long de la frontière poreuse avec la Chine. Bien que les portables soient interdits, certains citoyens ont pu capter des informations ces dernières années grâce à des appareils passés en contrebande qui dépendent de tours de téléphonie cellulaire chinoises. Des journaux sud-coréens ont rapporté que la Corée du Nord a commencé en 2013 à produire des smartphones qui fonctionnent sur un réseau construit par la société égyptienne Orascom et la Société des postes et télécommunications nord-coréenne. On voit souvent les commerçants dans les marchés de rue avec des téléphones cellulaires 3G qui supportent les échanges vidéo et de SMS, d’après des voyageurs revenant de Corée du Nord.

Point sombre : Après que Kim Jong-un a commandé l’exécution de son oncle, Jang Song Thaek (au moment de la deuxième anniversaire de la mort de son père), toute mention de Jang a été supprimée des archives des médias de l’État, y compris d’une vidéo officielle d’où Jang a été soigneusement coupé. Jang a été vilipendé dans les médias comme « méprisable ordure humaine, qui était pire qu’un chien ».

3. Arabie saoudite

Leadership : Le roi Abdallah, au pouvoir depuis 2002.

Comment la censure fonctionne : Le gouvernement saoudite a progressivement intensifié la répression légale depuis le printemps arabe. Les amendements apportés à la loi sur la presse en 2011 sanctionnent la publication de tout matériel jugé contraire à la charia et susceptible de porter atteinte aux intérêts de l’État, de promouvoir des intérêts étrangers, de nuire à l’ordre public ou à la sécurité nationale, ou de permettre des activités criminelles. En 2014, le gouvernement a promulgué une nouvelle loi antiterroriste et mis en place des règlements dont Human Rights Watch a déclaré qu’ils « criminaliseront pratiquement toute expression ou association jugée critique envers le gouvernement et son interprétation de l’Islam ». La loi habilitait la Cour pénale spécialisée, créée en 2008, à entendre des témoignages non contestés et en l’absence de l’accusé ou de l’avocat de celui-ci. La Commission générale des médias audiovisuels a annoncé en avril 2014 qu’elle surveillerait les contenus en ligne et notamment de YouTube afin de s’assurer que les contributeurs saoudiens, qui constituent l’un des publics les plus importants du site de partage vidéo en ligne, se conformeraient aux lignes directrices du gouvernement. Beaucoup de Saoudiens recourent à YouTube pour aborder des questions controversées, telles que la conduite des voitures par les femmes, et pour commenter des événements non couverts par les médias, tels que l’agression au couteau d’un Canadien dans un centre commercial à Dhahran en novembre 2014. L’Arabie saoudite a également utilisé son influence dans le Conseil de Coopération du Golf pour faire voter des restrictions qui empêcheront les médias dans les États membres de critiquer les dirigeants d’autres États membres.

Point sombre : Une série d’arrestations et de poursuites de personnes qui exprimaient des opinions indépendantes ont eu lieu en 2014. Parmi les personnes arrêtées, beaucoup ont été inculpées d’infractions liées à la presse après avoir couvert des manifestations. En octobre le gouvernement a invoqué une loi de 2007 sur la cybercriminalité pour accuser au moins sept Saoudiens d’infractions relatives à leur utilisation de Twitter prétendument pour critiquer les autorités et pour appeler à ce que les femmes soient autorisées à conduire.

Des manifestants appelant à plus de démocratie et de justice se rassemblent à Addis Abeba en mai 2014 après que les forces de sécurité ont tiré sur des étudiants. Les autorités éthiopiennes mènent une campagne de répression sur la presse en amont des élections de 2015. (Reuters/Tiksa Negeri)

4. Éthiopie

Leadership : Le Premier ministre Hailemariam Desalegn, au pouvoir depuis septembre 2012.

Comment la censure fonctionne : Lorsque l’Éthiopie se préparait à ses élections de mai 2015, l’État a mené une campagne de répression systématique contre les dernières publications indépendantes du pays en arrêtant des journalistes et en intimidant des entreprises d’impression et de distribution. Des poursuites contre des rédacteurs et l’obligation pour les maisons d’édition de cesser la production n’ont laissé qu’une poignée de publications indépendantes dans un pays de plus de 90 millions d’habitants. Dix journalistes et blogueurs indépendants ont été emprisonnés en 2014 ; les autorités ont intenté un procès en août contre six publications accusés d’« encourager le terrorisme », ce qui a forcé 16 journalistes à s’exiler. Il n’y plus de radiodiffuseurs indépendants, bien que des émissions de la station d’opposition, l’Ethiopia Satellite Television (ESAT), basée aux États-Unis, soient diffusées par intermittence dans le pays. La société de télécommunications Ethio Telecom, contrôlée par l’État, est le seul fournisseur de service Internet et suspend régulièrement des sites Web d’actualités jugés critiques envers le gouvernement. Il y a des journalistes internationaux qui travaillent en Éthiopie, mais beaucoup sont sous surveillance et confrontés au harcèlement. Bien que les journalistes n’aient pas eu de difficultés à obtenir leur accréditation par le passé, les nouveaux arrivés disent qu’ils rencontrent des obstacles.

Point sombre : En 2014 les autorités ont déclenché l’attaque la plus importante contre la presse depuis la répression dont elle a fait l’objet en 2005 à la suite d’élections parlementaires contestées. Dix journalistes et blogueurs indépendants ont été arrêtés pour infractions contre l’État et au moins huit publications indépendantes ont été fermées.

5. Azerbaïdjan

Leadership : Le Président Ilham Aliyev a accédé au pouvoir en octobre 2003, après avoir été nommé par son père comme son successeur.

Comment la censure fonctionne : La principale source information en Azerbaïdjan sont les radiodiffuseurs, qui sont détenus et contrôlés par l’État ses mandataires. Les radiodiffuseurs internationaux sont interdits ou leurs signaux satellite sont brouillés. Des organes de presse écrite critiques à l’égard du pouvoir ont été soumis au harcèlement par des fonctionnaires, y compris des poursuites en justice écrasantes, des expulsions, l’interdiction des financements étrangers, et des avertissements aux commerces contre la publicité. La communication en ligne est soumise à l’autocensure en vertu d’une loi pénale sur la diffamation qui est assortie d’une peine de six mois d’emprisonnement. Au moins 10 journalistes et blogueurs, y compris la reporter primée Khadija Ismayilova, se trouvent dans des prisons azerbaïdjanaises. Plusieurs journalistes critiques ont fui le pays en 2014, et ceux qui sont restés ont été confrontés à des attaques et au harcèlement, interdits de voyager, ou poursuivis sur la base d’accusations inventées de toutes pièces.

Point sombre : Emin Huseynov, directeur de l’Institut pour la liberté et la sécurité des reporters (IRFS), a été contraint à la clandestinité en août après que les autorités ont fouillé son bureau, confisqué tous les documents de l’IRFS et scellé les locaux. Plusieurs autres organisations non gouvernementales internationales qui soutenaient les médias locaux ont également été forcées de cesser leur travail en Azerbaïdjan après que les autorités les ont accusées d’évasion fiscale, ont fouillé leurs bureaux et gelé leurs comptes bancaires. Le personnel de ces organisations et leurs familles ont dû faire face au harcèlement de la part des fonctionnaires.

6. Vietnam

Leadership : Le Premier ministre Nguyen Tan Dung est au pouvoir depuis 2006.

Comment la censure fonctionne : Le gouvernement vietnamien, dirigé par le Parti Communiste, n’autorise aucun organe de presse privé ni radiodiffuseur privé. Au terme de la loi sur les médias de 1999 (article 1, chapitre 1), tous les médias opérant au Vietnam doivent servir de « porte-parole à des organisations du Parti ». Le Département de la propagande central tient des réunions hebdomadaires obligatoires avec les rédacteurs de la presse écrite, de la radio et de la télévision pour transmettre des directives concernant les sujets à mettre en valeur ou à censurer dans leur couverture de l’actualité. Les sujets interdits comprennent les activités des dissidents et militants politiques ; les divisions entre factions au sein du Parti Communiste ; les questions relatives aux droits de l’homme et toute référence aux différences ethniques entre les régions nord et sud de ce pays autrefois divisé en deux. Des blogueurs indépendants qui commentent des questions délicates ont subi des persécutions, notamment des attaques en pleine rue, des arrestations arbitraires, une surveillance et des peines d’emprisonnement sévères pour complot contre l’État. Comme geôlier de journalistes, le Vietnam figure haut sur la liste, avec au moins 16 journalistes derrière les barreaux. Les autorités bloquent couramment l’accès aux sites Web jugés critiques à l’égard du gouvernement, y compris des blogs populaires hébergés à l’étranger tels que Danlambao, qui couvre la politique, les questions des droits de l’homme et les disputes avec la Chine. En septembre 2013, une nouvelle loi a étendu la censure d’État aux plateformes de médias sociaux, ce qui rend illégal l’affichage de tout matériel, y compris des articles de presse étrangers, réputé « s’opposer à l’État » ou « nuire à la sécurité nationale ».

Point sombre : Les autorités utilisent de plus en plus souvent l’article 258, la loi relative aux activités contre l’État, qui criminalise vaguement « l’abus des libertés démocratiques », afin de menacer et de poursuivre les blogueurs indépendants. Au moins trois blogueurs ont été condamnés en vertu de cette loi, qui prévoit des peines d’emprisonnement de sept ans.

7. Iran

Leadership : L’Ayatollah Ali Khamenei est le Guide suprême depuis 1989. Hassan Rouhani est Président depuis août 2013.

Comment la censure fonctionne : Le gouvernement se sert de la détention de masse et arbitraire comme moyen de museler la dissension et de contraindre les journalistes à l’exil. L’Iran est devenu le premier geôlier de journalistes du monde en 2009 et compte chaque année parmi les premiers depuis lors. Les autorités iraniennes maintiennent l’un des régimes de censure d’Internet les plus durs au monde, en bloquant des millions de sites Web, y compris des sites d’actualités et de réseaux sociaux. Elles sont soupçonnées d’employer des techniques sophistiquées, telles que la mise en place de versions truquées de sites populaires et de moteurs de recherche, et le régime brouille fréquemment les signaux satellite. La situation de la presse ne s’est pas améliorée sous la présidence de Rouhani malgré les espoirs des États membres des Nations Unies et des groupes de défense des droits de l’homme. Rouhani a aussi manqué à sa promesse électorale de réintégrer l’Association des journalistes iraniens, avec ses 4 000 membres, qui avait été forcée de fermer en 2009.

Point sombre : Les autorités iraniennes contrôlent la couverture de certains sujets en resserrant le petit cercle de journalistes et d’organes de presse autorisés à en parler. En février, le Conseil suprême de sécurité nationale d’Iran a intenté un procès contre le journaliste conservateur Hossein Ghadyani et le journal pour lequel il travaille, Vatan-e Emrooz. Ce journal, qui soutient l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad, avait publié quatre articles critiquant les négociations nucléaires internationales de l’Iran et la corruption qui sous-tendrait les négociations du gouvernement avec une compagnie pétrolière.

8. Chine

Leadership : Le Président Xi Jinping, en exercice depuis mars 2013.

Comment la censure fonctionne : Pendant plus d’une décennie, la Chine compte parmi les trois premiers geôliers de journalistes du monde, distinction qu’elle n’est pas sur le point de perdre. Le Document 9, Livre blanc daté du 22 avril 2014, qui, à la suite d’une fuite, a été largement diffusé en ligne et dans la presse internationale, comprenait une directive visant à « lutter contre les sept périls politiques » et à rejeter le concept de « valeurs universelles » et la promotion de « la perception occidentale des médias ». Le Document 9 indique clairement que le rôle des médias est d’appuyer le régime unilatéral du Parti. Le document a réaffirmé la nécessité pour les censeurs technologiques et humains de la Chine d’être toujours plus vigilants en surveillant les 642 millions d’usagers d’Internet dans le pays – environ 22 pour cent de la population en ligne du globe. Vers la fin novembre 2014, Xu Xiao, rédactrice de poésie et de beaux-arts pour la revue d’affaires Caixin, basée à Pékin, a été soupçonnée de « mettre en danger la sécurité nationale » et placée en détention. Le Département de propagande central a averti les rédacteurs de ne pas écrire sur l’enquête sur Xu, ce qui laisse craindre que les tactiques employées pour étouffer toute dissension politique s’étendraient aux publications portant un regard critique sur les arts. Des journalistes internationaux essayant de travailler en Chine ont été confrontés à des obstacles, se voyant retarder ou refuser leur visa. Bien que certaines restrictions en matière de visas entre les États-Unis et la Chine aient été allégées, au cours d’une conférence de presse en novembre 2014 à Pékin avec le Président Barack Obama des États-Unis, Xi a soutenu que les journalistes internationaux confrontés à des restrictions en matière de visas n’avaient qu’à s’en prendre à eux-mêmes.

Point sombre : Gao Yu, l’une des 44 journalistes derrière les barreaux en Chine, a été détenue pour divulgation illégale de secrets d’État à l’étranger, quelques jours après que les détails du Document 9 ont paru dans Mirror Monthly, une revue politique en langue chinoise à New York. Gao, âgée de 70 ans, a fait des aveux sur le radiodiffuseur d’État CCTV, mais lors de son procès à huis clos, le 21 novembre 2014, elle a dit que ces aveux étaient faux et qu’elle ne les avait faits que pour éviter à son fils d’être menacé et harcelé, a précisé son avocat.

9. Birmanie

Leadership : Le Président Thein Sein, ancien général, est à la tête d’une administration quasi civile depuis 2011.

Comment la censure fonctionne : Malgré l’arrêt en 2012 de plus de quatre décennies de censure avant publication, les médias de la Birmanie restent étroitement contrôlés. La loi sur l’enregistrement des imprimeurs et des éditeurs, adoptée en mars 2014, interdit les actualités susceptibles d’être perçues comme insultantes envers la religion, perturbantes pour l’État de droit ou préjudiciable à l’unité ethnique. Les publications doivent être enregistrées conformément à la loi et celles jugées en contravention des vagues dispositions de la loi risquent la radiation du registre. Des lois relatives à la sécurité nationale, y compris la loi sur les secrets officiels de 1923 (de l’époque coloniale) sont invoquées pour menacer et emprisonner des journalistes qui font des reportages sur des questions militaires délicates. Par exemple, cinq journalistes travaillant pour l’hebdomadaire indépendante Unity ont été condamnés à 10 ans de prison avec travaux forcés, réduits à sept ans en appel, pour avoir parlé d’une installation militaire secrète prétendument impliquée dans la production d’armes chimiques. Les journalistes sont régulièrement interdits de rapporter sur l’aspect militaire des conflits avec les groupes ethniques. Aung Kyaw Naing, un journaliste indépendant local, a été tué par balle alors qu’il était détenu par les autorités militaires en octobre 2014 après avoir été arrêté par les troupes gouvernementales dans une zone agitée près de la frontière entre la Birmanie et la Thaïlande.

Point sombre : Trois journalistes et deux éditeurs du journal indépendant Bi Mon Te Nay ont été condamnés à deux ans de prison pour diffamation envers l’État. Leur crime : avoir publié une fausse déclaration faite par un groupe de militants politiques qui prétendait que le leader de l’opposition pour la démocratie Aung San Suu Kyi et des leaders de groupes ethniques avaient formé un gouvernement intérimaire pour remplacer l’administration de Thein Sein.

10. Cuba

Leadership : Raúl Castro, qui a succédé à son frère Fidel comme Président en 2008.

Comment la censure fonctionne : Malgré des améliorations significatives au cours des dernières quelques années – telles que l’élimination des visas de sortie qui ont pratiquement interdit les voyages à l’étranger pendant des décennies – Cuba continue à entretenir le climat le plus restrictif pour la liberté de la presse dans l’ensemble des Amériques. Les médias écrits et de radiodiffusion sont entièrement sous le contrôle de l’État communiste à parti unique, lequel détient le pouvoir depuis plus d’un demi-siècle et doit, conformément à la loi, être en accord avec les objectifs de la société socialiste ». Bien qu’Internet ait pu ouvrir un espace pour des reportages critiques à l’égard du gouvernement, les fournisseurs de service sont obligés de bloquer tout contenu inapproprié. Les journalistes et blogueurs indépendants qui travaillent en ligne passent par des sites Web hébergés à l’étranger et doivent se rendre à une ambassade ou à un hôtel étranger pour pouvoir télécharger du contenu et avoir accès à une connexion Internet non filtrée. Ces blogs et plateformes d’actualités critiques sont pour la plupart inaccessibles au Cubain moyen, qui n’a toujours pas pu tirer profit de la connexion haute vitesse financée par le Venezuela. La majorité des Cubains n’ont pas Internet chez eux. Le gouvernement continue à cibler les journalistes critiques au moyen du harcèlement, de la surveillance et de détentions de courte durée. Juliet Michelena Díaz, contributrice à un réseau de journalistes citoyens locaux, a été emprisonnée pendant sept mois pour activités contre l’État après avoir photographié un incident entre des résidents et la police à la Havane. Elle a été déclarée innocente par la suite et libérée. Les visas sont octroyés de manière sélective aux journalistes internationaux par des fonctionnaires.

Point sombre : Bien que le gouvernement ait, pour l’essentiel, mis fin aux détentions de longue durée pour les journalistes, l’auteur Ángel Santiesteban Prats, converti en blogueur critique, se trouve en prison depuis février 2013 pour « violence de domicile et agression ». L’écrivain et d’autres journalistes indépendants locaux soutiennent qu’il a été ciblé, en représailles, pour avoir évoqué le gouvernement sous un jour critique sur son blogue, Los Hijos que Nadie Quiso (Les enfants dont personne ne voulait).

Méthodologie: La liste des 10 pays exerçant la censure la plus forte est basée sur les recherches du CPJ, ainsi que sur l’expertise du personnel de l’organisation. Les pays sont mesurés à l’aide d’une série de repères de référence, y compris l’absence de médias privés ou indépendants, le blocage des sites Web, les limitations d’enregistrement et de diffusion électroniques, les exigences relatives aux licences/autorisations pour pratiquer le journalisme, les restrictions visant les déplacements des journalistes, la surveillance des journalistes par les autorités, le brouillage des émissions étrangères et le blocage des correspondants étrangers.

Aussi disponible en
Dossiers plus
Tags

Vous aimez cette article? Soutenez notre travail

PHOTO PRINCIPALE: Des journalistes au Myanmar se sont barré la bouche avec du scotch pour protester contre la situation précaire de la liberté de presse du pays, après la condamnation de quatre journalistes et du directeur général du journal Unity. (AP/Gemunu Amarasinghe)