En Côte-d’Ivoire, Ouattara doit mettre fin à la persécution de la presse pro-Gbagbo

Le 26 juillet 2011

Le Secrétaire général Ban Ki-moon
Siège des Nations Unies
New York, NY 10017

Par télécopieur: (212) 963-2155

Monsieur le Secrétaire Général:

A l’occasion de votre rencontre de ce mercredi avec le nouveau président de Côte-d’Ivoire, Alassane Ouattara, et compte tenu de votre engagement exprès de faire de la défense de la liberté de la presse une priorité au cours de votre deuxième mandat comme Secrétaire général des Nations Unies, nous vous demandons d’exhorter le président Ouattara à renforcer la primauté du droit, l’impartialité de la justice, et la promotion de la réconciliation nationale en mettant fin à la persécution des journalistes et des médias qui étaient favorables à l’ancien président Laurent Gbagbo.

Des autorités du gouvernement Ouattara emprisonnent depuis le 21 juillet 2011 Hermann Aboa, un journaliste de la Radiodiffusion Télévision   Ivoirienne (RTI), sous un tas de chefs d’accusations antiétatiques–y compris l’atteinte à la défense nationale,   l’atteinte à l’ordre public, participation à un mouvement insurrectionnel, et l’incitation à la haine raciale–pour son rôle comme l’un des quatre modérateurs d’une émission intitulée Raison d’État qui ventait les actions de Gbagbo pendant la crise politique de cinq mois. Les accusations d’incitation à la haine et d’atteinte à à la défense nationale ne doivent pas être banalisées, et après avoir visionné des images des programmes animes par Aboa, le CPJ estime que les accusations portées contre lui sont sans fondement, et sa poursuite sélective est motivée par la vengeance politique.

Le gouvernement Ouattara détient également depuis des semaines six autres anciens et actuels journalistes et personnalités des médias qui sont inculpées sous les mêmes accusations, prétendument pour leur militantisme en faveur de Gbagbo.

Enfin, les combattants des Forces Républicaines de Côte-d’Ivoire (FRCI),  pro-Ouattara, occupent illégalement les locaux de deux médias pro-Gbagbo, Radio Yopougon et le groupe de médias La Refondation, depuis leur prise de la capitale économique Abidjan. Les combattants des FRCI ont aussi été impliqués dans des actes de brigandage, d’intimidation des journalistes pro-Gbagbo, et l’assassinat du rédacteur en chef adjoint de Radio Yopougon,  Sylvain Gagnetaud Lago, selon des recherches du CPJ, des journalistes locaux et plusieurs témoignages.

Tous les deux protagonistes du conflit ivoirien ont commis des abus contre la presse durant la crise politique. Ouattara est arrivé au pouvoir avec un discours de réconciliation nationale, mais son gouvernement semble plutôt s’acharner à persécuter ses anciens détracteurs dans la presse concurrente.

Par conséquent, nous vous demandons d’encourager le président Ouattara à réaliser ses promesses de justice et d’équité, faites lors de sa prise du pouvoir, en mettant fin à cette tendance de poursuites politisées de journalistes favorables à Gbagbo, et en livrant à la justice les membres de son administration et les forces de sécurité impliqués dans l’occupation des médias et ceux qui harcèlent les journalistes.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire général, l’expression de ma parfaite considération.

Nous vous remercions de votre attention à cette question urgente.

Cordialement,

Joël Simon
Directeur exécutif