Le CPJ presse Préval à faire du cas Dominique une priorité

New York, 3 Avril 2006—Le Comité pour la Protection des Journalistes se souvient de Jean-Léopold Dominique, propriétaire et directeur de la station Radio Haïti-Inter et un des journalistes les plus renommés du pays, qui a été abattu aujourd’hui il y a six ans lors d’un assassinat toujours impuni.

Le CPJ demande au président désigné, René Préval, de faire de cet assassinat une priorité pour son administration dès qu’il soit entré dans ses fonctions le 14 mai.

« Le président désigné Préval fera face à des énormes problèmes en entrant dans ses fonctions, dont un des plus graves est un système judiciaire surchargé et dysfonctionnel, » a dit la Directrice Exécutive du CPJ Ann Cooper. « Le cas Dominique est emblématique de ses défauts. Le président désigné Préval serait sur le bon chemin vers la restauration de la foi dans le système judiciaire de son pays en investiguant en profondeur ce meurtre et en traduisant ses assassins devant la justice.»

Ce cas longtemps abandonné se caractérise par l’incompétence et le manque de volonté politique, selon la recherche du CPJ. Aucun progrès n’a été signalé depuis l’assignation du juge Pères Paul il y a un an, et pourtant des problèmes se sont manifestés depuis le début. Voilà quelques uns de ces problèmes :

  • < li>Les autorités n’ont avancé que lentement quand Claudy Gassant, le premier juge d’instruction, était à la tête de l’enquête lors de la première période de M. Préval.
  • Gassant a quitté Haïti vers les Etats-Unis en Janvier 2002, après l’élection de Jean-Bertrand Aristide à la présidence. Selon Gassant, il a été menacé et a reçu une protection inadéquate. Gassant a interrogé le sénateur Danny Toussaint, un membre du parti d’Aristide Famni Lavalas, en relation au meurtre. Toussaint aurait été indigné par un éditorial avec des critiques tranchantes contre lui, diffusé en Radio Haïti-Inter en Octobre 1999.
  • En 2003, le juge Bernard Saint-Vil, qui a remplacé Gassant, a adressé un prononcé de 33 pages au procureur qui accusait de meurtre les membres suivants d’une bande, Dymsley Millien, Jeudi-Jean Daniel, Philippe Markington, Ralph Léger, Ralph Joseph et Freud Junior Desmarattes. La femme de Dominique, Michèle Montas, a attaqué ce jugement, plaidant que l’enquête sur le meurtre de son mari était incomplète et que le jugement « ne refermait pas l’accusation à l’auteur intellectuel du meurtre. »
  • En août 2003, les accusations contre Desmarattes, Léher et Joseph ont été abandonnées après un appel des mises aux arrêts. Les trois autres suspects ont échappé de la Prison de Port-au-Prince—Markington en janvier 2004, et Daniel et Millien en mars 2005. Le trois hommes sont toujours libres.

Deux inconnus armés ont tiré sur Dominique sept fois le 3 avril, 2000, devant l’entrée de sa station de Port-au-Prince. Après, les bandits ont tiré deux fois sur le garde de sécurité de la station, Jean Claude Louissant, avant de s’enfuir dans une Jeep Cherokee. La femme de Dominique, Michèle Montas, est arrivée à la station quelques minutes plus tard dans une autre voiture. Les deux victimes sont décédées à l’Hôpital communal d’Haïti à Pétionville.

Radio Haïti-Inter a interrompu ses diffusions indéfiniment en février 2003 à cause des menaces et de l’harcèlement continuels. La fermeture est survenue peu après un attentat contre Montas qui a pris la vie de son garde du corps en Noël 2002. Elle a quitté Haïti et habite maintenant aux Etats-Unis.

Plusieurs autres journalistes de Radio Haïti-Inter sont partis en exile après avoir été menacés, dont Jean Roland Chery, Immacula Placide, Guerlande Eloi, Pierre Emmanuel et Gigi Dominique.