Kampala, Ouganda, 17 juin 2024 – Les autorités burundaises doivent cesser d’intimider le Groupe de presse indépendant Iwacu et enquêter rapidement sur les récentes agressions policières dont ont été victimes deux de ses journalistes, a déclaré lundi le Comité pour la protection des journalistes.
Iwacu a reçu une lettre le 6 juin du régulateur des médias burundais, connu sous l’acronyme français CNC, accusant l’organe de presse de manquements professionnels dans ses récents reportages politiques, notamment un déséquilibre et l’absence de vérification de la crédibilité des sources, selon un article publié par l’organe de presse et une copie de la lettre consultée par le CPJ.
La mise en garde est intervenue un jour après que deux policiers ont tenté d’arrêter Pascal Ntakirutimana, un journaliste chargé des reportages politiques d’Iwacu, dans la capitale économique, Bujumbura, selon les médias et un article de l’organe de presse.
Dans un article d’opinion publié après l’incident, le fondateur d’Iwacu, Antoine Kaburahe, a déclaré que l’incident n’avait pas emprunté les « voies légales » et l’a comparé à un « enlèvement nocturne » utilisant des « méthodes de gangsters ».
Le 22 mai, un agent de police supérieur a agressé le reporter d’Iwacu, Jean-Noël Manirakiza, dans un restaurant de la capitale politique du pays, Gitenga, selon les médias, et notamment Iwacu, et un communiqué envoyé au CPJ par l’organe de presse.
« Iwacu est un bastion du journalisme burundais, et cette série d’incidents alarmants soulève des inquiétudes pour la sécurité actuelle de ses journalistes », a déclaré Muthoki Mumo, coordinateur du programme Afrique du CPJ, à Nairobi. « Les autorités doivent enquêter de manière crédible sur les informations selon lesquelles des policiers auraient agressé physiquement les journalistes Pascal Ntakirutimana et Jean-Noël Manirakiza, et le régulateur des médias doit cesser d’intimider l’organe de presse. »
La lettre du CNC a cité trois articles illustrant les manquements professionnels présumés d’Iwacu :
- Un article du 24 mai dans lequel Ntakirutimana a interviewé un politologue qui a accusé le parti au pouvoir au Burundi, le CNDD-FDD, de saper la démocratie et de diriger, de facto, un État à parti unique.
- Un article d’opinion du 21 mai sur les mauvaises performances économiques du pays.
- Un article d’opinion du 12 mai dans lequel le fondateur d’Iwacu, Kaburahe, critique les responsables qui utilisent la religion pour faire des « promesses mystiques » de lendemains meilleurs aux Burundais qui souffrent, plutôt que de pratiquer « l’exercice terrestre » de la gouvernance.
« Comme toujours, le CNC n’a fourni aucune autre information sur la manière dont les articles d’Iwacu auraient enfreint la loi et les règlements. Il n’a pas non plus précisé quelles mesures il a l’intention de prendre contre Iwacu », a déclaré l’organe de presse dans un communiqué envoyé par courriel au CPJ. « Mais nous considérons cette mise en garde comme un carton jaune (dans le football), le deuxième carton conduirait à une suspension. »
Le 5 juin, vers 19 heures, Ntakirutimana sortait d’un taxi près de chez lui lorsqu’une camionnette blanche s’est approchée, et deux policiers en uniforme sont sortis et ont tenté d’attraper le journaliste et de le mettre dans la camionnette. Ntakirutimana s’est enfui mais a perdu son téléphone dans l’échauffourée, et les policiers sont repartis.
Le 22 mai, un policier a menacé Manirakiza en lui disant : « Nous te suivons de près et nous savons tout ce que tu écris » avant de l’agresser physiquement, notamment en le giflant.
L’agent de police supérieur a ordonné aux autres policiers qui étaient avec lui de confisquer le sac de Manirakiza, qui contenait un ordinateur portable, un appareil photo, un enregistreur, une carte de presse, une batterie externe, des cahiers et des stylos. Le sac a été restitué un jour plus tard, à la suite de l’intervention du CNC, selon un article d’Iwacu.
Le CNC et sa présidente Vestine Nahimana, le porte-parole du ministère de la Sécurité Pierre Nkurikiye et le porte-parole de la police Désiré Nduwimana n’ont pas répondu aux questions du CPJ envoyées par une application de messagerie et par courrier électronique, sollicitant des commentaires sur les attaques dont ont été victimes les deux journalistes et la lettre de mise en garde à Iwacu.