Une délégation de CPJ demande au gouvernement d’Haïti de protéger la presse

Port-au-Prince, le 13 juin 2002 ­ Après une mission de recherche de trois jours, une délégation du Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a constaté que les journalistes en Haïti font face à une inquiétante atmosphère d’intimidation et de peur.

Des journalistes haïtiens ont parlé à CPJ d’attaques violentes et de menaces qui restent en grande partie impunies. Certains ont été obligés de se censurer, de se cacher ou même de quitter le pays.

Deux morts

CPJ est extrêmement concerné par le fait que les meurtriers de Jean Léopold Dominique et Brignolle Lindor n’aient pas encore été traduits en justice.

Dominique, un reporter radio vénéré, a été tué par un assassin en avril 2000. Lindor, le directeur d’une station de radio située en dehors de la capitale, Port-au-Prince, a été tué en décembre par une foule de sympathisants du gouvernement armés de machettes après qu’il ait invité des membres de l’opposition à son émission.

Après qu’un journaliste qui avait assisté au meurtre de Lindor ait dénoncé celui-ci, des policiers armés sont partis à sa recherche bien que le juge chargé de l’enquête n’ait délivré aucune citation à comparaître. Le journaliste se cache actuellement.

Dans différents interviews, des journalistes ont déclaré qu’ils se sentent plus libres qu’ils ne l’étaient sous le régime des Duvalier, mais aussi plus intimidés. (Le régime brutal et tristement célèbre de François Duvalier et de son fils Jean Claude a gouverné Haïti de 1957 à 1986.) Aujourd’hui, comme plusieurs journalistes l’ont confirmé, “Les menaces peuvent venir de partout,” y compris de l’ “OP” ou “Organisations Populaires,” qui sont des organisations communautaires devenues plutôt des groupes d’autodéfense.

Beaucoup de journalistes considèrent dangereuse l’annonce faite par le président Jean-Pierre Aristide en juin 2001 concernant une campagne de “Zéro Tolérance” soi-disant conçue pour mettre un frein au crime. Les observateurs craignent que cette nouvelle politique encourage le type d’action collective extrajudiciaire qui a tué Lindor.

“Nous insistons auprès du président Aristide pour qu’il envoie des signaux clairs insistant sur le fait que l’autorité de la loi prévaut et qu’aucun journaliste ne devrait subir des violences à cause de son travail” a déclaré Clarence Page, un membre du conseil d’administration de CPJ. “Il devrait charger le gouvernement de protéger les témoins dans l’affaire Lindor et de traduire les meurtriers en justice.”

En plus de Page, la délégation de CPJ comprenait un autre membre du conseil d’administration Franz Allina et la coordinatrice du programme des Amériques Marylene Smeets. Pendant leur visite, les membres de la délégation ont rencontré de nombreux journalistes et défenseurs de la liberté de la presse ainsi que le sécretaire d’état haïtien des communications, Mario Dupuy.

Deux détentions

CPJ se rejouit de la libération samedi dernier de deux journalistes ­ Darwin St. Julien du Haïti Progrès et Alande Deshommes de Radio Atlantik ­ qui étaient détenus dans la ville de St. Raphael. Mais nous déplorons qu’ils aient été enfermés pour 13 jours sans chefs d’accusation ou attention médicale. Un journaliste a été balafré au visage avec une machette et pourrait perdre un œil.

CPJ demande une enquête approfondie sur ces détentions et les conditions dans lesquelles elles ont été effectuées.

De nouveaux règlements légaux

CPJ est préoccupé par le fait que le ministère de l’information envisage de créer une nouvelle loi pour réglementer le journalisme. Nous ajoutons notre voix à celles des journalistes et propriétaires de médias qui ont été consultés et s’opposent fortement à une telle législation.

Nous nous opposons aussi fortement à la loi haïtienne existante, selon laquelle des journalistes peuvent encourir la prison en représailles de leur travail. Nous croyons qu’un forum civil peut fournir un recours adéquat pour les accusations de difamation.

Le 7 janvier, le président Aristide a fait une promesse lors d’une rencontre avec les journalistes en déclarant “Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour permettre aux journalistes de mener leur travail sans ingérence, et je ferai en sorte que toutes les lois soient respectées. “

CPJ demande au président de tenir sa promesse en prenant des mesures promptes et décisives.

FIN

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