RDC: Deux stations de radio fermées pour leur couverture d’une grève

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) appelle les autorités de la ville de Likasi, dans la province de Katanga au sud du Congo, à autoriser deux stations privées à retrouver l’antenne.

Le 11 mars dernier, le maire de la ville Likasi, Denis Kalondji Ngoy, a ordonné la fermeture de la Radio Communautaire du Katanga (RCK) et de la Radiotélévision Likasi 4 (RTL4) à la suite de leur couverture d’une grève locale, selon l’organisme de défense de la liberté de la presse, Journaliste en Danger (JED).

Ces fermetures, qui ont été soutenues par un avis officiel du ministre provincial de la Communication et de l’Intérieur, Dikanga Kazadi, se sont produites dans un climat de crise sociale tendue à Likasi, avec la montée de l’inflation et la grève continue des travailleurs du chemin de fer qui exigent 36 mois d’arriérés de salaires, selon des journalistes locaux. Les autorités locales ont accusé les stations d’inciter le public à la grève et de diffusion de déclarations diffamatoires et de  propos à caractère tribal, selon JED.

Le président de l’Observatoire des médias congolais, Polydor Muboyayi, a déclaré au CPJ que les fermetures des stations étaient illégales, soulignant qu’une telle décision relève exclusivement de la compétence de la Haute autorité des médias, l’organe officiel de régulation des médias au Congo.

« Nous sommes préoccupés par le fait que les autorités aient outrepassé leurs pouvoirs en fermant sommairement ces stations », a déclaré le directeur adjoint du CPJ, Robert Mahoney. « Nous appelons les autorités de Likasi à rouvrir immédiatement RCK et RTL4 », a-t-il ajouté.

Paul Kabamba, animateur à la RCK a déclaré au CPJ que la station est officiellement accusée de diffusion d’un vieux discours de Patrice Emery Lumumba, le premier Premier ministre de la RDC indépendante, ainsi que deux chansons intitulées « Que demande le peuple » et « Binashindakana » (« C’est devenu impossible »). Quant à Charles de Gaulle Kaboulo, animateur à la RTL4, il a dit au CPJ que sa station est accusée de diffusion de fausses nouvelles concernant des affrontements entre la police et des manifestants le 7 mars dernier. Cependant les journalistes de la RTL4 ont nié ces accusations.

Il convient de souligner que le directeur de la RTL4, Jacob Nshimbi, est allé ce matin à Lubumbashi, la capitale de la province du Katanga, pour discuter de la suspension de ces stations avec le ministre congolais de la Communication. Toutefois, M. Kaboulo a déclaré que rien ne laissait croire à la réouverture de ces stations.

Il faut rappeler que les journalistes de ces médias indépendants ont été harcelés au cours des dernières années du fait de leur couverture des actualités locales. En effet, Paul Kabanga, animateur à la RCK a été arrêté  en 2007 pour avoir diffusé des nouvelles alléguant que les véhicules appartenant aux magistrats de Likasi n’avaient pas de plaques d’immatriculation ni de papiers d’assurance comme requis par la loi congolaise. Il a été libéré sans inculpation trois jours plus tard après l’intervention de l’Union nationale de la presse du Congo.

Dans un autre incident le 28 février dernier, plusieurs journalistes locaux ont dit au CPJ que le maire de Likasi, M. Ngoy,  avait menacé Gilbert Nawesi, animateur à la station de radio chrétienne Radio Plein Evangile, pour des propos tenus au cours de son émission interactive quotidienne. Le maire aurait convoqué le journaliste à son bureau pour lui dire de cesser cette émission immédiatement et qu’il serait tenu responsable, ou même tué, si un conflit ethnique éclatait. Le secrétaire particulier du maire a déclaré aujourd’hui au CPJ qu’aucune menace n’a été proférée contre le journaliste.

Au cours de cette émission, M. Nawesi avait suggéré qu’il serait bon de réinstaurer la politique de l’ex-dictateur Mobutu Sese Seko, qui exigeait que les fonctionnaires servent hors de leur province natale. M. Nawesi a par ailleurs dit au CPJ que le maire avait déclaré avoir reçu des plaintes de citoyens contre lui, soulignant que le journaliste les aurait offensés en estimant qu’ils étaient incompétents pour gouverner leur propre ville. Dans un e-mail adressé au CPJ aujourd’hui, M. Nawesi a précisé qu’il attend toujours que le maire fasse une déclaration qui lui permettrait de reprendre l’antenne.