Le journaliste guatémaltèque José Rubén Zamora Marroquín, fondateur et président du journal elPeriódico, a été arrêté pour blanchiment d’argent et chantage, des accusations largement considérées comme des représailles à la couverture par son journal de la corruption présumée impliquant le président et le procureur général du Guatemala. (Reuters/Luis Echeverria)

Le nombre de journalistes emprisonnés atteint un nouveau record mondial

Le nombre de journalistes emprisonnés dans le monde a atteint un nouveau record en 2022. Au cours d’une année marquée par les conflits et la répression, les dirigeants autoritaires ont redoublé d’efforts pour criminaliser les reportages indépendants, recourant à une cruauté croissante pour étouffer les voix dissidentes et nuire à la liberté de la presse 

Publié le 14 décembre 2022

Par Arlene Getz/Directrice de la rédaction du CPJ 


LES PAYS QUI EMPRISONNENT LE PLUS | RÉPRESSION RÉGIONALE | MÉTHODOLOGIE DU RECENSEMENT


2002 a été une autre année record pour le nombre de journalistes emprisonnés pour avoir exercé leur métier. Selon le recensement annuel des journalistes emprisonnés effectué par Comité pour la protection des journalistes, 363 reporters étaient privés de liberté au 1er décembre 2022 – un nouveau record mondial qui dépasse de 20 % le record de l’année dernière et marque une autre étape sombre dans un paysage médiatique en pleine détérioration.

Les cinq pays ayant emprisonné le plus de journalistes cette année sont respectivement l’Iran, la Chine, le Myanmar, la Turquie et la Biélorussie. Principal moteur des efforts de plus en plus oppressifs déployés par les gouvernements autoritaires pour étouffer les médias : tenter de contenir le mécontentement qui gronde dans un monde ébranlé par la COVID-19 et les retombées économiques de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. 

En Iran, des dizaines de journalistes comptent parmi les quelque 14 000 Iraniens arrêtés lors de la répression des manifestations déclenchées par la mort en garde à vue de Mahsa Amini, une femme kurde de 22 ans arrêtée pour avoir prétendument enfreint la loi iranienne sur le hijab. Depuis septembre, les manifestations se sont étendues à tout le pays, les revendications des manifestants portant sur les droits des femmes ayant été élargies à des appels à la grève et au renversement des dirigeants iraniens. Les autorités ont emprisonné un nombre record de femmes journalistes – 22 sur les 49 personnes arrêtées depuis le début des manifestations sont des femmes – reflétant ainsi le rôle de premier plan qu’elles jouent dans la couverture de ce soulèvement de femmes.

La répression des manifestations nationales en Iran en a fait le pays qui emprisonne le plus de journalistes au monde en 2022. Bon nombre d’entre eux sont détenus à la prison d’Evin à Téhéran. (Majid Asgaripour/WANA (West Asia News Agency) via Reuters)

En Chine, les autorités ont renforcé la censure en ligne lors des récentes manifestations contre les politiques de confinement zéro COVID du gouvernement et plusieurs journalistes auraient été brièvement détenus alors qu’ils couvraient les manifestations. 

Les données du CPJ ont également mis en évidence un autre thème : la répression constante des minorités.

En Iran, les Kurdes ont fait les frais des représailles du gouvernement contre les manifestations, et au moins neuf journalistes kurdes figurent parmi les personnes emprisonnées. En Turquie, les autorités ont arrêté 25 journalistes kurdes travaillant soit pour l’agence de presse Mezopotamya, soit pour le média féminin JINNEWS, ou pour des sociétés produisant des contenus utilisés par des médias kurdes en Europe. En Irak, les trois journalistes recensés cette année sont emprisonnés au Kurdistan irakien, tandis qu’en Chine, de nombreux journalistes emprisonnés sont des Ouïghours originaires de Xinjiang, Pékin ayant été accusé de crimes contre l’humanité suite à ses détentions massives et à sa répression sévère des groupes ethniques majoritairement musulmans de la région.

L’emprisonnement de journalistes n’est qu’un outil parmi tant d’autres utilisés par les dirigeants autoritaires pour tenter d’étouffer la liberté de la presse. Partout dans le monde, les gouvernements perfectionnent également des tactiques telles que les lois sur les « fausses nouvelles », utilisent la diffamation criminelle et des lois formulées en termes vagues pour criminaliser le journalisme, ignorent l’état de droit, abusent du système judiciaire, et exploitent la technologie pour espionner les journalistes et leurs familles.

Dans des pays comme la Russie, le Nicaragua et l’Afghanistan, les médias indépendants ont été décimés alors que les journalistes choisissent de s’exiler ou de s’auto-censurer en raison des intimidations qu’ils subissent. Et bien que les stratégies répressives diffèrent d’un pays à l’autre, les cas documentés dans le recensement du CPJ ont comme points communs la cruauté et la vengeance.

Certains pays, comme la Chine et l’Arabie saoudite, sont connus pour maintenir des journalistes en détention même après la fin de leur peine. D’autres se livrent à des actes de cruauté gratuits. Au Vietnam, par exemple, la journaliste Pham Doan Trang, qui purge actuellement une peine de neuf ans pour diffusion de propagande contre l’État, a été transférée de Hanoï dans une prison isolée située à plus de 1 400 km de sa famille – une tactique courante utilisée pour empêcher les visites régulières dans les prisons.

En Biélorussie, la correspondante de Belsat TV, Katsiaryna Andreyeva, l’une des dizaines de journalistes détenus pour avoir documenté les manifestations nationales contre le président Alexandre Loukachenko, était sur le point d’achever une peine de deux ans de prison lorsqu’un tribunal l’a condamnée à huit ans supplémentaires pour « divulgation de secrets d’État ». 

En Turquie, où la Cour constitutionnelle a ordonné un nouveau procès pour Hatice Duman – après avoir purgé 20 ans de sa peine à perpétuité – la journaliste a déclaré à un tribunal d’Istanbul ce mois-ci que les autorités pénitentiaires avaient confisqué ses documents et notes juridiques plusieurs semaines avant le procès, violant ainsi le droit dont elle dispose de préparer sa défense. (Plus tôt, Duman a déclaré au CPJ dans une interview que ses effets personnels comme son bureau, ses livres, son journal et même des feuilles de papier vierges avaient également été saisis lors de descentes dans le quartier pénitentiaire.) 

Autres points clés à retenir :

LES PAYS QUI EMPRISONNENT LE PLUS

1 : L’IRAN

La répression par l’Iran des manifestations de masse après la mort d’Amini a conduit à l’emprisonnement d’au moins 62 journalistes au 1er décembre. Ce nombre aurait été encore plus élevé si 21 autres journalistes détenus après le début des manifestations n’avaient pas été libérés sous caution avant la date du recensement.

Le nombre de femmes parmi les détenus est sans précédent. Lorsque l’Iran a emprisonné un nombre record de journalistes dans les années ayant suivi l’élection présidentielle contestée de 2009, culminant à 47 journalistes en 2012, seulement quatre d’entre eux étaient des femmes.

En revanche, 24 femmes figurent dans le recensement de cette année ; 22 d’entre elles ont été arrêtées après le début des manifestations.  

Au cours des arrestations de cette année, des sources ont informé le CPJ d’une série de pratiques consistant à effectuer des descentes au domicile des journalistes avant l’aube, au cours desquelles la police saisit leurs appareils et frappent parfois les personnes placées en détention. Souvent, leur couverture disparaît aussi. Bon nombre de leurs comptes de réseaux sociaux – qui représentent une plateforme de publication essentielle dans un pays où la plupart des médias sont contrôlés par l’État – ont disparu, soit fermés par le gouvernement, soit supprimés de manière préventive par les journalistes craignant des représailles suite à leurs reportages.

Les 62 journalistes emprisonnés représentent le nombre le plus élevé documenté par le CPJ pour l’Iran au cours des 30 années de recensement, dépassant largement le précédent record d’emprisonnement établi au lendemain des élections contestées de 2009.

Le promteur des médias pro-démocratie de Hong Kong, Jimmy Lai, emprisonné depuis 2020, risque la prison à vie en vertu de la loi sur la sécurité nationale de la ville.  (Photo AP/Kin Cheung)
2 : LA CHINE

La censure stricte des médias par la Chine et la crainte de s’exprimer dans un pays qui exerce une surveillance aussi étendue de sa population rendent particulièrement difficile la recherche du nombre exact de journalistes parmi sa population carcérale. Dans ce contexte, la légère baisse du nombre connu de journalistes emprisonnés dans le pays – d’un total révisé de 48  en 2021 à 43 en 2022 – ne doit pas être interprétée comme un assouplissement de l’intolérance du pays à l’égard des reportages indépendants.

Les journalistes ouïghours continuent de représenter une part importante des journalistes purgeant des peines sévères sur la base d’accusations nébuleuses. Omerjan Hasan, par exemple, purge actuellement une peine de 15 ans pour avoir publié une histoire non officielle de la région du Xinjiang. Ilham Weli, Juret Haji, Mentimin Obul, et Mirkamil Ablimit sont détenus depuis 2018 pour duplicité – un terme fréquemment utilisé par les autorités chinoises pour décrire ceux qui, selon elles, soutiennent ouvertement la politique gouvernementale, mais s’y opposeraient secrètement. Le rédacteur en chef Memetjan Abliz Boriyar, également détenu depuis 2018, est accusé d’avoir approuvé la publication de livres qui n’ont été interdits que plus tard par les autorités chinoises. Autre tendance inquiétante : un groupe d’étudiants qui travaillaient pour Ilham Tohti, le fondateur du site d’information du Xinjiang Uighurbiz emprisonné à vie, font partie de ceux qui auraient purgé leur peine – puis qui auraient été transférés dans de prétendus « camps de rééducation » au lieu d’être libérés.

À Hong Kong, les médias indépendants ont été réduits au silence suite au ciblage punitif exercé par Pékin de personnes comme le promoteur des médias pro-démocratie Jimmy Lai. Le traitement de Lai, incarcéré depuis décembre 2020, est considéré comme emblématique du mépris croissant des autorités à l’égard de l’application régulière de la loi et de l’accord « un pays, deux systèmes » garantissant l’indépendance judiciaire de Hong Kong vis-à-vis de la Chine. Lai, qui possède la citoyenneté britannique, est toujours détenu dans une prison à haute sécurité, même après avoir purgé une peine de 20 mois pour divers chefs d’accusation. Le 10 décembre, alors qu’il attendait l’ouverture d’un autre procès pouvant déboucher sur une condamnation à perpétuité en vertu d’une loi draconienne sur la sécurité nationale, il a été condamné à une peine de cinq ans et neuf mois pour fraude – alors même que la préparation de son procès sur la sécurité nationale a été entravée par le rejet, par les autorités de Hong Kong, de la décision rendue en novembre par la plus haute cour de la ville stipulant qu’il pouvait être représenté par un avocat britannique.

Des policiers et des avocats attendent devant un tribunal de Yangon l’ouverture d’une audience prévue le 12 mars 2021 d’un groupe de journalistes détenus lors de manifestations contre le coup d’État militaire au Myanmar. Reuters/Stringer
3 : LE MYANMAR

Le Myanmar a été catapulté dans le classement du recensement du CPJ au deuxième rang mondial des pays ayant emprisonné le plus de journalistes en 2021, lorsqu’en février, un coup d’État militaire a renversé le gouvernement élu du pays et réprimé la couverture médiatique du nouveau régime. Selon le groupe de défense des droits de l’homme Assistance Association for Political Prisoners, ces représailles ont fait plus de 2 500 morts et entrainé l’arrestation de plus de 16 000 personnes pour des motifs politiques dans tout le pays.

Le nombre de journalistes birmans emprisonnés au 1er décembre est passé à au moins 42 – contre 30 l’année dernière – alors que le régime a redoublé d’efforts pour réduire les journalistes au silence et perturber les rares médias indépendants restants du pays. De nombreux organes de presse sont réticents à identifier leurs journalistes et pigistes détenus pour éviter les peines plus sévères souvent infligées aux journalistes.

Près de la moitié des journalistes détenus ont été condamnés en 2022, la plupart en vertu d’une disposition relative aux activités hostiles à l’Etat qui pénalise de manière générale « l’incitation » et les « fausses nouvelles ». Dans une autre affaire, en novembre, le journaliste Myo San Soe a été condamné à 15 ans d’emprisonnement pour terrorisme après avoir contacté des membres des Forces de défense du peuple, un ensemble de groupes d’insurgés qui combattent le régime.

Capture d’écran d’une vidéo de l’agence Mezopotamya montrant un journaliste placé en détention le 25 octobre 2022 (YouTube/Agence Mezopotamya)
4 : LA TURQUIE

Le nombre de journalistes détenus en Turquie est passé de 18 en 2021 à 40 en 2022 après l’arrestation de 25 journalistes kurdes au cours de la seconde moitié de l’année. Les avocats des journalistes ont déclaré au CPJ que tous étaient emprisonnés pour suspicion de terrorisme – résultat des efforts continus déployés par le pays pour réduire au silence ceux qu’il associe au Parti illégal des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Et même si la hausse enregistrée cette année s’est traduite par un moins grand nombre de journalistes emprisonnés qu’à la suite d’une tentative de coup d’État manquée en 2016, les  médias indépendants turcs restent décimés par les fermetures et les prises de contrôle orchestrées par le gouvernement, et les dizaines de journalistes qui sont contraints de s’exiler ou d’abandonner la profession.

Beaucoup craignent maintenant que les toutes dernières arrestations ne soient le signe d’une nouvelle attaque contre la liberté de la presse à l’approche des élections de l’année prochaine, compte tenu notamment de la ratification par le parlement turc en octobre d’une loi controversée sur les médias imposant des peines de prison à ceux considérés comme pratiquant la désinformation.

La journaliste biélorusse Katsiaryna Andreyeva, aperçue ici dans le box des accusés d’une salle d’audience de Minsk le 18 février 2021, était sur le point d’achever une peine de prison de deux ans lorsqu’un tribunal l’a condamnée à huit ans de plus pour avoir révélé des secrets d’État.’ (Photo AP)  
5 : LA BIÉLORUSSIE

La Biélorussie comptait 26 journalistes emprisonnés au 1er décembre, contre 19 l’année dernière. Près de la moitié n’ont pas encore été condamnés ; deux purgent des peines égales ou supérieures à 10 ans. Tous les chefs d’accusation connus concernent soit des représailles, soit des activités hostiles à l’État, comme la trahison.

Les arrestations se sont déroulées dans le contexte de vengeance dont est animée Loukachenko à l’égard de ceux qui assurent la couverture médiatique des suites de son élection contestée de 2020. Parmi les journalistes toujours détenus figure Raman Pratasevich, le journaliste dont l’arrestation a provoqué un tollé mondial lorsque les autorités biélorusses ont détourné un vol commercial à destination de la Lituanie vers Minsk, la capitale biélorusse, pour le placer en détention.


RÉPRESSION RÉGIONALE

ASIE

La répression des médias en Chine, au Myanmar et au Vietnam fait de l’Asie le continent enregistrant le plus grand nombre de journalistes emprisonnés – soit 119 au total.

Le Vietnam, qui compte 21 détenus, n’affiche que peu de tolérance à l’égard du journalisme indépendant, imposant des peines sévères pour les personnes reconnues coupables de crimes contre l’État. En octobre, il a condamné Le Manh Ha à huit ans de prison, suivis de cinq ans  d’assignation à résidence. En août, il a condamné le blogueur Le Anh Hung à cinq ans pour                 « abus de libertés démocratiques portant atteinte aux intérêts de l’État, des organisations et des individus ». 

Parmi les autres détenus figure Pham Doan Trang, lauréate du Prix international de la liberté de la presse du CPJ en 2022. Trang purge une peine de neuf ans de prison en vertu d’une loi qui interdit d’écrire ou de diffuser des informations contre l’État. 

L’Inde, avec sept journalistes emprisonnés, continue de s’attirer les critiques pour la façon dont elle traite les médias, notamment son recours à la Loi sur la sécurité publique du Jammu-et-Cachemire, une loi sur la détention préventive, pour maintenir les journalistes cachemiriens Aasif Sultan, Fahad Shah et Sajad Gul derrière les barreaux alors qu’ils ont été libérés sous caution par le tribunal dans des affaires distinctes.

L’Afghanistan, avec trois journalistes emprisonnés, figure dans le recensement du CPJ pour la première fois en 12 ans. Des centaines de journalistes afghans ont fui le pays après que les talibans ont repris le contrôle en août 2021 ; ceux qui sont restés sont confrontés à des pressions parfois violentes pour qu’ils se conforment à leur idéologie fondamentaliste.

AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Le nombre de prisonniers dresse un portrait trompeur de la liberté de la presse en Afrique subsaharienne. L’Érythrée reste le pays où l’on emprisonne le plus de journalistes dans la région, se classant au neuvième rang mondial. Les 16 journalistes présents dans ses cellules sont détenus sans procès ni accès à leur famille ou à leurs avocats pendant des périodes allant de 17 à 22 ans.  

Le Cameroun figure dans le recensement des journalistes emprisonnés tous les ans depuis 2014. C’est le deuxième pays qui emprisonne le plus de journalistes dans la région, avec cinq détenus de manière arbitraire dans le cadre d’un système judiciaire opaque qui prévoit le recours à des tribunaux militaires pour poursuivre les journalistes, qui sont des civils au regard du droit international.

L’Éthiopie, qui occupait l’année dernière le deuxième rang des pays emprisonnant le plus de journalistes dans la région, derrière l’Érythrée, ne comptait qu’un seul journaliste en prison lors du recensement de cette année. (Ce journaliste, Natnael Gecho, a été libéré sous caution après la date du recensement du 1er décembre.) Cependant, les autorités ont détenu de manière intermittente plus de 60 journalistes – la plupart pendant de longues périodes sans chefs d’inculpation formels – depuis le début de la guerre civile en Éthiopie en novembre 2020. Les combats sur le terrain s’accompagnent de mésinformation, de désinformation, et d’une guerre des discours sur les réseaux sociaux. Au moins cinq journalistes sont détenus dans la ville de Mekele, contrôlée par les rebelles du Tigré. Bien qu’ils ne figurent pas dans le recensement du CPJ du fait que les personnes qui les détiennent sont des acteurs non étatiques, ils sont néanmoins révélateurs des conditions dangereuses auxquelles sont confrontés les journalistes qui tentent de couvrir le conflit.

Au Rwanda, trois des quatre journalistes emprisonnés diffusent leur travail sur YouTube – l’une des rares plateformes de diffusion restantes dans le pays alors que l’espace dédié aux discours dissidents disparait dans les médias traditionnels. Au moins deux de ces Youtubeurs derrière les barreaux, Aimable Karasira et Dieudonne Niyonsenga (également connu sous le nom de Hassan Cyuma), auraient été victimes d’actes de torture et de mauvais traitements. 

AMÉRIQUE LATINE

Le nombre relativement faible de journalistes emprisonnés – deux au Nicaragua, un à Cuba et un au Guatemala – va à l’encontre du déclin continu de la liberté de la presse dans la région. L’année 2022 a été particulièrement meurtrière pour les journalistes au Mexique et en Haïti, et plusieurs pays ont adopté une législation qui a introduit de nouvelles options permettant de criminaliser la parole et les reportages. 

Au Guatemala, l’arrestation retentissante de José Rubén Zamora envoie un message glaçant aux journalistes, notamment aux journalistes d’investigation et indépendants, à l’approche des élections de l’année prochaine et dans un contexte de répression continue contre les procureurs, les juges et les journalistes qui ont, par le passé, exposé au grand jour des affaires de corruption. Zamora, fondateur et président d’elPeriódico, est accusé de blanchiment d’argent, de chantage et de trafic d’influence – des accusations considérées comme des représailles aux reportages d’elPeriódico sur la corruption présumée impliquant le président Alejandro Giammattei et le procureur général Consuelo Porras. ElPeriódico a cessé la publication de son édition papier le 1er   décembre, affirmant qu’il avait été forcé de le faire après « 120 jours de pressions politiques et économiques ». 

Au Nicaragua, les attaques, les arrestations et les menaces d’emprisonnement ont contraint presque tous les journalistes indépendants du pays à l’exil ou à quitter leur emploi. Une situation similaire existe à Cuba.

MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD

L’Égypte et l’Arabie saoudite restent parmi les 10 pays qui emprisonnent le plus de journalistes au monde, avec respectivement 21 et 11 prisonniers.

En Égypte, pays sous pression des États-Unis et du Parlement européen en raison de son bilan en matière de droits humains, certains journalistes ont figuré parmi les nombreux prisonniers libérés au cours de l’année, même si d’autres restent en prison. Parmi eux, le rédacteur en chef Ahmed Fayez pour avoir déclaré sur Facebook que les autorités pénitentiaires nourrissaient de force le journaliste Alaa Abdelfattah pour le maintenir en vie pendant sa grève de la faim prolongée.

Malgré une légère baisse par rapport à l’année dernière, où l’Égypte comptait 25 journalistes prisonniers et l’Arabie saoudite 14, les médias restent sous pression et dans le cas de l’Arabie saoudite, se heurtent toujours à l’effet intimidant et glaçant du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi.

Au Qatar, bien qu’aucun journaliste n’ait été emprisonné en raison de son travail au moment du recensement du CPJ, la couverture médiatique de la Coupe du monde organisée cette année a mis en évidence la censure du pays et ses lois strictes sur les médias

EUROPE ET ASIE CENTRALE

Les nouvelles lois restrictives de la Russie visant à contrôler le discours sur la guerre qu’elle mène contre l’Ukraine, notamment l’interdiction d’appeler le conflit une guerre, ont décimé les médias indépendants qui exercent encore dans le pays. Des dizaines de journalistes russes ont évité l’incarcération en s’exilant. Sur les 19 détenus en Russie, plusieurs risquent des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans pour diffusion de « fausses nouvelles ».

“Le Tadjikistan a détenu six journalistes, ce qui en fait le principal geôlier d’Asie centrale. Les prisonniers, dont les arrestations faisaient suite à une répression brutale du gouvernement dans la région de Gorno-Badakhshan, ont été jugés secrètement à huis clos dans des centres de détention, et non dans des tribunaux, et condamnés à de longues peines de prison sur fond d’allégations de torture.”

La Géorgie, pays connu jusqu’à récemment pour ses pratiques démocratiques, figure pour la première fois sur la liste du recensement du CPJ suite à l’incarcération de la journaliste de télévision Nika Gvaramia qui a commencé à purger une peine de prison de trois ans et demi en mai 2022.

Arlene Getz est directrice de la rédaction du Comité pour la protection des journalistes. Désormais basée à New York, elle a effectué des reportages en Afrique, en Europe, en Asie et au Moyen-Orient en tant que correspondante étrangère, rédactrice en chef et directrice de la rédaction pour Newsweek. Avant de rejoindre le CPJ, elle a passé neuf ans chez Reuters, où elle était rédactrice en chef responsable de la section Commentaires mondiaux du service.

MÉTHODOLOGIE DU RECENSEMENT

Le recensement carcéral comptabilise uniquement les journalistes détenus par les gouvernements et non pas ceux qui ont disparu ou qui sont détenus par des acteurs non-étatiques. Ceux-ci sont classés dans les catégories « disparus » ou « enlevés ». 

Le CPJ définit les journalistes comme des personnes qui couvrent l’actualité ou commentent les affaires publiques dans les médias, y compris la presse écrite, la photographie, la radio, la télévision et en ligne. Dans son recensement carcéral annuel, le CPJ comptabilise uniquement les journalistes dont il a pu établir qu’ils ont été emprisonnés à cause de leur travail.

La liste du CPJ donne un aperçu instantané des personnes incarcérées au 1er décembre 2022 à 00h01. Elle ne répertorie pas les nombreux journalistes emprisonnés et libérés au cours de l’année ; des informations concernant ces affaires sont disponibles sur le site http://cpj.org. Les journalistes restent sur la liste du CPJ jusqu’à ce que l’organisation détermine avec suffisamment de certitude qu’ils ont été libérés ou qu’ils sont morts en détention.

Reportages pour le recensement réalisés par Beh Lih Yi, Anna Brakha, Shawn Crispin, Doja Daoud, Sonali Dhawan, Assane Diagne, Jan-Albert Hootsen, Iris Hsu, Kunal Majumder, Sherif Mansour, Scott Mayemba, Attila Mong, Muthoki Mumo, Renata Neder, Özgür Ögret, Evelyn Okakwu, Angela Quintal, Waliullah Rahmani, Yeganeh Rezaian, Justin Shilad, Jonathan Rozen, Gulnoza Said, Natalie Southwick et Dánae Vílchez 

Edités par Arlene Getz, Jennifer Dunham, Naomi Zeveloff, Erik Crouch, Sarah Spicer, Madeline Earp, Suzannah Gonzales et Tom Barkley