Les décisions que vous prenez sur le terrain ont une incidence directe sur votre sécurité et celle des autres. Les risques inhérents à la couverture de la guerre, de manifestations politiques, et de crime ne peuvent jamais être éliminés, même si une planification minutieuse et l’évaluation des risques peut atténuer les dangers.

CPJ Guide de Sécurité des Journalistes

 

2 Evaluation du risque et réponse


Une menace: Les enlèvements, 2007-12
Afghanistan: 20
2 tués
Azerbaïdjan: 2
Bolivie: 1
1 tué
Brésil: 3
Cameroun: 1
Colombie: 1
République Démocratique du Congo: 2
1 tué
République Dominicaine: 1
1 tué
Equateur: 1
Géorgie: 1
Guatemala: 1
Indonésie: 3
3 tués
Irak: 25
18 tués
Israël et les Territoires Palestiniens Occupés: 2
Cote d’Ivoire: 1
1 tué
Kazakhstan: 1
Kenya: 1
1 tué
Kyrgyzstan: 1
Libye: 7
Mexique: 24
14 tués
Nepal: 4
3 tués
Nigeria: 3
Pakistan: 17
6 tués
Philippines: 35
32 tués
Inclut les victimes de 2009 Maguindanao ambush
Russie: 5
1 tué
Somalie: 11
1 tué
Sri Lanka: 6
Syrie: 1
Tunisie: 1
Turkménistan: 1
Ouganda: 1
Venezuela: 1
1 tué
Yémen: 5
Zimbabwe: 2
1 tué
Source: CPJ, sur la base des cas publiquement documentés.


Les décisions que vous prenez sur le terrain ont une incidence directe sur votre sécurité et celle des autres. Les risques inhérents à la couverture de la guerre, de manifestations politiques, et de crime ne peuvent jamais être éliminés, même si une planification minutieuse et l’évaluation des risques peut atténuer les dangers.

Soyez réalistes quant à vos limites physiques et émotionnelles. Il pourrait être utile de tenir compte à l’avance de toutes les personnes qui seraient touchées si vous étiez, disons, handicapés ou tués. Tenez également compte des conséquences émotionnelles liées au fait de continuer à rendre compte de sujets stressants un après l’autre. À un certain point, une victime de crime de plus, un cadavre de plus, une famille en deuil de plus peut être trop. Une décision de ne pas rendre compte d’un sujet doit être considérée comme un signe de maturité, non pas comme une source de honte ou de stigmatisation.

Les chefs de rédaction devraient considérer la sécurité des journalistes sur le terrain comme facteur primordial à analyser dans le choix d’une mission. Ils ne devraient pas pénaliser un journaliste pour avoir refusé une mission sur la base du risque potentiel. Les entreprises de presse devraient reconnaître leurs responsabilités de soutenir tous les journalistes sur le terrain, qu’ils soient membres du personnel ou des correspondants. Les rédacteurs en chef doivent être francs au sujet de l’appui spécifique que leur organe de presse est disposé à fournir, y compris l’assurance santé ou l’assurance vie ou le counseling émotionnel. Les questions laissées en suspens avant qu’un journaliste ne commence un article peuvent conduire à des complications stressantes plus tard.

Evaluation de la sécurité

Reuters Toujours faire une évaluation de la sécurité avant une mission potentiellement dangereuse. Le plan devrait identifier les personnes de contact ainsi que le temps et les moyens de communication; décrire tous les dangers connus, y compris l’historique des problèmes dans la zone de rapportage ; et exposer les grandes lignes des plans d’urgence qui répondent aux risques perçus. Des sources diverses devraient être consultées, notamment les journalistes ayant une expérience dans l’endroit concerné ou le sujet, les avis diplomatiques, les rapports sur la liberté de la presse et les droits de l’homme et la recherche universitaire. Les rédacteurs en chef travaillant avec des membres de la rédaction ou des journalistes indépendants devraient avoir un apport substantiel dans l’évaluation, prendre l’initiative de soulever des questions de sécurité, et recevoir une copie de l’évaluation. Un journaliste indépendant travaillant sans relation avec une entreprise de presse doit être particulièrement rigoureux dans la compilation d’une évaluation de la sécurité, la consultation avec les pairs, la recherche sur les risques, et l’organisation d’un réseau de contacts. Un exemple de formulaire d’évaluation de la sécurité est disponible dans ce Guide, téléchargeable, à l’Annexe G.

Les risques devraient être réévalués de manière fréquente au fur et à mesure que les conditions changent. «Toujours, constamment, chaque minute, peser les avantages contre les risques. Et dès que vous arrivez au point où vous vous sentez mal à l’aise avec cette équation, sortez, partez, quittez. Cela n’en vaut pas la peine», Terry Anderson, ancien correspondant de l’Associated Press pour le Moyen-Orient qui a été retenu en otage à Beyrouth pendant près de sept ans, a écrit dans le premier guide de sécurité des journalistes du CPJ publié en mars 1993. « Il n’y a aucun article qui vaut la peine de se faire tuer », a-t-il ajouté.

Parmi les risques à identifier, figurent:

  • les dangers du champ de bataille comme les tirs croisés, les mines terrestres, les bombes à fragmentation, les pièges, et les tirs d’artillerie et aériens ;
  • les attentats terroristes;
  • l’enlèvement pour une rançon ou un gain politique;
  • les dangers posés par les foules, y compris la possibilité d’agression sexuelle, de vol, d’attaque au gaz lacrymogène, ou de violence;
  • les dangers de la circulation (la principale cause de décès non naturels dans le monde entier);
  • les passages frontaliers et autres interactions avec des groupes armés potentiellement hostiles ou indisciplinés;
  • la surveillance physique conduisant à l’enlèvement ou l’identification des sources;
  • la surveillance électronique et l’interception d’informations ou de sources;
  • la fiabilité et la loyauté potentielles des sources, des chauffeurs, des guides-interprètes, des témoins et d’autres;
  • les délits de droit commun, y compris les types d’incidents;
  • les catastrophes naturelles comme les ouragans et les inondations;
  • les risques pour la santé allant de maladies d’origine hydrique au SIDA

(Ces risques ainsi que d’autres sont abordés en détail dans les chapitres suivants de ce Guide)

L’évaluation des risques doit également considérer la possibilité que toute circonstance, allant d’une situation politique tendue à une catastrophe naturelle, puisse dégénérer. L’évaluation devrait inclure des informations sur l’endroit où aller et où séjourner et l’endroit où se réfugier si nécessaire; où et comment obtenir des informations à jour à l’intérieur du pays ; si un équipement telle qu’une bande météo ou une radio à ondes courtes est nécessaire; ceux qu’ils faut contacter dans le pays, allant des organisations locales de défense des droits de l’homme aux ambassades étrangères, pour des informations d’urgence ; des plans et méthodes de voyage à l’intérieur du pays, et les multiples voies d’entrées et de sortie.

Dans l’évaluation, décrivez la manière dont vous avez l’intention de communiquer avec les rédacteurs en chef, les collègues, et des proches en dehors de la zone de risque. Un journaliste doit être en contact régulier avec un rédacteur en chef, un collègue, un membre de sa famille, ou toute autre personne digne de confiance. Vous et vos contacts devez décider à l’avance à quelle fréquence vous souhaitez communiquer, par quels moyens, et à quel moment prescrits, et si vous devez prendre des précautions pour éviter que vos communications soient interceptées. Plus important encore, vous et vos contacts devez décider à l’avance exactement à quel moment le fait de ne pas se présenter est considéré comme une urgence et identifier la personne qu’il faut appeler pour une réaction permettant de vous localiser et sécuriser votre sortie ou votre libération. Souvent, la réaction implique le fait de contacter systématiquement des collègues et des amis qui peuvent évaluer la situation, les autorités qui peuvent mener des enquêtes et la communauté diplomatique pour vous fournir un soutien et une influence potentiels.

L’évaluation doit aborder les infrastructures de communication dans la zone de rapportage, identifier tout équipement d’urgence dont vous pouvez avoir besoin. Se poser les questions suivantes : Est-ce que l’électricité, l’accès à Internet, et le service de téléphonie mobile et fixe sont disponible? Peuvent-ils rester disponibles? Est-ce qu’un groupe électrogène ou une batterie de voiture avec un adaptateur DC est nécessaire pour charger son ordinateur ? Est-ce qu’un téléphone satellite devrait être utilisé? Les besoins de base tels que la nourriture et les soins médicaux doivent être également abordés. Est-ce que la nourriture et l’eau sont facilement accessibles? Est-ce qu’un hôpital, une clinique ou un médecin sont disponibles? Est-ce qu’une trousse médicale est nécessaire, et qu’est-ce que cela devrait inclure?

Toute évaluation des risques doit tenir compte de votre profil souhaité. Voulez-vous voyager dans un véhicule portant la marque « presse » ou « TV », ou serait-il préférable de vous fondre avec d’autres civils? Faut-il éviter de travailler seul et travailler plutôt en équipe avec d’autres? Si vous voyagez avec d’autres, choisissez vos compagnons avec prudence. Vous pouvez souhaiter ne pas voyager, par exemple, avec quelqu’un ayant une tolérance très différente de la votre par rapport au risque.

Sources d’Information

La protection des sources est une pierre angulaire du journalisme. C’est particulièrement important lors de la couverture des sujets tels que la criminalité violente, la sécurité nationale et les conflits armés, dans laquelle les sources peuvent être mises en danger juridique ou physique. Les journalistes indépendants, en particulier, doivent savoir que ce fardeau leur incombe au premier chef. Aucun journaliste ne devrait faire une promesse de confidentialité sans peser les conséquences éventuelles ; si un journaliste ou une entreprise de presse promet la confidentialité, cet engagement implique une obligation éthique important.

Dans vos communications, protégez vos sources. Examinez s’il faut les appeler sur un téléphone fixe ou cellulaire, utiliser le courriel ouvert ou sécurisé et leur rendre visite à leur domicile ou leur bureau.

La plupart des entreprises de presse ont défini des règles pour l’utilisation de sources confidentielles. Dans un certain nombre de cas, les entreprises de presse exigent que les journalistes sur le terrain partagent l’identité d’une source confidentielle avec leurs rédacteurs en chef. Les journalistes sur le terrain doivent connaître ces règles avant de faire des promesses à d’éventuelles sources confidentielles. Aux États-Unis d’Amérique et dans de nombreux autres pays, les tribunaux civils et criminels ont le pouvoir de délivrer des assignations exigeant que des médias ou des journalistes individuels révèlent l’identité des sources confidentielles. Le choix peut alors être aussi sévère que la divulgation ou les amendes et la prison. Les entreprises de presse qui ont reçu des assignations distinctes prendront leurs propres décisions sur la façon d’y répondre. Le magazine Time, face à la perspective d’amendes journalières et d’emprisonnement d’un journaliste, a décidé en 2005 de se conformer à une ordonnance d’un tribunal de remettre les courriels et le carnet d’un journaliste concernant la divulgation de l’identité d’un agent de la CIA, même s’il n’était pas d’accord avec la position du tribunal.

Les entreprises de presse ont le droit légal de remettre aux tribunaux les carnets d’un journaliste s’ils sont, conformément au contrat ou au protocole qui les lie, la propriété de l’entreprise de presse. Si un journaliste est un employé indépendant, l’entreprise de presse peut avoir moins de pouvoir d’exiger qu’un journaliste identifie une source ou remette du matériel journalistique pour se conformer à une assignation du tribunal.

Dans certains pays, les journalistes locaux couvrant le crime organisé, la sécurité nationale, ou des conflits armés, sont particulièrement vulnérables à l’emprisonnement, la torture, la coercition, ou des agressions liés à l’utilisation d’informations confidentielles. En 2010, le CPJ a documenté de nombreux cas à travers l’Afrique dans lesquels des fonctionnaires ont emprisonné, menacé, ou harcelé des journalistes qui ont fait usage de documents confidentiels. Au Cameroun, par exemple, les autorités ont emprisonné quatre journalistes qui sont entrés en possession d’une présumée note de service qui a soulevé des questions d’irrégularité fiscale à la Société nationale des hydrocarbures (SNH). Un de ces journalistes a été torturé, un autre est mort en prison. Il est important de comprendre que votre responsabilité éthique pourrait être mise à rude épreuve dans les zones de conflit par des acteurs coercitives qui peuvent recourir aux menaces ou à la force.

Les journalistes devraient étudier et utiliser des méthodes de protection des sources dans leurs communications et leurs récits. Examiniez bien quand et comment prendre contact avec des sources, s’il faut les appeler sur un téléphone fixe ou cellulaire, s’il faut leur rendre visite à leur bureau ou leur domicile, et s’il faut utiliser un courriel ouvert ou sécurisé ou un message de conversation en ligne. Pensez à utiliser un code simple ou des pseudonymes pour cacher l’identité d’une source dans des fichiers écrits ou électroniques. Sécurisez physiquement les fichiers écrits, et sécurisez les fichiers électroniques par le biais du cryptage et d’autres méthodes décrites au Chapitre 3 Sécurité de l’information).

L’identité d’une source pourrait être encore vulnérable à la divulgation sous la contrainte. Ainsi, de nombreux journalistes dans les zones de conflit évitent d’écrire ou même d’apprendre les noms au complet ou réels des sources qu’ils n’ont pas l’intention de citer dans leurs récits.

Les lois sur la vie privée, la diffamation et la calomnie varient d’un pays à l’autre, tout comme les lois régissant l’enregistrement d’appels téléphoniques, des réunions et d’événements publics, note le Citizen Media Law Project (Projet de loi concernant les médias citoyens) au Centre Berkman pour l’Internet & Société de l’Université Harvard. Dans de nombreux pays, les organisations locales de défense de la liberté de la presse peuvent fournir des détails de base sur les lois sur la confidentialité et la diffamation, ainsi que les pratiques des autorités dans l’application de ces lois. (Beaucoup de ces organisations sont énumérés à l’Annexe E Organisations de journalistes ; une liste exhaustive des organisations de défense de la liberté de la presse est disponible via l’International Freedom of Expression Exchange. Le fait d’être journaliste ne donne pas à quelqu’un le droit de voler, cambrioler, ou violer les droits communs afin d’obtenir des informations.

Sécurité et armes

La plupart des journalistes et des experts en sécurité recommandent de ne pas porter des armes ou autres matériels associés à des combattants lors de la couverture des conflits armés. Le fait de le faire peut nuire à votre statut en tant qu’observateur et, par extension, au statut de tous les autres journalistes travaillant dans la zone de conflit. Dans des zones de conflit comme la Somalie dans les années 1990, et l’Irak et l’Afghanistan dans les années 2000, des médias ont embauché du personnel de sécurité armé et non armé pour protéger les journalistes sur le terrain. Bien que la présence de gardes de sécurité ait porté atteinte au statut d’observateur des journalistes, de nombreuses entreprises de presse se sont redues compte que leur seul choix c’était de s’appuyer sur les agents privés pour protéger leur personnel dans des situations incontrôlées.

Le fait de porter une arme à feu au cours d’autres missions est également fortement déconseillé. Dans les pays où force ne reste pas à la loi, certains journalistes menacés ont choisi de porter une arme. En faisant un tel choix, vous devriez tenir compte du fait que porter une arme peut avoir des conséquences fatales et saper votre statut en tant qu’observateur.

Violence sexuelle

L’agression sexuelle de Lara Logan, correspondante de CBS et membre de la rédaction du CPJ, pendant qu’elle couvrait les manifestations au Caire en février 2011 a mis en évidence ce problème de sécurité important pour les journalistes. Dans un rapport en 2011, le CPJ a interviewé plus d’une quarantaine d’autres journalistes qui ont déclaré avoir aussi été victimes de telles agressions lors de missions antérieures. La plupart des victimes étaient des femmes, bien que certains fussent des hommes. Les journalistes ont rapporté que les agressions allaient du pelotage au viol par de multiples assaillants.

Le fait d’être conscient de son environnement et de comprendre comment on peut être perçu dans cette situation est important pour dissuader l’agression sexuelle. L’International News Safety Institute (Institut international de la sécurité de l’information), un consortium d’entreprises de presse et d’organisations de journalistes qui inclut le CPJ, et Judith Matloff, une correspondante chevronnée à l’étranger et professeur de journalisme, ont chacun publié des listes de contrôle visant à minimiser le risque d’agression sexuelle sur le terrain. Certains de leurs suggestions sont inclues dans ce guide, ainsi que les conseils de nombreux journalistes et d’experts en sécurité consultés par le CPJ.

Vous devez comprendre la culture du milieu et bien connaitre votre environnement. Voyagez avec des collègues et du personnel de soutien. Restez en marge des foules et ayez un chemin de retraite en tête.

Les journalistes devraient s’habiller de manière conventionnelle et conformément à la coutume locale ; le port du foulard dans certaines régions, par exemple, peut être conseillé aux femmes journalistes. Les femmes journalistes devraient porter une alliance, ou une bague qui ressemble à une alliance, qu’elles soient mariées ou pas. Elles devraient éviter de porter des colliers, de se faire une queue de cheval, ou tout ce qui peut être saisi. De nombreux experts conseillent aux femmes journalistes d’éviter des T-shirts et des jeans trop serrés, le maquillage et les bijoux, afin d’éviter une attention non désirée. Portez une ceinture solide et des bottes qui sont difficiles à enlever, ainsi que des vêtements amples. Le fait de transporter son matériel discrètement, dans des sacs quelconques, peut également éviter une attention non désirée. Pensez à vous munir de gaz poivré ou de désodorisant aérosol pour dissuader les agresseurs.

Les journalistes devraient voyager et travailler avec des collègues ou du personnel de soutien pour plusieurs raisons de sécurité. Les guides, traducteurs et chauffeurs locaux peuvent fournir une importante mesure de protection aux journalistes internationaux, notamment lors de voyages ou de missions impliquant des foules ou des conditions chaotiques. Le personnel de soutien peut évaluer la sécurité globale d’une situation et identifier les risques potentiels pendant que le journaliste travaille. Il est très important de faire preuve de diligence dans le choix du personnel de soutien local et de solliciter les recommandations des collègues. Certains journalistes ont signalé des cas d’agression sexuelle par le personnel de soutien.

Les experts suggèrent que les journalistes donnent l’impression d’être confiants et habitués à leur milieu, mais d’éviter de commencer une conversation ou tout échange de regard avec des inconnus. Les femmes journalistes devraient être conscientes que les gestes de familiarité, comme l’étreinte ou le sourire, même avec des collègues, peuvent être mal interprétés et augmenter le risque d’attention non désirée. Les experts conseillent de ne pas se mêler à une foule majoritairement masculine ; restez en marge des foules et ayez un chemin de retraite en tête. Choisissez un hôtel avec des gardes de sécurité dans la mesure du possible, et évitez les chambres avec des fenêtres ou des balcons accessibles. Utilisez tous les verrous sur les portes de vos chambres d’hôtel, et pensez à utiliser votre propre serrure et votre propre alarme. L’International News Safety Institute suggère que les journalistes aient des prétextes préparés à l’avance («J’attends que mon collègue arrive», par exemple) s’ils font l’objet d’une attention non désirée.

De manière générale, essayez d’éviter les situations qui entrainent des risques, disent les experts. Celles-ci incluent le fait de rester dans des zones reculées sans aucun compagnon de confiance; prendre des taxis non-officiels ou des taxis avec plusieurs inconnus; prendre des ascenseurs ou des couloirs où vous seriez seuls avec des inconnus; manger tout seul dehors, sauf si vous êtes sûr du milieu, et passer de longues périodes seul avec des sources ou du personnel de soutien de sexe masculin. Le fait de rester en contact régulier avec vos rédacteurs en chef et de compiler et diffuser des coordonnées sur vous-même et le personnel de soutien est toujours une bonne pratique pour diverses raisons de sécurité. Munissez-vous d’un téléphone mobile avec des numéros de sécurité, notamment vos contacts professionnels et les contacts d’urgence locaux. Soyez discret en donnant des informations personnelles.

Si un journaliste remarque une agression sexuelle imminente, les experts recommandent qu’il fasse ou dise quelque chose pour changer la dynamique. Le fait de crier ou de hurler à l’aide si les gens sont à portée de voix est une option. Crier quelque chose d’inattendu comme «Est-ce une voiture de police? » pourrait être une autre option. Le fait de jeter, casser, ou lancer quelque chose qui pourrait provoquer un sursaut pourrait être une troisième option. Uriner ou se salir pourrait également en être une.

Le Humanitarian Practice Network (Réseau de pratique humanitaire), un forum pour les travailleurs et les décideurs engagés dans l’action humanitaire, a produit un guide de sécurité qui comprend des conseils pertinents pour les journalistes. Le HPN, qui fait partie du Overseas Development Institute basé au Royaume-Uni, suggère que les individus aient une certaine connaissance de la langue locale et utilisent des expressions et des phrases s’ils sont menacés d’agression comme moyen de changer la donne.

Le fait de protéger et préserver sa vie face à une agression sexuelle est la ligne directrice primordiale, ont dit le HPN et d’autres experts. Certains experts en sécurité recommandent que les journalistes apprennent des techniques d’auto-défense pour résister aux agresseurs. Il ya une croyance chez certains experts selon laquelle le fait de résister à un agresseur pourrait augmenter le risque de violence mortelle. Les facteurs à considérer sont le nombre d’assaillants, si des armes sont impliquées, et si le milieu est public ou privé. Certains experts suggèrent de riposter si un agresseur cherche à emmener un individu de la scène d’une attaque initiale à un autre endroit.

L’abus sexuel peut également se produire lorsqu’un journaliste est détenu par un gouvernement ou retenu en otage par des forces irrégulières. Le fait de développer une relation avec ses gardes ou ses ravisseurs peut réduire le risque de toutes les formes d’agression, mais les journalistes devraient être conscients que l’agression peut se produire et qu’ils peuvent avoir peu d’options. Le fait de protéger sa vie est l’objectif principal.

Les entreprises de presse peuvent inclure des lignes directrices sur le risque d’agression sexuelle dans leurs manuels de sécurité comme un moyen d’augmenter l’attention et de susciter la discussion. Bien que la documentation spécifique aux agressions sexuelles contre des journalistes soit limitée, les entreprises de presse peuvent identifier les pays où le risque global est plus élevé, telles que les zones de conflit où le viol est utilisé comme une arme, les pays où force ne reste pas à la loi, et les milieux où l’agression sexuelle est courante. Ces entreprises de presse peuvent définir des politiques claires sur la façon de réagir aux agressions sexuelles qui répondent aux besoins du journaliste en matière de soutien médical, juridique et psychologique. Ces cas devraient être traités comme une urgence médicale et comme une menace pour la sécurité globale qui affecte d’autres journalistes. Les responsables de médias qui traitent des cas d’agression sexuelle doivent être sensibles aux souhaits des journalistes en termes de confidentialité, et conscients de l’impact émotionnel d’une telle expérience. Les besoins immédiats des journalistes incluent la compassion, le respect et la sécurité.

Les journalistes qui ont été agressés peuvent envisager de rapporter l’agression comme un moyen d’obtenir un soutien médical adéquat et de documenter le risque de sécurité pour les autres. Certains journalistes ont dit au CPJ qu’ils étaient réticents à signaler l’agression sexuelle dont ils ont été victimes parce qu’ils ne voulaient pas être perçus comme étant vulnérables lorsqu’ils sont en mission dangereuse. Les chefs de rédaction devraient créer un climat dans lequel les journalistes peuvent dénoncer des agressions subies sans craindre de perdre des missions futures et en ayant la confiance qu’ils recevront un soutien et une assistance.

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) est dévoué à documenter les cas d’agression sexuelle. Les journalistes sont invités à communiquer avec le CPJ pour signaler de tels cas ; des informations sur un cas sont rendues publiques ou gardées de manière confidentielle selon le choix du journaliste.

Situations de captivité

AP L’enlèvement des journalistes pour obtenir une rançon ou un gain politique s’est produit fréquemment au cours des 31 ans d’existence du CPJ. De nombreux cas ont été signalés dans des pays comme la Colombie, les Philippines, la Russie, l’Irak, le Pakistan, l’Afghanistan, le Mexique et la Somalie, selon des recherches du CPJ. En Afghanistan seulement, au moins 20 personnes, notamment des journalistes et des collaborateurs de presse, ont été enlevés par des insurgés ou des groupes criminels à partir de 2007 jusqu’en 2011, selon des recherches du CPJ. Au moins deux d’entre eux sont morts.

Le meilleur antidote est la précaution. Voyagez en équipes dans les zones dangereuses, en s’assurant que les rédacteurs en chef et peut-être une personne locale de confiance connaissent vos plans. Préparez un plan d’urgence avec des coordonnées pour que les personnes et les groupes puissent vous contacter si vous disparaissez. Au cours des discussions préalables avec les rédacteurs en chef et les contacts de confiance, définir le délai après lequel ils doivent interpréter la perte de votre contact comme une urgence.

Si vous êtes pris en captivité, l’une des premières choses qu’un ravisseur peut faire c’est de rechercher votre nom sur Internet. Toutes les informations en ligne sur vous seront vues par vos ravisseurs: où vous avez travaillé, les sujets que vous avez couverts, votre formation, vos associations personnelles et professionnelles, et peut-être la valeur de votre maison et de la valeur nette de votre famille. Vous pouvez peut-être souhaiter limiter les informations personnelles ou les convictions politiques que vous révéler dans votre profil en ligne. Soyez prêt à répondre à des questions difficiles au sujet de votre famille, vos finances, vos reportages et vos associations politiques.

La formation sur l’environnement hostile comprend les mécanismes d’adaptation et les techniques de survie. Il s’agit, entre autres, de développer une relation avec vos ravisseurs, une étape qui pourrait réduire les chances que les gardes vous fassent du mal. Coopérez avec les gardes, mais ne tentez pas de les apaiser. Autant que possible, expliquez votre rôle en tant qu’observateur non-combattant et que votre travail inclut tous les aspects d’un sujet. Ménagez-vous tout au long de l’épreuve et, dans la mesure du possible, maintenez votre sérénité émotionnelle. Les promesses de libération peuvent tarder et des menaces d’exécution être proférées.

Les journalistes capturés en groupe devraient agir d’une manière qui incite les gardes à les mettre ensemble plutôt que de les séparer. Cela pourrait impliquer le fait de se conformer aux ordres des gardes et de persuader les ravisseurs qu’il serait moins fastidieux de garder le groupe ensemble. Les journalistes devraient se soutenir mutuellement sur le plan moral et affectif pendant leur captivité. Le fait de maintenir la cohésion pourrait donner à chaque captif des chances d’être libéré sain et sauf.

Les possibilités d’évasion peuvent survenir pendant la captivité, mais de nombreux journalistes chevronnés et d’experts en sécurité avertissent que les chances de succès sont extrêmement minimes et doivent être comparées aux conséquences potentiellement fatales de l’échec. En 2009, au Pakistan, le journaliste du New York Times, David Rohde, et un journaliste local, Tahir Ludin, ont échappé à leurs ravisseurs talibans qui les avaient détenus pendant sept mois. Après avoir pesé les risques, les deux hommes ont conclu que leurs ravisseurs ne négociaient pas sérieusement leur libération et ont choisi « de tenter de s’enfuir », a écrit par la suite M. Rohde. Cependant, certains ravisseurs peuvent avoir une chaîne cohérente de commandement dans laquelle vous pourriez éventuellement être autorisé à plaider votre cause pour dire que vous êtes un journaliste qui mérite d’être libéré.

Au cours d’une situation de captivité, les rédacteurs en chef et les membres de la famille du journaliste sont encouragés à travailler ensemble. Dès que la situation de captivité est confirmée, ils devraient entrer en contact avec les représentants du gouvernement du pays où le journaliste est en otage, ainsi qu’avec les autorités du pays d’origine de l’entreprise de presse et celui de chacun des journalistes concernés. Ils devraient solliciter les conseils de diplomates expérimentés sur le terrain, d’experts en sécurité privée, et d’organisations de défense de la liberté de la presse comme le CPJ. L’International News Safety Institute dispose d’un Global Hostage Crisis Help Centre qui peut recommander des experts en otage. Le Dart Center for Journalism & Trauma (Centre Dart pour le Journalisme & le Traumatisme) peut informer les parties concernées sur la façon d’obtenir des conseils pour les membres de la famille et d’autres. (Voir Chapitre 10 Réactions au stress.) Satisfaire ou non les exigences des ravisseurs est une question difficile. La patience et les émotions seront testées au cours de cette épreuve.

Les rédacteurs en chef et les parents des journalistes ne devraient ménager aucun effort pour présenter un front cohérent, en désignant une personne comme intermédiaire auprès des autorités et en tant que porte-parole public. Les autorités peuvent ainsi prendre des décisions indépendamment des souhaits de la famille et des collègues (et contrairement à ceux-ci), mais le fait de donner un message clair et cohérent aux autorités et à la presse augmente les chances d’influencer efficacement la prise de décision.

La plupart des gouvernements ont défini des politiques dissuadant le paiement de rançon, même si dans la pratique un certain nombre de gouvernements, y compris ceux de la France et le Japon, auraient contribué à payer une rançon en échange de la libération des journalistes en captivité. Les rédacteurs en chef et les membres de la famille peuvent être en mesure (ou pas) d’influencer les décisions sur le déploiement d’une opération de sauvetage du gouvernement. Le gouvernement britannique a parlé aux rédacteurs en chef, mais a ensuite pris sa propre décision d’ordonner une opération de sauvetage pour un ressortissant anglo-irlandais travaillant pour le New York Times en Afghanistan en 2009. Ce journaliste du Times, Stephen Farrell, a été sauvé, mais un journaliste afghan qui travaillait comme guide-interprète pour M. Farrell, Sultan Mohammed Munadi, a été tué.

Les ravisseurs peuvent tenter de contraindre une entreprise de presse à faire de la propagande ou une couverture unilatérale de leur point de vue. Dans les années 1990, les guérilleros d’extrême gauche et les paramilitaires d’extrême droite en Colombie avaient souvent enlevé des journalistes pour contraindre les organes de presse à relayer leurs doléances politiques. En 2006, la chaîne brésilienne TV Globo a diffusé une vidéo exposant de manière détaillée les insuffisances dans les conditions de détention après qu’un gang criminel local a enlevé un journaliste et un technicien de ladite station. Les deux journalistes ont ensuite été libérés. Les rédacteurs en chef doivent reconnaître que le fait de satisfaire les exigences des ravisseurs pourrait encourager de futures tentatives pour une couverture sous la contrainte.

Dans une autre forme de coercition, les ravisseurs peuvent exiger qu’un journaliste fasse des déclarations de propagande sur une vidéo. Certains journalistes l’ont accepté, estimant que cela peut augmenter leurs chances de libération en toute sécurité. D’autres ont résisté, croyant que le fait d’afficher une certaine indépendance peut avoir un certain effet chez leurs ravisseurs. La décision dépend entièrement des circonstances et des individus impliqués.

Répondre aux menaces

Les menaces sont non seulement une tactique visant à intimider les journalistes critiques, mais elles sont souvent suivies d’attaques réelles. Trente-cinq pour cent des journalistes assassinés au cours des deux dernières décennies ont été menacés auparavant, selon des recherches du CPJ. Vous devez prendre les menaces au sérieux, en accordant une particulière attention à celles qui insinuent de la violence physique.

La manière de répondre dépend en partie des circonstances locales. Signaler une menace à la police est généralement une bonne pratique dans les endroits où la règle de droit s’applique. Dans les pays où l’application de la loi est corrompue, le fait de signaler une menace peut être futile, voire contre-productif. Ces facteurs devraient donc être soigneusement pesés.

Signalez les menaces à vos rédacteurs en chef et vos collègues de confiance. Assurez-vous qu’ils connaissent les détails de la menace, y compris sa nature et comment et quand elle a été proférée. Certains journalistes ont fait connaître les menaces qu’ils ont subies via leurs organes de presse ou leurs propres blogs. Signalez aussi les menaces aux organisations locales et internationales de défense de la liberté de la presse comme le Comité pour la protection des journalistes. Le CPJ fera connaître toute menace ou la gardera confidentielle selon votre choix. De nombreux journalistes ont déclaré au CPJ que le fait d’avoir fait connaitre les menaces qu’ils ont subies a permis de les protéger du danger.

Les journalistes sous la menace peuvent aussi envisager un changement temporaire ou permanent de sujet. Les rédacteurs en chef devraient être en étroite consultation avec un journaliste subissant des menaces et vite changer la mission qui lui est assignée pour des raisons de sécurité. Certains journalistes menacés ont constaté que le fait de s’éloigner pendant un certain temps d’un sujet sensible a permis à une situation hostile de diminuer en intensité.

Dans des circonstances graves, les journalistes peuvent envisager de déménager à l’intérieur ou en dehors de leur pays. Les journalistes menacés devraient consulter leurs proches afin d’évaluer la possibilité d’un déménagement et demander de l’aide de leurs organes de presse et des groupes professionnels si le déménagement est jugé nécessaire. Le journaliste d’investigation colombien Daniel Coronell et sa famille, par exemple, ont déménagé aux États-Unis d’Amérique pendant deux ans à partir de 2005, après qu’il a subi une série de menaces, y compris la livraison d’une couronne mortuaire à son domicile. M. Coronell a repris son travail d’investigation lorsqu’il est retourné en Colombie et, bien que les menaces ont continué, ils sont venus à un rythme plus lent et avec moins d’intensité. Le CPJ peut fournir des conseils aux journalistes menacés et, dans certains cas, un soutien direct telle que l’assistance au déménagement.



Guide de Sécurité des Journalistes

Table des matières

1. Préparation de base

3. Sécurité de l’information
 



Guide de Sécurité des Journalistes » Aller à: