Le Cameroun doit enquêter sur la mort en prison de l’éditeur Germain Ngota

Le 25 Avril 2010 

S.E. Paul Biya 
Président de la République du Cameroun 
Yaoundé, Cameroun 
Fax: (237) 22 20 33 06 
Cher Monsieur le Président,

Suite au décès jeudi dernier du journaliste Germain S. Ngota Ngota, dont la santé s’est détériorée pendant son incarcération à la prison de Kondengui sise à Yaoundé, la capitale camerounaise, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) vous invite à ouvrir une enquête officielle, approfondie et transparente sur les circonstances de sa mort. Nous vous convions aussi à fournir des garanties pour le bien-être de trois autres journalistes détenus dans les prisons camerounaises et à vous pencher sur les abus continus, notamment les allégations de torture par des agents de l’État, contre des journalistes indépendants ayant soulevé des questions sensibles concernant la gestion de votre administration.

M. Ngota, directeur de publication de l’hebdomadaire privé Cameroun Express, est mort des suites d’une « négligence, d’un manque de soin » et par « non assistance », selon un certificat de décès que sa famille à partagé avec les journalistes. Le défunt journaliste, connu sous le son surnom de Bibi,  souffrait d’hypertension artérielle et d’une hernie. Citant le père de M. Ngota, le quotidien Le Jour a indiqué que l’état de santé de son fils a été diagnostiqué par un médecin de la prison identifié comme étant le Dr. Ndi.

M. Ngota a été arrêté le 25 février dernier, en même temps que Harrys Robert Mintya et Serge Sabouang, respectivement directeurs de publication des journaux Le Devoir  et La Nation, à la suite d’une plainte du ministre d’État secrétaire général de la présidence du Cameroun et président du conseil d’administration de la Société nationale des hydrocarbures (SNH),  Laurent Esso, pour avoir enquêté sur des allégations de corruption impliquant M. Esso. Les journalistes ont été ensuite transférés en mars dernier à la prison de Kondengui pour une détention provisoire, pouvant durer jusqu’à six mois et renouvelable deux fois, a déclaré au CPJ leur avocat Jean-Marie Nouga.

Trois semaines avant son arrestation par la police, M. Ngota a été cueilli par des agents de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) du Cameroun alors qu’il se faisait traiter pour hypertension artérielle à l’hôpital du district de Biyem-Assi à Yaoundé, a confié son père au quotidien Le Jour. Il a été détenu au secret sans inculpation avec MM. Mintya et Sabouang ainsi que le journaliste Simon Hervé Nko’o de l’hebdomadaire Bebela. Le gouvernement n’a toujours pas répondu publiquement aux allégations de M. Nko’o selon lesquelles des agents de sécurité ont recouru à la torture psychologique et physique pour forcer les journalistes à révéler leurs sources pour un document sur lequel étaient fondées les allégations de malversation financière. M. Nko’o a depuis fui dans la clandestinité.

Votre Excellence, nous tenons le gouvernement camerounais responsable du sort de trois autres directeurs de publication actuellement détenus dans des établissements pénitentiaires au Cameroun, notamment MM. Mintya et Sabouang et Lewis Medjo du défunt hebdomadaire La Détente Libre. La santé de M. Medjo, incarcéré depuis septembre 2008 à la prison de New Bell sise à la ville commerciale de Douala, s’est détériorée pendant sa détention. Il n’entend plus de son oreille droite suite à une grave otite survenue pendant qu’il purge sa peine de trois ans d’emprisonnement pour avoir commenté un décret présidentiel, son frère Michée Medjo Gatheu a déclaré au CPJ.

En conséquence, nous vous exhortons à prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires pour assurer que des enquêtes transparentes sur la mort M. Ngota et les allégations de torture à l’encontre de M. Nko’o soient menées, et que les résultats soient rendus publics. Nous vous incitons également à demander des comptes à tous les agents publics impliqués dans les abus contre les journalistes indépendants et vous exhortons à initier des réformes sur la presse au Cameroun, notamment sur la dépénalisation des délits de presse, pour que les médias soient en en mesure de traiter des questions relatives à la gestion des finances publiques et de couvrir l’actualité sans crainte de représailles.

Merci de l’attention que vous prêtez à ces questions très importantes. Nous attendons votre réponse.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos sentiments distingués.

Joël Simon

Directeur Exécutif