New York, le 10 avril 2009—Les autorités de la République du Congo devraient immédiatement lever la suspension de la chaîne de télévision privée, Canal Plus Bénédiction (CB Plus), a déclaré aujourd’hui le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Cette suspension a été décidée en février dernier à la suite de la diffusion par la chaîne d’extraits de la Conférence nationale de 1991. cette conférence a marqué la transition du régime monopartite du président Denis Sassou-Nguesso vers une démocratie multipartite au Congo.
CB Plus a été ordonné de cesser d’émettre le 12 février dernier par l’organe national de régulation des médias congolais, le Conseil supérieur de la liberté de la communication (CSLC), selon des journalistes et des médias locaux. Dans une interview avec le CPJ, Jacques Banaganzala, le président du CSLC, a qualifié les extraits diffusés par CB Plus de « violents et injurieux », citant notamment des témoignages sur l’assassinat en 1977 de l’ancien président congolais Marien Ngouabi.
« Il est scandaleux qu’une chaîne de télévision soit censurée pour avoir rapporté au peuple congolais un épisode de sa propre histoire », a déclaré le directeur adjoint du CPJ, Robert Mahoney. « Nous appelons les autorités de Brazzaville à laisser immédiatement CB Plus reprendre l’antenne et à permettre aux médias de couvrir toutes les parties prenantes pendant la période menant aux élections présidentielles de juillet prochain », a-t-il ajouté.
Selon des journalistes locaux, la Conférence nationale de 1991 demeure une question sensible pour l’administration du président Sassou-Nguesso et il est rare que des médias diffusent des extraits de celle-ci. L’émission de CB Plus a été diffusée durant une période de tensions politiques croissantes, les dirigeants de l’opposition faisant campagne pour une autre concertation avec le gouvernement en prélude des élections, ont souligné les journalistes. CB Plus a été aussi la seule station à faire une large couverture sur l’investiture du principal candidat présidentiel de l’opposition, Mathias Dzon.
La veille de la suspension, Elith Ibourefet et Aimé Onlaby, respectivement directeur général et directeur des programmes de CB Plus, ont été convoqués par la Direction de la surveillance du territoire (DST) du Congo, selon des journalistes locaux. Dans un entretien avec le CPJ, le colonel Bayi Dikila de la DST a confirmé cette convocation, mais il a refusé de faire davantage de commentaires.
M. Ibourefet et M. Onlaby ont déclaré que les agents de la DST les ont interrogés sur le motif de la rediffusion de la conférence nationale de 1991, et sur leurs liens avec les politiciens de l’opposition. M. Onlaby a souligné que les extraits ne contenaient pas de déclarations violentes et injurieuses, ajoutant que les images provenaient d’un reportage de la télévision d’État.
M. Ibourefet a quant à lui déclaré que la station n’a reçu aucune notification écrite au sujet de la suspension, ce qui semble violer la procédure légale en vertu de la loi sur la presse au Congo, selon Bernard Mackiza, le président de l’Observatoire congolais des médias. Avant de suspendre un quelconque média, il est nécessaire de procéder à des auditions formelles ainsi qu’à une notification écrite, a-t-il dit.
Par ailleurs, M. Banaganzala a dit au CPJ que CB Plus opérait seulement avec une autorisation provisoire d’essai. le CSLC examinera la levée de la suspension de la station dès réception d’un dossier conforme au cahier des charges de cette dernière d’ici fin avril courant, a-t-il dit. A cet effet, M. Ibourefet dit que CB Plus a déposé sa demande depuis plus d’un an.
Il convient de rappeler qu’en 2008, le CSLC avait suspendu le bimensuel privé Talassa pour deux mois sur la base d’un éditorial daté le 23 novembre de cette même année qui était critique à l’égard du président Sassou-Nguesso.