Miami, le 1er juillet 2021 — Les autorités haïtiennes doivent mener une enquête rapide et complète sur le meurtre du journaliste Diego Charles, déterminer s’il était visé pour ses reportages et veiller à ce que les responsables soient traduits en justice, a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes.
Vers 23 heures, le 29 juin, des hommes non identifiés circulant à moto ont abattu Diego Charles à l’entrée de son domicile dans le quartier de Christ-Roi, à Port-au-Prince, la capitale, puis ont pris la fuite, selon des articles de presse et Jacques Desrosiers, secrétaire général de l’Association des journalistes haïtiens, un groupe professionnel local, qui s’est entretenu avec le CPJ via une application de messagerie.
Les agresseurs ont également abattu la militante politique Marie Antoinette Duclair, qui se trouvait dans une voiture à proximité après avoir raccompagné Charles chez lui à la suite d’une réunion à laquelle tous deux assistaient, selon ces sources.
Charles travaillait comme reporter pour la radio-télévision privée Radio Vision 2000, le site d’information Gazette Haïti, et était cofondateur du site d’information Larepiblik Magazine, selon ces sources et Valéry Numa, présentateur à Radio Vision 2000, qui a parlé avec le CPJ via une application de messagerie.
« Alors que les attaques meurtrières contre les journalistes haïtiens se poursuivent, les autorités ne semblent que trop disposées à balayer ces incidents sous le tapis, en imputant les meurtres à la violence générale des gangs ou en ouvrant des enquêtes vides sans résultat, alimentant ainsi un cycle de violence et d’impunité », a déclaré Natalie Southwick, coordinatrice du programme Amérique centrale et du Sud du CPJ, à New York. « Les autorités doivent mener une enquête complète pour déterminer si Diego Charles a été tué pour son travail, et fournir à sa famille et au public des informations opportunes sur ce qui s’est réellement passé. »
Duclair, militante politique et membre du parti d’opposition Matrice Libération, était également cofondatrice de Larepiblik Magazine mais ne travaillait plus comme journaliste, selon ces rapports et Numa.
Au moment de sa mort, Charles enquêtait sur plusieurs sujets pour Larepiblik Magazine, notamment sur le meurtre non élucidé en 2020 de Monferrier Dorval, président de l’Association du Barreau de Port-au-Prince, selon Numa. Le dernier article de Charles sur le site Internet mentionnait que le juge chargé de l’affaire Dorval avait fait l’objet de menaces de mort et de tentatives d’assassinat « dans l’indifférence totale des autorités étatiques ». Numa a déclaré au CPJ que le meurtre de Dorval était « hyper-sensible » en Haïti.
Hier, Léon Charles, directeur de la police nationale haïtienne, a déclaré que 15 personnes avaient été tuées dans des tirs aléatoires au milieu du chaos en réaction au meurtre d’un policier plus tôt dans la nuit, dont Diego Charles et Duclair, selon ces informations.
L’un des collègues de Diego Charles, qui a parlé au CPJ sous couvert d’anonymat par crainte de représailles, a déclaré au CPJ qu’il trouvait « ridicule et suspect » que la police regroupe les décès de Charles et Duclair avec d’autres meurtres commis cette nuit-là.
« Tout ce que les autorités veulent, c’est de regrouper tous les cas, les traiter comme un seul et même incident afin d’éviter d’avoir à examiner les éventuels motifs et complicités politiques derrière les meurtres de Charles et Duclair », a déclaré le collègue.
L’Association des journalistes haïtiens a publié un communiqué sur les meurtres, que le CPJ a examinée, exprimant ses réserves quant à la déclaration que la police aurait ouvert une enquête. L’Association a ajouté qu’elle était habituée à de telles déclarations, mais que celles-ci produisaient rarement des résultats.
Le CPJ a appelé la Police nationale haïtienne et la Police judiciaire haïtienne pour obtenir des commentaires, mais les personnes qui ont répondu ont dit qu’elles n’étaient pas en mesure de fournir des informations.
Le bureau du Premier ministre d’Haïti a publié hier un communiqué condamnant les « assassinats en série » qui avaient eu lieu dans la région, et indiquant que le ministère de la Justice et de la Sécurité publique et le directeur général de la Police nationale avaient été instruits de prendre toutes les mesures nécessaires pour identifier les responsables et les traduire en justice.
En novembre 2019, le CPJ et Reporters sans frontières ont écrit une lettre aux autorités haïtiennes les exhortant à enquêter sur les attaques contre les journalistes, notamment les meurtres en 2019 des journalistes Pétion Rospide et Néhémie Joseph, qui restent non résolus. Le CPJ n’a pas reçu de réponse à cette lettre.