New York, le 20 octobre 2011–Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) condamne l’emprisonnement aujourd’hui d’un journaliste par les autorités de l’île Maurice pour outrage à la Cour suprême, ainsi que les amendes infligées à des organes de presse pour la couverture d’une affaire ayant défrayé la chronique, selon des journalistes locaux et des medias.
Dharmanand Dooharika, rédacteur en chef de l’hebdomadaire privé Samedi Plus a été incarcéré dans la principale prison de la ville de Beau-Bassin, bien que son recours contre la peine de trois mois de prison qui lui a été infligée lundi dernier par le juge Keshoe Parsad Matadeen de la Cour suprême de l’île Maurice soit pendant, a dit au CPJ l’avocat de la défense, Ravi Rutnah.
Le juge Matadeen a également condamné Poovanam Chetty de Contact Press Ltd., société mère dudit journal, à une amende de 300.000 roupies (soit 10.300 dollars américains) et Radio Plus à une amende de plus 200.000 roupies (soit 6900 dollars américains), selon des médias. La société mère et la station de radio ont déclaré avoir fait appel de ce verdict.
Les condamnations découlent de reportages en juillet et août 2010 concernant un homme d’affaires, également avocat rayé du barreau, Dev Hurnam, qui représentait une société de location d’automobile dans un procès pour fraude contre la filiale locale de Barclays, un fournisseur mondial de services financiers basé au Royaume-Uni. Le verdict de la Cour suprême était défavorable à M. Hurnam et ce dernier a par la suite fait des déclarations publiques remettant en cause l’impartialité du juge en chef de ladite Cour, Bernard Sik Yuen, lors du procès. En réponse à ces accusations, le juge en chef a demandé au président mauricien de prendre des mesures pour sanctionner M. Hurnam, selon des médias. Le directeur des poursuites pénales a ainsi porté plainte contre Samedi Plus et Radio Plus pour leurs reportages, bien que les propos de M. Hurnam aient été largement relayés par la presse privée mauricienne, selon des médias et des journalistes locaux.
Dans sa plainte contre M. Dooharika, le directeur des poursuites pénales a cité un éditorial en date du 14 août 2010 suggérant qu’il faudrait donner foi aux allégations contre le juge en chef, selon des recherches du CPJ. La plainte a souligné que Samedi Plus avait consacré une large couverture à cette affaire et aux allégations de M. Hurnam, notamment à la Une de ses publications. Le directeur des poursuites pénales a en outre accusé le journaliste d’ « avoir publiquement scandalisé la Cour suprême, discrédité l’administration de la justice et ainsi commis un outrage à la Cour ». Il a également proféré des accusations similaires contre Radio Plus lors d’une interview avec M. Hurnam diffusée le 29 juillet 2010.
« Nous condamnons l’emprisonnement de Dharmanand Dooharika et les amendes imposées à Samedi Plus et Radio Plus, qui ne visent pas la bonne administration de la justice mais plutôt à mettre la Cour suprême à l’abri de toute critique », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du Plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous demandons aux autorités mauriciennes de libérer immédiatement M. Dooharika sous caution en attendant que la cour d’appel annule ces condamnations », a-t-il martelé.
Peu après l’annonce du verdict lundi dernier, M. Dooharika s’est évanoui au palais de justice et a été hospitalisé sous surveillance policière pour hypertension artérielle jusqu’à ce matin à la clinique d’Apollo Bramwell, selon des médias.
Faisant allusion à l’emprisonnement de M. Dooharika, le site d’information en ligne local Defimedia.info a déclaré qu’il s’agit de la première condamnation d’un journaliste à une peine de prison en île Maurice, une île de l’océan Indien. Les recherches du CPJ montrent également que trois journalistes arrêtés en 2007 étaient les premiers à être interpellés dans ce pays en 13 ans. Ces trois journalistes ont été libérés sous caution et les poursuites ont été finalement abandonnées.
Le gouvernement du Premier ministre mauricien, Navin Ramgoolam, est resté hostile à la presse indépendante, avec de plus en plus d’interrogatoires de police, selon des recherches du CPJ.