Des médias malgaches attaqués lors de la crise politique

New York, le 10 mars 2009Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) condamne la mise à sac samedi denier d’une station de radio et de télévision par les forces de sécurité de Madagascar, une  île de l’océan Indien. Cette attaque faisait partie des efforts continus du gouvernement malgache visant à censurer la couverture par les médias indépendants des troubles politiques dans ce pays, issus d’un bras de fer farouche entre le chef de l’opposition, Andry Rajoelina, et le président, Marc Ravalomanana.

En effet, plus de 50 militaires et policiers armés ont encerclé samedi dernier les studios de Viva, une chaîne de radio et télédiffusion sise à la capitale malgache, Antananarivo, et appartenant à M. Rajoelina, selon des journalistes locaux. Lalatiana Rakotondrazafy, une chroniqueuse politique de Viva Radio a déclaré au CPJ qu’elle venait de terminer une entrevue téléphonique avec M. Rajoelina quand l’attaque  s’est produite,  l’obligeant ainsi à s’enfuir. Quant à M. Rajoelina, il a déclaré qu’il s’est mis en cachette  car il craignait pour sa sécurité, selon des journalistes locaux et des médias.

Les forces de sécurité ont saisi l’émetteur ainsi que les ordinateurs de Viva et détruit son matériel, notamment des consoles de mixage, des micros, et des dossiers de journalistes. Les militaires ont également pris d’assaut les bureaux attenants d’Injet, une société appartenant à Rajoelina et spécialisée dans le marketing et la publicité, a dit Mme Rakotondrazafy.

Des photos de cette attaque, prises à temps réel sur un téléphone portable, ont été publiées par Sobika, un site Web d’information de la diaspora malgache basée en France.

Il convient de souligner que les tensions entre Rajoelina, l’ancien maire de la capitale, et le président Ravalomanana ont monté en puissance depuis décembre dernier après que le gouvernement a sommairement fermé Viva Radio. En représailles, des manifestants de l’opposition avaient incendié les studios de deux stations de radio et télévision progouvernementales en janvier dernier.

Une autre station, TV Plus, qui avait retransmis en direct les images des manifestations de l’opposition, a été presque prise d’assaut lundi après-midi par des partisans armés du président, selon des journalistes locaux. Onitiana Realy, la rédactrice en chef de TV Plus a dit au CPJ que la chaîne a été encerclée pendant que le personnel s’apprêtait à diffuser le journal du soir. Cependant, la police est arrivée à temps pour enrayer l’attaque,  a dit Mme Realy.

Radio Antsiva émet depuis lundi après-midi à partir d’un endroit tenu secret, selon sa directrice des programmes, Valérie Ranaiveson. En effet, cette station avait reçu le 3 mars dernier un mise en demeure du ministre malgache de la Communication, Bruno Andriantavison,  au sujet de programmes que le ministre a considéré comme « tendant à inciter à la désobéissance civile et à ébranler la confiance du public envers les institutions de la République ». Radio Antsiva a diffusé en continu des reportages en direct sur les récentes manifestations meurtrières à Madagascar. Les incidents ont poussé TV Plus et Radio Antsiva à déplacer leurs matériels ainsi que leurs opérations à des endroits jugés plus sûrs, selon des journalistes locaux.

« Le gouvernement malgache doit autoriser les stations de radio et de télévision telles que Viva, TV Plus et Radio Antsiva à faire leur travail sans aucune entrave durant cette crise politique qui secoue Madagascar », a déclaré le directeur de la section Afrique du CPJ, Tom Rhodes.  

Il convient de noter que Radio Antsiva a déclaré avoir reçu des plaintes de la part d’auditeurs qui ne pouvaient plus capter ses émissions, selon les médias. Par la suite, la station aurait eu du mal à diffuser ses programmes à cause de présumé brouillage de sa fréquence, selon Mme Ranaiveson, qui a souligné que la station en question a déposé une plainte lundi dernier auprès du ministère malgache de la communication.

«Nous appelons les autorités malgaches à cesser tout brouillage des signaux radio et à faire en sorte que le matériel confisqué à Viva Radio lui soit rendu immédiatement », a dit M. Rhodes.

Les journalistes de Viva Radio, qui avait brièvement repris l’antenne dimanche dernier en utilisant un émetteur de fortune , et ceux de TV Plus ont également dit au CPJ qu’ils seraient également victimes du brouillage continu de leurs émissions.