Il n’est pas trop tard pour que justice soit rendue à Francis Nyaruri, qui a été tué en 2009 après suite à son enquête dévoilant un scandale de corruption dans la police. L’assassinat est arrivé dans un contexte de tueries extrajudiciaires répandues. Par Tom Rhodes avec le reportage de Clifford Derrick

 

Un meurtre dans le Kenya profond
jette l’émoi dans le pays et le monde

Par Tom Rhodes avec un reportage de Clifford Derrick

À la lisière de la forêt du Kodero dans l’extrême ouest du Kenya, des chasseurs locaux ont découvert le corps de Francis Nyaruri, journaliste de 31 ans, décapité et sauvagement défiguré, les mains ligotées dans le dos pour le rendre impuissant et sans défense. C’était le 29 janvier 2009, soit deux semaines après que le journaliste était (a été) porté disparu lors d’un voyage à Kisii, à environ 30 kilomètres de son domicile à Nyamira.

La police kenyane est accusée d'implication dans de nombreuses tueries extrajudiciaires, y compris l'assassinat du journaliste Francis Nyaruri. (AFP / Tony Karumba)

Son épouse, Joséphine Kwamboka Nyaruri, est toujours hantée par cette découverte macabre. « Ses yeux n’étaient même plus là, on les lui avait arrachés », a-telle expliqué dans une interview avec le CPJ. « Même sa mâchoire inférieure avait disparue », a-t-elle ajouté. Au moment de son assassinat, Nyaruri venait de boucler une enquête accusant un fonctionnaire de police de s’être rendu coupable de corruption lors des travaux de construction d’infrastructures à Nyamira et ailleurs. Ce n’était pas son premier article mettant en cause les agissements et l’intégrité des officiers de la police nationale en poste dans l’ouest du Kenya.

Une enquête du CPJ, qui incluait un examen des documents généraux et des entretiens avec des personnes impliquées dans l’affaire, a brandi des preuves que de hauts fonctionnaires sont impliqués dans de vastes manœuvres visant à entraver l’enquête sur l’assassinat de Nyaruri. « Il ya de forts soupçons que le défunt ait été exécuté par des policiers », avait écrit le procureur général Amos Wako dans une lettre datant de juin 2009, qui est l’un des nombreux documents officiels qui évoquent également la probabilité d’une implication directe de la police dans le meurtre.

Mais après près de trois ans, aucun fonctionnaire de police n’a été inculpé ni même interrogé au sujet du meurtre. Deux hommes sont actuellement jugés pour assassinat, mais les collègues et proches de M. Nyaruri croient que même si la culpabilité des suspects était avérée, ils ne restent que des comparses d’un vaste complot. L’assassinat s’est produit dans un contexte généralisé d’exécutions extrajudiciaires au Kenya, qui a conduit le Rapporteur spécial l’ONU, Philip Alston, à conclure en février 2009 que « les policiers kenyans font leur propre loi, et ils tuent souvent et en toute impunité ». La Commission nationale des droits de l’homme du Kenya continue de mener une campagne visant à dénoncer l’impunité dont joui la police dans les cas d’exécutions extrajudiciaires. La police kenyane était également impliquée dans l’attaque en 1991 contre le photojournaliste Wallace Gichere, qui a été grièvement blessé lorsqu’il a été projeté d’une fenêtre du troisième étage. M. Gichere est décédé en 1998.

Malgré l’éloignement du lieu du crime, cet assassinat témoigne également des problèmes que connait la presse à l’échelle mondiale. Les recherches du CPJ révèlent que dans le monde, 9 des 10 assassinats de journalistes concernent des journalistes locaux comme M. Nyaruri. Environ 30% des victimes dans le monde ont enquêté sur la corruption le mois précédant leur décès. Dans un sur quatre cas de meurtres de journalistes dans le monde, les fonctionnaires de l’État sont soupçonnés. Et comme dans le cas de M. Nyaruri, à ce jour les meurtres de journalistes sont perpétrés en toute impunité dans 88% des cas.

« L’assassinat de M. Nyaruri a été perpétré en toute impunité, car aucun des auteurs ne craignaient d’être arrêté par les autorités, » a déclaré au CPJ Maître Andrew Mandi, l’avocat de la famille de Nyaruri. « C’est parce que ces meurtriers représentaient les autorités locales », a-t-il ajouté.


L’officier chargé de l’enquête à l’origine, l’inspecteur Robert Natwoli, semblait faire des progrès assez rapides dans l’affaire. Au mois de mars, il avait entendu un suspect, un chauffeur de taxi du nom de Evans Mose Bosire et en mai, il avait arrêté un autre homme, Japeth Mangera, membre d’un gang local connue sous le nom de sungusungu. A l’origine, c’était une sorte de force de sécurité communautaire ayant des liens avec la police, au fil des années le sungusungu s’est illustré dans des activités criminelles et meurtrières.

Dans une déclaration à la police nationale à Kisii le 12 mars 2009, M. Bosire a affirmé qu’il avait déposé M. Nyaruri au domicile d’un conseiller de la ville de Kisii nommé Samuel Omwando le jour du meurtre. M. Omwando avait promis à M. Nyaruri un « grand reportage », selon ledit chauffeur, qui a déclaré que deux policiers et deux membres du sungusungu avait pris part au voyage. M. Nyaruri est devenu nerveux pendant le voyage et a tenté de s’en aller, a déclaré M. Bosire dans sa déposition, ce qui a poussé un officier de police à frapper le journaliste avec la crosse de son fusil. Ledit chauffeur a déclaré que les malfaiteurs ont traîné le journaliste à la maison de l’élu local dans la ville voisine de Suneka et l’ont sévèrement battu. Vers 19h 30, le groupe a emmené M. Nyaruri à la forêt de Kodero et l’a tué, a affirmé M. Bosire, même si la déclaration n’a pas fourni de détails sur la brutalité évidente dont ils ont fait montre lors de l’assassinat. Les assaillants se sont débarrassés du corps à quelques mètres de la route, et M. Bosire a ramené le groupe à Kisii, a déclaré le chauffeur de taxi.

Détenu pendant plusieurs semaines, M. Bosire n’a jamais été officiellement inculpé. Suite à une permission de sortie qui lui a été accordée pour qu’il puisse rendre visite à sa famille en fin mai 2009, il a disparu. Plus tard, un journaliste du CPJ qui a appelé sur l’ancien téléphone portable de M. Nyaruri a déclaré avoir parlé à un individu qui s’est identifié comme étant M. Bosire. L’individu a raccroché lorsque le journaliste a commencé à lui poser des questions, et vraisemblablement il a éteint le téléphone par la suite. Les rapports de la police affirment que M. Mangera, le suspect numéro deux, a été retrouvé portant une casquette appartenant au journaliste lorsqu’il a été interpellé. M. Mangera a déclaré à la police qu’il n’avait pas participé au meurtre, mais il a désigné deux autres suspects potentiels dans sa déposition du 26 mai 2009 à la police. Inculpé de meurtre, il est resté en garde à vue à la fin de l’année 2011, avec un autre membre du sungusungu qui a été arrêté plus tard.

Des journalistes locaux ont affirmé au CPJ que M. Omwando est allé vers une destination inconnue lorsque l’enquête a démarré. Les appels à un numéro de téléphone identifié comme le sien indiquaient que le téléphone était hors réseau. Il n’ya aucune trace montrant que les enquêteurs ont pu interroger M. Omwando.

Des journalistes en poste à l’ouest du Kenya ont déclaré au CPJ que l’assassinat de M. Nyaruri avait obéré leurs reportages, contraignant beaucoup d’entre eux à recourir à l’autocensure. À quelques exceptions près, la plupart des journalistes locaux se sont montrés trop craintifs pour s’exprimer au nom de Nyaruri.


Bien que M. Nyaruri écrivait sous le pseudonyme Mong’are Mokua, il n’a pas fait preuve de prudence dans ses enquêtes pour le journal privé Weekly Citizen. « Il a fait des enquêtes sur des affaires de corruption impliquant la police et des responsables municipaux locaux de Nyamira. « Ceci a fait de lui un ennemi pour beaucoup de personnes », a rappelé Samuel Owida, un ami et ancien reporter de The Nation, le principal quotidien du Kenya.

« Il ne se laissait jamais intimider par qui que ce soit », ajoute Fred Moturi, un journaliste de KTN, « mais il ne prenait pas de précautions. Souvent, il se lançait précipitamment dans une enquête sans informer les autres de ce qu’il faisait. Il pouvait juste raccrocher le téléphone et filer immédiatement sans que nul ne sache où il allait », a-t-il ajouté.

Raillé par les journalistes comme faisant partie de la « presse-poubelle » pour sa couverture sensationnelle et parfois très superficielle, le Weekly Citizen est également connu pour des reportages percutants sur des sujets ignorés par les grands journaux du Kenya, a déclaré Esther Kamweru, ancienne directrice du Conseil des médias basé à Nairobi, une agence de régulation de la presse.

Une de ces enquêtes portait sur la construction de logements pour les recrues de la police à Nyamira et à deux autres endroits, un projet évalué à 20 millions de shillings (soit 203 252 dollars américains). M. Nyaruri a eu vent des allégations selon lesquelles des tôles de qualité inférieure ont été utilisées pour la toiture des logements. Son reportage dans le Weekly Citizen a accusé Laurent Njoroge Mwaura, l’officier de la police nationale en poste à Nyamira, d’avoir escroqué le gouvernement dans les travaux de construction.

L’article a été publié le 19 janvier 2009, soit quatre jours après que M. Nyaruri a été porté disparu, mais ses conclusions ont été largement diffusées à l’avance. Selon Me Mandi, l’avocat de la famille, avant la publication de l’article dans le Weekly Citizen, M. Nyaruri avait débattu des conclusions de son enquête sur deux stations de radio locales, notamment Egesa FM et Citizen Radio. Le journaliste avait déjà eu maille à partir avec la police auparavant, notamment suite à un article publié en 2008 accusant M. Mwaura d’utiliser des véhicules de police pour transporter des prostituées, a déclaré l’avocat. Le père du journaliste, Peter, a indiqué que des responsables de la police avaient menacé M. Nyaruri après la parution de l’article en 2008, le forçant à entrer dans la clandestinité pendant plusieurs semaines.

M. Mwaura n’appréciait pas une couverture aussi critique, selon M. Mandi, qui a affirmé avoir été témoin de menaces proférées par l’officier de police contre le journaliste en début janvier 2009. « Un jour, j’étais en compagnie de Francis, lorsque nous avons rencontré le chef de la police qui se rendait chez lui pour le déjeuner. Il s’en est pris à Francis en ma présence et l’a avertit des conséquences désastreuses auxquelles il s’exposait s’il n’arrêtait pas d’écrire des articles sur lui », a déclaré au CPJ M. Mandi. L’inspecteur Natwoli se rappelle également avoir entendu son supérieur exprimer son mécontentement au sujet de M. Nyaruri dans une conversation en décembre 2008. « Il m’a simplement dit que le gouvernement n’appréciait pas le ton des articles que M. Nyaruri écrivait au sujet de la police, car cela embarrassait le gouvernement. (…) Il m’a alors informé qu’on devait résoudre le cas de M. Nyaruri une fois pour toutes ».

Dans une interview accordée au CPJ, M. Mwaura a nié avoir eu une telle conversation. Il a affirmé qu’il n’avait rien contre M. Nyaruri et qu’il n’avait aucune connaissance des raisons pour lesquelles le journaliste a été assassiné, ni par qui. « En fait, M. Nyaruri était mon meilleur ami. Je n’avais aucun problème avec ce jeune homme », a déclaré M. Mwaura. « Il n’est pas mort dans mon district. Je ne sais pas vraiment avec certitude pourquoi il a été tué », a-t-il ajouté.


La vie est devenue plus difficile pour l’inspecteur Natwoli après qu’il avait arrêté les deux suspects au printemps 2009. « Peu après, M. Mwaura et son adjoint sont venu à mon poste et ont ordonné que je sois accusé d’infractions disciplinaires pour circulation au ralenti, négligence, refus d’obtempérer aux commandements, et pour m’être rendu coupable d’actes portant atteinte à l’ordre et à la discipline », a déclaré l’inspecteur Natwoli dans une déposition écrite sous serment qu’il a faite dans le cadre de l’enquête sur le meurtre. Cet inspecteur a été muté hors de la juridiction en juin ; il s’agit en fait de la première d’une série de mutations concernant des agents en charge de l’affaire.

L’inspecteur Natwoli a déclaré au CPJ qu’il avait continué à recevoir des menaces de la police et du gang sungusungu, y compris un épisode dans lequel sa maison avait essuyé des coups de feu, le poussant à entrer brièvement dans la clandestinité et finalement à quitter définitivement la police. « Ma vie a été bouleversée, tout simplement pour avoir exercé mes fonctions », a-t-il déclaré au CPJ.

Pendant tout l’été 2009, le chef de la police nationale, le Commissaire Hussein Ali, a autorisé la mutation de plusieurs autres officiers de police chargés de l’affaire. Aucune explication n’a été donnée en son temps, et le porte-parole adjoint de la police, Charles Owino, a déclaré plus tard au CPJ qu’il n’avait aucun commentaire à faire au sujet de ces mutations. Mais de toute évidence, les mutations ont sapé l’enquête, selon des journalistes locaux et des avocats. « L’enquête est dans une impasse totale », a déclaré le procureur Mary Oundo au CPJ en octobre 2010. « Tous ceux qui travaillaient sur l’affaire au début ont été mutés », a-t-il souligné.

Dans ses conclusions de 2009, le Rapporteur spécial des Nations unies Philip Alston a pointé du doigt le Commissaire Ali comme étant le principal obstacle aux enquêtes sur les exécutions extrajudiciaires de la police. Décrivant un climat de « zéro obligation redditionnelle interne », M. Alston a ajouté que, « les agents de police qui tuent sont les mêmes qui enquêtent sur les homicides commis par la police ». Pendant que M. Alston insistait que le Commissaire Ali soit demis de ses fonctions, le président Mwai Kibaki a plutôt décidé de le nommer directeur de l’office des postes du Kenya. En fin 2011, la Cour pénale internationale de La Haye a interrogé le commissaire M. Ali au sujet de son rôle présumé dans les vagues de violences qui ont suivi l’élection présidentielle contestée de décembre 2007.

M. Ali n’a pas donné suite aux messages que nous lui avons laissés à son bureau au service postal pour recueillir ses commentaires sur cette affaire. Le porte-parole de la police kenyane, Eric Kiraithe, a nié toute obstruction officielle de l’enquête sur l’affaire Nyaruri. « Aucun officier supérieur de la police n’a l’obligation de protéger un autre agent qui a enfreint la loi », a déclaré M. Kiraithe.

Cependant, dès juin 2009, le procureur général Wako a instruit l’agent enquêteur d’enquêter sur le rôle potentiel que M. Mwaura a pu jouer dans l’assassinat du journaliste. « Au regard de sa conduite, il est clair qu’il doit être impliqué dans le crime d’une manière ou d’une autre», a déclaré le procureur Wako dans une lettre. « Il devrait donc faire l’objet d’une enquête », a-t-il ajouté.

Cependant il semble que cette directive n’a pas été suivie. L’officier supérieur désormais affecté à l’affaire, Sébastien Ndaro, a dit qu’il n’avait pas été en mesure d’arrêter M. Mwaura, mais il a refusé tout commentaire. Le procureur Wako, qui a démissionné en septembre 2011, était lui-même fortement critiqué par M. Alston pour sa gestion inefficace des enquêtes sur les exécutions extrajudiciaires perpétrées par la police. M. Mwaura a été muté à un poste similaire dans le Turkana, région du lac éponyme, située dans le nord-ouest du pays.

En février 2010, la police a arrêté un deuxième suspect présumé membre du gang de sungusungu suite à l’assassinat de Nyaruri. Le suspect, du nom de Wilfred Nyambati, a nié toute implication et a clamé qu’il était en voyage à l’époque, selon une déclaration de la police.

L’affaire a traîné en raison des retards procéduraux, un juge a brusquement reporté une audience qui devait avoir lieu en 2010, avançant qu’il ne rouvrirait pas cette affaire, avant que les deux suspects ne fussent finalement envoyés devant la justice en novembre 2011. À l’audience, Peter Nyaruri a témoigné que son fils lui avait confié que M. Mwaura l’avait menacé de mort. La procédure a été ajournée en mars 2012.


« Que Dieu aide le Kenya! », c’était le message d’accueil que Francis Nyaruri a enregistré sur son téléphone portable en janvier 2009, raconte Jack Nduri, un vieil ami. M. Nduri dit qu’il a essayé d’appeler M. Nyaruri le jour de l’assassinat. « À ce moment, il devait savoir qu’il allait être tué. Son téléphone était éteint peu après que j’ai fait cet appel », a-t-il ajouté.

Pour la famille et les collègues du journaliste, mieux vaut s’en remettre à la providence divine que de compter sur une quelconque intervention humaine pour que les coupables répondent de leurs actes. « J’ai perdu tout espoir que justice soit rendue dans cette affaire », a déclaré l’épouse du journaliste, Joséphine. « Ils jouent juste à de petits jeux ». M. Owida, le journaliste de The Nation dont les reportages ont révélé l’assassinat de M. Nyaruri, a déclaré qu’il avait reçu des menaces au téléphone l’avertissant qu’il risquait de « connaitre le même sort que M. Nyaruri ».

Cependant, les choses ne devraient se passer de cette façon. « Bien que la situation actuelle soit difficile, elle est loin d’être insurmontable », écrivait M. Alston en 2009. « S’il en décide ainsi, le Kenya peut réduire considérablement la prévalence des exécutions extrajudiciaires. Beaucoup des structures institutionnelles et juridiques nécessaires pour mener le processus de réforme sont en place… Les citoyens kenyans sont politiquement engagés, et la société civile fait montre de professionnalisme et de sérieux, et contribue de façon significative à la protection des droits humains en jugulant les exactions et en proposant des réformes », a-t-il souligné.

Le CPJ a écrit au Président Kibaki et au Premier ministre, Raila Odinga, pour exiger des enquêtes exhaustives et approfondies qui puissent donner lieu à des poursuites judiciaires. En raison des travaux menés par l’inspecteur Natwoli au début de l’affaire, l’enquête est bien documentée. Il n’est pas trop tard pour que justice soit rendue à Francis Nyaruri, et ce n’est pas non plus trop tard pour les citoyens kenyans de remettre sur les rails leur système de maintien de l’ordre qui marche de travers.

Tom Rhodes est le Consultant du CPJ pour l’Afrique de l’Est basé à Nairobi. Clifford Derrick est un journaliste indépendant et un ancien consultant du CPJ.


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