En Côte d’Ivoire, Gbagbo et Ouattara ciblent les médias partisans de leur rival

New York, le 1er mars 2011–Les autorités du président ivoirien, Laurent Gbagbo, et les partisans de son rival, Alassane Ouattara, sont en train de cibler leurs détracteurs dans la presse ivoirienne divisée par des loyautés politiques dans une lutte acharnée pour le pouvoir de plus en plus sanglante, a déclaré le aujourd’hui Comité pour la protection des journalistes (CPJ). 

Marcel Legré, machiniste à l’imprimerie de La Refondation Sa, éditrice du quotidien pro-Gbagbo Notre Voie, a été tué par une horde d’individus dans la banlieue de Koumassi à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’ivoire, selon des journalistes locaux. Dans cette localité, Legré était connu pour ses rapports professionnels avec Notre Voie, a dit au CPJ Guillaume Gbato, journaliste dudit journal, ajoutant que Koumassi est une localité qui regorge de partisans de Ouattara. 

Le même jour, neuf journaux pro-Ouattara ont indéfiniment suspendu leurs publications citant des « menaces et du harcèlement » de la part de l’administration Gbagbo et de ses forces de sécurité, selon des médias

La Côte-d’Ivoire est plongée dans un conflit politico-militaire tendu depuis les résultats contestés du second tour de la présidentielle de Novembre 2010 entre Gbagbo et Ouattara. Ce dernier, reconnu par la communauté internationale comme le président-élu, est cloitré à l’hôtel du Golfe d’Abidjan sous la protection des casques bleus de l’ONU. La spirale des tensions ethniques et des échauffourées sanglantes à Abidjan entre les forces loyales de Gbagbo et les rebelles soutenant Ouattara risque de replonger le pays dans la guerre civile qui avait divisé cette nation en deux parties en 2002, le Nord aux mains des rebelles et le Sud contrôlé par le gouvernement, selon des médias. 

« Il devient insupportablement dangereux  pour les médias et leurs journalistes de travailler en Côte-d’Ivoire puisque les deux camps Gbagbo et Ouattara prennent pour ciblent les médias partisans de leur rival », a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous appelons les deux camps à s’abstenir de cibler la presse et de recourir à la censure politique », a-t-il martelé.

Ces derniers développements font suite à la décision vendredi dernier du Conseil nationale de la presse, l’organe publique de régulation de la presse écrite contrôlé par Gbagbo, de suspendre le quotidien pro-Ouattara Le Nouveau Réveil pour six parutions du fait de son édition du 22 février qui contenait des allégations selon lesquelles les forces loyales au président Gbagbo avait utilisé des lanceroquettes contre les partisans de Ouattara lors d’une manifestation la veille. Le CNP a déclaré que les images de manifestants tués qui ont été publiées par le journal pour illustrer son article étaient « insoutenables et choquantes » et qu’elles « incitent à la révolte, au soulèvement » et constitutives d’« apologie de la violence », selon des recherches du CPJ. Le directeur de publication du Nouveau Réveil, Denis Kaz Zion, a déclaré au CPJ que son journal a nié ces allégations. 

Dimanche matin, des hommes armés ont détruit le centre d’émetteur de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) contrôlée par le camp Gabagbo dans le quartier d’Abobo à Abidjan, un fief de Ouattara qui a récemment été le théâtre d’affrontements meurtriers, selon des médias. Un technicien non identifié serait une des victimes de cette attaque, selon le Comité ivoirien pour la protection des journalistes (CIPJ). Du fait de la destruction de ce centre émetteur, la RTI avait cessé de diffuser pendant quelques heures, selon les mêmes sources.

Le CNP a également infligé des amendes d’1 à 2 millions de francs CFA (environ 4100 dollars américains) à trois sociétés éditrices de quotidiens pro-Ouattara. Il s’agit des sociétés Editions Le Néré, éditrice du journal Le Jour Plus, de Mayama Edition & Production (éditrice du journal Le Patriote) et Nord-Sud Communication (éditrice de Nord-Sud). Ces journaux disposent d’un délai de 30 jours pour payer ces amendes.

Le CPJ s’inquiète également du sort des journalistes emprisonnés Aboubacar Sanogo et Yayoro Charles Lopez Kangbé de la chaîne de télévision Notre Patrie contrôlée par les rebelles, qui ont été placés en garde à vue sans accusation pendant 20 jours et prétendument torturés avant d’être traduits en justice. Ces journalistes, poursuivis pour « atteinte à la sécurité de l’Etat » n’ont toujours pas été officiellement inculpés. Cependant, un juge d’Abidjan a rejeté jeudi leur demande de libération sous caution, selon le CIPJ.