La censure du gouvernement guinéen met RFI dans une situation délicate

Par Mohamed Keita

Lundi dernier, l’agence guinéenne de régulation des médias contrôlée par l’État a imposé une interdiction « temporaire » de toute couverture médiatique de l’attentat du 19 juillet courant contre la résidence du président Alpha Condé, ce qui a muselé les émissions-débats sur cet événement au cours desquelles des questions critiques ont été soulevées sur les circonstances de l’incident. Dans de telles circonstances, les auditeurs guinéens se tournent vers les médias étrangers comme la chaîne de radio française, Radio France Internationale (RFI), la station écoutée en Afrique francophone. Avec des émissions comme « Appels Sur L’actualité », qui est une émission interactive quotidienne, RFI est considérée par des millions d’auditeurs africains comme une source essentielle d’information. 

L’émission « Appels Sur L’actualité » du mercredi 27 juillet dernier a commencé par une déclaration inquiétante de son animateur, Juan Gomez. « Nous avions prévu ce matin de débattre de l’attentat la semaine dernière contre la résidence du président guinéen mais, hier, le Conseil national de la Communication (CNC) de la Guinée a décidé de suspendre temporairement les émissions et articles de presse au sujet de la tentative d’assassinat du chef de l’Etat ainsi que les émissions interactives ». M. Gomez a ainsi dit aux auditeurs qu’ils débattraient d’un autre sujet.

Coincée entre les attentes des auditeurs et les conditions fixées par les gouvernements qui cèdent les fréquences dont elle a besoin,  RFI s’est retrouvée dans une situation délicate. « Nous ne nous soumettons pas à une mesure de censure; nous la regrettons et espérons qu’elle sera temporaire », a dit aujourd’hui au  CPJ  Geneviève Goetzinger, directrice déléguée de RFI.

RFI a souffert pour ses reportages indépendants sur les sujets d’actualité en Afrique. La station a vu ses reporters expulsés du Tchad, du Rwanda et du Sénégal, son correspondant local emprisonné au Niger, et un autre correspondant tué en Côte d’Ivoire. RFI a également été frappée d’interdiction de diffusion dans plusieurs pays, et plus récemment en République démocratique du Congo où le gouvernement du président Joseph Kabila s’est ouvertement plaint de la journaliste chevronnée Ghislaine Dupont, spécialiste RDC de RFI, qui avait été  expulsée  de ce pays en 2006. Cependant, la direction de RFI maintient catégoriquement que la station continuera de rendre compte de l’actualité sans ingérence. « Notre ligne éditoriale est fixée à Paris, en toute indépendance de toutes les gouvernements  du monde », a souligné Mme Goetzinger.