Le 13 juillet 2009
S.E. Paul Biya
Président de la République du Cameroun
c / o Ambassade de la République du Cameroun aux Etats-Unis d’Amérique
2349 Massachusetts Ave. NW
Washington, D.C. 20008
Via fax: (202) 387-3826
Monsieur le Président Biya,
Nous sommes très préoccupés par les violations de la liberté de la presse qui persistent au Cameroun. Nous sommes particulièrement alarmés par les récentes menaces de mort contre un directeur de publication, les récentes poursuites judiciaires contre deux journalistes par un tribunal militaire de votre pays, ainsi que les emprisonnements de longues dates de deux autres rédacteurs sur la base d’accusations de diffamation. Nous vous demandons ainsi d’user de votre influence pour mettre fin à ces pratiques qui compromettent la libre circulation de l’information.
En effet, Jean Bosco Talla, directeur de publication de Germinal, un hebdomadaire privé de la capitale camerounaise, Yaoundé, a rapporté qu’il reçoit des menaces anonymes depuis le 27 juin dernier suite à la reproduction par son journal d’un rapport de l’ONG française Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) soulevant des interrogations sur votre fortune personnelle. Parmi les menaces figure un texto daté du 2 juillet courant faisant de sinistres références au journaliste burkinabé assassiné, Norbert Zongo, et au journaliste franco-canadien disparu, Guy-André Kieffer. Ces menaces ont cité la décision du journal de republier, le 24 juin dernier, le rapport du CCFD, selon des journalistes locaux. Le rapport comportait de nombreuses notes de bas de page relatives à un rapport d’enquête de Germinal d’août 2008, énumérant en détail vos biens.
En outre, un tribunal militaire de Yaoundé a condamné par défaut le 3 juin dernier deux journalistes à cinq ans de prison et à une amende de 500.000 francs CFA (environ 1000 dollars américains). Ce verdict est lié à une plainte déposée par l’ancien ministre camerounais de la Défense, Rémy Zé Meka, pour des articles critiquant sa gestion. Nous sommes particulièrement alarmés d’apprendre que les prévenus, Jacques Blaise Mvié et Charles René Nwé, respectivement directeur général adjoint et rédacteur en chef de l’hebdomadaire privé La Nouvelle, n’ont jamais été informés de leur inculpation. Mvié et Nwé n’ont pas par conséquent été présents à leur propre procès. Le CPJ a obtenu une copie du verdict, délivré par un jury dirigé par le colonel Legrand Mvondo Akoutou, qui a condamné les journalistes par contumace pour « complicité d’insulte » et de « violation du secret de défense nationale ». Les journalistes sont actuellement en liberté en attendant leur appel, selon l’avocat de la défense Paulain Marie Ndong.
Deux autres directeurs de publication de journaux, dont l’un serait actuellement malade, ont été emprisonnés depuis septembre 2008 sur la base d’accusations de diffamation.
En effet, le directeur de publication de l’hebdomadaire La Détente Libre, Lewis Medjo, détenu à la prison centrale de New Bell à Douala, a été examiné par un médecin de l’hôpital Laquintinie de la même ville, qui a diagnostiqué une grave otite, ont déclaré des journalistes locaux au CPJ. Medjo, qui purge une peine de trois ans de prison, est toujours en attente de l’appel de sa condamnation prononcée en janvier dernier et liée à un article sur un décret présidentiel qui a accordé une prolongation de mandat à de hauts magistrats, selon des recherches du CPJ. Il a également souffert de troubles cardiaques pendant sa détention, selon des journalistes locaux.
D’autre part, Michel Mombio, directeur de publication du bimensuel L’Ouest Républicain, reste détenu à la prison centrale de Nkondengui à Yaoundé en attente de son jugement pour des accusations de diffamation liées à un article critique à l’égard de la ministre camerounaise de Recherche scientifique, Madeleine Tchuinté.
Au regard de ces faits, nous vous demandons de veiller à ce que les autorités camerounaises enquêtent de façon approfondie et rapide sur les menaces au mobile politique contre Jean-Bosco Talla, de mettre un terme au harcèlement judiciaire contre Jacques Blaise Mvié et Charles René Nwé et de leur assurer une procédure judiciaire régulière, de fournir des soins médicaux adéquats à Lewis Medjo et d’assurer une procédure judiciaire opportune à Michel Mombio.
En outre, nous encourageons vivement votre gouvernement à revoir les lois sur la diffamation et l’insulte en abrogeant les sanctions pénales pour les délits de presse. Nous estimons que de telles sanctions induisent l’auto censure dans la presse. Les journalistes ne devraient pas se retrouver en prison pour des articles d’opinion et les citoyens se sentant diffamés devraient se tourner vers les tribunaux civils pour obtenir gain de cause.
Merci de l’attention particulière que vous prêtez à ces questions très importantes.
Joël Simon
Directeur exécutif